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[1626] Quittances.

Personne, nulle part. Il se tient là dans la salle de bains, debout nu sur le carrelage encore tiède de vapeurs, roi sans artifice au centre de son monde. Devant lui la grande glace renvoie la silhouette indistincte d'un homme bien fait, bien né. La sinistre cicatrice remonte telle un reptile son avant-bras à travers les brumes, plus sûre ancre pour sa personnalité que ses empreintes digitales. Il l'observe d'abord dans la glace puis en vrai. La remonte d'un doigt opposé jusqu'au coude, l'air presque curieux de ce trait qu'il connaît pourtant si bien. Puis l'image dans le miroir s'affine, comme se précise le focus de la première sur le sceau du maître-verrier qui a confectionné le second pour l'hôtel :

Maître... Niklas... Falmel...

Les syllabes sont bien détachées, à haute voix, avec pour public le seul éther. Le son est un peu rauque, celui d'un fumeur régulier mais pas abusif. Le reflet, désormais pieds et torse nus seulement, a pris quelques rides et pas mal de mèches blanches, qu'il coiffe vers l'avant en prenant soin d'éclater les quelques épis nés dans le mouvement.

Maître Niklas Flamel. Hm.

Son invocation de l'artisan semble convenir au reflet, qui regagne un instant la chambre pour y récupérer une chemise blanche. Il l'enfile lentement, les épaules un peu raidies, une vieille tendinite peut-être. Les boutons du bas sont un peu serrés, la coupe est certes ajustée mais le ventre d'un quadragénaire avancé n'a plus toute sa tenue non plus, il faut bien le reconnaître. L'homme soupire doucement en pensant à sa femme si loin, à ses cheveux, blond vénitien, dit-on ?

Quelle affaire.

Il a passé ses boutons de manchette avec respect, ils lui viennent de son père mort il y a un ou deux ans, deux déjà. Le temps a passé si vite. Le petit dernier n'aura pas connu son grand-père. D'un pas bien équilibré, de l'être sûr de lui, il retourne vérifier sa mise dans la glace, puis ressort aussitôt, satisfait, pour enfiler chaussettes et chaussures, un côté puis l'autre, par une vieille habitude d'enfance. Toc, toc, pile à l'heure. L'horloge sur la cheminée confirme.

Monsieur ? C'est le repas que vous avez commandé.
Vous pouvez entrer.

La femme de chambre ouvre et par le battant se confirme qu'elle peut entrer. Le client la laisse avancer son petit chariot vers la table centrale, en ajustant un peu les plis de sa chemise, près de la ceinture. Sur le lit, s'exécutant, elle note une veste noire bien étalée et quelques cravates. Une noire, une d'un rouge sombre, une autre d'un bleu pâle et une dernière d'un bleu sombre avec des motifs trop voyants.

Eryn, c'est ça ?

Surprise, elle détourne le regard par réflexe et s'affaire à mettre le couvert et présenter les plats, comme prise en faute. Puis comme il s'est figé, semblant attendre une réponse, elle ose le regarder à nouveau et le dévisage timidement. La réception lui a dit de faire attention avec lui, que c'était une sommité ou quelque chose comme ça, un type de la haute, un notable de passage pour affaires. Il lui sourit bonhomment, pourtant. Elle hoche la tête.

La rouge, plutôt, non ?

Il fait des essayages entre plusieurs, s'étudiant du coin de l'œil dans la glace de la salle de bains par la porte entr'ouverte, conservant son regard principalement sur elle. Il a une mimique de prière. Elle toussote, inquiète pour son travail.

Le... Le bleu pâle va bien avec vos yeux je trouve, Monsieur.

La jeune femme pique un fard. Ce ne sont pas des questions qu'on pose à une femme de chambre de son âge.

Va pour la bleue alors, merci Eryn.

Je m'occuperai du reste, tenez.

L'élue jetée sur son épaule, il rangeait les autres mais s'est approché d'un pas étouffé par la moquette. Sa main sereine lui tend deux billets que la jeune femme reçoit en notant les détails sur la table :  le plateau de viande fume un peu mais le vin n'est même pas ouvert. Elle veut finir son travail, il l'en empêche en la saisissant par le poignet. Je m'occuperai du reste, répète-t-il, les lèvres aimables mais serrées. Douces mais fermes. À nouveau elle hoche la tête. Ces gens de la haute... Parfois ils veulent qu'on leur porte la cuillère à la bouche, parfois ils sont humains. Clac, sortie.

Pierce ferme le dernier bouton, exécute sans se regarder le nœud social. La préciosité du tissu, la sécurité de l'uniforme, un peu personnalisé par la couleur, jolie couleur, mais uniforme malgré tout, le rassurent comme elles l'amusent.
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Enies Lobby, parvis principal, une aube mourante. Les nuages s'étirent dans le ciel mais personne n'y prête attention. Les deux yeux dans le vague, il attend. Il y a encore un long moment où les mouettes profitent en silence des rayons échauffés du jour. Puis, vers la mi-matin seulement, le métal frôle le métal et une chaîne se défait, des roues dentées pivotent leurs axes et deux lourds battants s'ouvrent sur la gueule noire du monstre injuste. Un petit homme à lunettes avance sa petite soixantaine triste de deux courtes jambes tordues par le poids de sa bedonnance. Il a le nez humide et les yeux rouges, sans doute malade de l'hiver humide. Il tend la main et, malgré tout, obtient réponse.

Pierce Haun, je viens voir ma cliente.

Raide dans son costume, l'avocat fixe d'une pupille de marbre gris le maton. Dans leur poignée de mains il n'y a pas de chaleur, une convention est respectée. Le registre indique bien que Maître Haun doit visiter la détenue XDH-2839, il a vérifié avant de sortir. Le concierge renifle, son œil balade un peu dans le bleu pâle de la cravate en face, sur les blés plus haut. Après un temps, il essuie sa morve sur la main qu'il vient de tendre puis la main sur son pantalon sans pinces.

S'vez le guide, tention à la marche.

La phrase est rengaine, dite sans même y penser, sans regarder d'ailleurs, par-dessus l'épaule. Les mouettes jouent avec les mots qui s'envolent, et crient quand la porte se referme. Le hall est trop grand pour deux personnes et quatre pieds. Les marcheurs s'entendent passer, penser. Les fers de l'homme de loi carressent le dallage sans jamais le rayer, tandis que le cuir mauvais des soles du concierge se tordent une fois par enjambée. Le gardien claudique d'une vieille blessure reçue sur un des fronts de l'ère Gentry, grâce à laquelle il a échoué ici. Il renifle les embruns à l'extérieur, mais ne sent que le reste de tabac consommé par le visiteur pendant son attente et sur le trajet en bateau.

V'fait bon voyage ?
Pas tellement, la houle ne nous a pas lâchés...
La cité ?
Pardon ?
L'capitale, M'joie, c'ment qu'elle est ?
Le règne de Kenora Makuen se fait sentir. Mais ça ne vous changerait pas beaucoup d'ici.

Pierce brasse l'air pour couvrir d'une main ouverte le bâtiment de silence, véritable antichambre des pires prisons du monde en ce jour désœuvré. Encore, le petit être renifle. Encore un nouvel amiral en chef. S'il compte bien, il en aura connu pas moins de cinq. Est-ce que ce serait un record ? Sa connaissance du monde et de l'histoire est trop faible. L'avocat derrière lui doit savoir, lui. Mais lui il n'en a sans doute pas connu autant, ce petit jeune de quarante ans, quarante-cinq. Quoique, c'était quand déjà, Céldéborde ? Et l'autre avant ? Couloirs et virage, à gauche les prêtoirs, à droite les gardes et derrière les cellules. Devant une guérite vide de son personnel, le guide tapote le carreau d'une main bourrue. Une forme émerge d'un fauteuil sans doute plus confortable qu'une chaire de juge. L'éveillé, trentaine quelconque et crâne chauve du vieilli trop vite, passe une mire verte, experte ou pseudo telle, sur l'homme en retrait.

C'est pour qui ?
XDH-2839.

Le garde, le vrai avec une arme, tique. Pierce Haun hausse un sourcil déjà un peu sel, inquisiteur.

Un problème, gardien ?
Elle est pas dispo.
Je sais comment ça marche, j'attendrai que le Colonel ait fini.

Curieux monde que celui où cette procédure est en vigueur. Mais les lois sont ainsi faite que la Flèche les dépasse.

'risquez d'attendre longtemps, il la lâche pas depuis huitaine.
Hm.

Imperturbable, l'avocat considère ses options, des plus audacieuses aux plus efficaces. Ses iris froids comme la justice glissent un instant sur le pommeau en face de lui, sa main pèse sa petite valise contre sa cuisse.

Je saurai ressortir seul. Merci, monsieur.

Le guide qui reniflait ne se reconnaît pas tout de suite, mais quand le garde lui fait un signe, il comprend et se retire, après un dernier coup d'œil par en-dessous à ce vendu de la défense. Qui aiderait des criminels, franchement ? Néanmoins il ne dit rien. C'est ainsi que les choses marchent, n'est-ce pas, depuis la fin du monde jusque le prochain.

Combien pour me mener à la salle d'interrogatoire, gardien ? Que ma cliente soit traitée avec l'équité qu'elle mérite.
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Le poste de garde était désert et je suis passé.

Mieux vaut plaider la négligence que la permissivité, face à un colonel d'élite. Le gardien penaud attend la sentence de son très lointain supérieur. Furieux, Kaas Brick occupe toute la largeur de la porte et son aura menace quiconque tenterait de voir à travers les flancs de son manteau. Pierce Haun ne tente pas, il attend seulement, la sueur au front mais impassible malgré le poing rageux du militaire qui s'agite sous son nez. Dans le couloir sombre du sous-sol du quartier de détention, le pauvre hère qu'il a payé cinquante mille berries pour passer tremble comme une feuille.

J'ai rencontré les pires rebuts d'Impel Down du temps où des hommes aussi vaillants que vous la défendaient encore, Colonel. Vous ne m'impressionnerez pas plus que certains d'entre eux, parfois de vos connaissances aussi d'ailleurs.
Le verbiage c'est pour dire... ?
Laissons tomber les pécadilles, laissez ce pauvre garde repartir, et réglons entre hommes nos petits différends.
Tu veux régler nos différends entre hommes, pied-tendre ? D'accord. Dégage, nimbus. Prie que je t'oublie.

L'anonyme au crâne rasé ne demande pas son reste sous le rugissement de l'Ankoù blond.

Pas besoin de noms d'oiseaux entre nous, Colonel. Ma présence ici est tout-à-fait régulière et la vôtre beaucoup moins, vous le savez. Vous savez aussi que vous avez déjà eu six jours gratuits d'entretien avec ma cliente. Laissez-moi la v
Qui t'envoie ?
J'apprécierais que vous ne me tutoyiez pas, Colonel. Ma cliente m'a mandaté, avant que vous ne la saisissiez. J'ai juste eu besoin de temps pour déterminer qu'elle avait déjà été déportée ici.
Déportée ?! Tout de suite les grands mots !
Vous savez très bien que la vérité n'est pas en faveur de votre procédure, Colonel. Laissez-moi la voir.
Pierce Haun, hein ? C'est curieux, j'ai jamais entendu ce nom-là. Et j'oublie jamais le nom des peigne-culs prêts à m'emmerder pendant que je bosse, pourt
Pourtant il est sur les registres d'entrée validés par les services du juge Couak, Colonel. Si j'osais, je dirais d'ailleurs qu'on ne m'a laissé venir qu'en représailles de cette parodie de Justice que vous avez contraint le Toucan à jouer...
Juste un petit instant.

C'est vers l'intérieur que le colonel a prononcé cette phrase, avant de fermer la porte puis de poser une main que celui-ci ne peut contrer sur l'épaule du frêle avocat. D'une pression irrésistible, il le fait reculer contre le mur d'en face où il le plaque violemment, avant de lui cracher toute sa rage d'être ainsi dérangé dans un interrogatoire où il piétine.

T'es un autre foutu agent du CP5, c'est ça ?! Ou du Zéro !? Tous unis contre moi pour cette conne, parce que j'ai eu le bras plus long que vous quand il fallait, hein ? Réponds ou je te brise les os un par un !

Réponds !

L'œil torve de Pierce reste planté dans celui du colonel quand bien même il peine à garder sa respiration. Perché en l'air à une dizaine de pouces du sol, sa chemise sort de son pantalon dans l'inconfort de la position où il est maintenu. Les deux enfants, une fille et un si petit garçon, lui passent devant les yeux. Il sourit intérieurement comme les hommes qui vont peut-être mourir sans revoir leur progéniture. Un peu d'aplomb lui revient.

Vous... vous méprenez complètement, Colonel.
Mon cul que je me méprends ! Tu sais comment on m'appelle, chez les gens biens ?
Le Limier... Colonel...
Exactement ! Et tu sais ce que je sens quand je te renifle, Maître Pierce Haun ?
Hmf...
La merde. L'odeur du fouille-merde qui s'est trompé de caniveau pour chier dans les bottes des autres.
Lâchez...-moi... Colonel.
Ah ouais ? Et pourquoi je te disparaîtrais pas de mon enquête là maintenant tout de suite, plutôt ? Hm ? Pourquoi ?
Parce... que... je... j... p... vous... ai...
Hm ? Qu'est-ce que c'était que ça ? J'ai pas bien entendu ? Oh, pardon, je t'étouffe, je m'en rendais pas compte. Voilà, remets-toi ? Qu'est-ce que tu disais, déjà ?
Creuh... Parce que... je peux vous aider, Colonel...
Toi, m'aider ?


[1626] Quittances. Ankou10
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[1626] Quittances. 441865FrejaAgentSternCP5
(Photo non contractuelle.)

Bonjour, Agent Stern. J'ai mis longtemps à vous retrouver.
Appelez-moi Freja, Pierce. Quant à Agent...
Je ne suis pas payé pour vous appeler par votre prénom.
Eh bien désormais si, sinon vous ne serez plus payé.
Et vous, plus défendue...
Dois-je bien croire que vous êtes venu me défendre ?

Elle penche la tête vers le miroir par lequel, personne n'est dupe, Brick glane la moindre miette. Il n'a laissé rentrer l'avocat, après lui avoir épousseté un peu les épaules pour faussement s'excuser, que pour la seule bonne raison qu'il n'avait pas pire idée pour débloquer la situation. Satanés agents, entraînés à parler comme ils vivent, dans des cercles de mensonges qui s'influencent les uns les autres et prennent soit forme véridique, soit forme tellement abusive que plus rien n'en est crédible. Si ça se trouve, dans les périodes où elle parlait, elle a balancé la bonne info pour soulager sa conscience et s'éviter de regretter par après, c'est aussi une technique de résistance mentale. Et lui n'a pas les moyens de vérifier toutes les pistes qu'elle lui a données, parce qu'il ne peut pas quitter son chevet. Quand elle sera hors de son délai de grâce, fausse grâce, il pourra. Mais pour l'heure à moins d'être absolument convaincu par un de ses beaux mots ou un de ses silences, et ce n'est pas encore arrivé, il doit rester et la presser comme le citron qu'elle est.

Tantôt acide, tantôt rafraîchissante, Freja est aujourd'hui d'apparence assez terrible. Elle n'a pas tiqué à son entrée, à peine a-t-elle eu une moue un peu dubitative vers le Limier cédant sa place. Sans doute l'avait-t-elle reconnu dès l'altercation dans le couloir. L'originalité ne court pas le registre des visiteurs, dans une situation comme la sienne.

Certes elle a de beaux restes, mais six nuits et cinq jours de cachot à Enies Lobby, fût-il individuel, ne respecte aucune femme. Les traits sont tirés sous le masque de calme qu'elle s'attache à entretenir. La peau de ses avant-bras et de son cou, au teint plus pâle que jamais, commence à sécher sous les griffures de ses ongles mal entretenus, griffures parce que petites bêtes infames partout dans les paillasses. Ses pupilles et ses paupières, déshabituées à la lumière du vrai jour, tremblent pour qui sait regarder, de cette nervosité par laquelle sont habités les gens qui ne dorment pas assez, et pour de mauvaises raisons. Ses mèches jadis si uniformément sombres, repliées derrière ses oreilles polluées par les sarcasmes et la vilenie intéressée de Kaas Brick, sont aujourd'hui du gris-brun de celles des femmes qui travaillent la terre ou dans un atelier. La poussière et la crasse sont partout dans l'antichambre de l'enfer et, même ses mains, ses doigts surtout, avec lesquels elle joue en silence sur la table entre eux deux, sont sales, sombres et fripés de l'humidité des sous-sols. Pas totalement monstrueux, mais peut-être seulement pour son propre confort, le colonel lui assure la possibilité de se laver une fois par jour néanmoins. Elle garde donc malgré tout un semblant d'allure, mais rien ne peut endiguer la lente déchéance qui saisit tout être privé de repères et d'espoir, reclus contre ou même à son gré sous terre.

Est-il venu la défendre ? Le tableau, tout juste aperçu à son entrée dans la salle et hurlé à sa rétine maintenant qu'il est assis seul face à elle, submerge soudain Pierce Haun. Il a peu rencontré de criminelles, dans sa carrière. Les transitions s'apprécient moins chez les hommes. Il se racle la gorge et se tortille un peu, pour reprendre une bonne posture sur sa chaise qui gémit faiblement. L'impatience de Kaas Brick chatouille ses épaules, sa cravate, sa tempe.

Je suis venu défendre vos intérêts, Agent Stern. Freja.
Mes intérêts... Vous allez aussi me dire qu'il faut que je parle au Colonel, donc ?

Elle a stoppé ses jeux de doigts un instant pour le fixer, quand il a prononcé son prénom comme ordonné. Sa pupille dilatée dans la mauvaise ombre de la salle d'interrogatoire, un cube austère de deux toises par deux par trois, glisse de l'une à l'autre des siennes, s'attarde sur le petit bouton sous son œil droit, jamais parti depuis l'adolescence, descend sur la joue rasée avec soin, dérive sur les lèvres teintées du tabac régulier et blanches du frais d'Enies Lobby. Remontent.

En conscience, c'est le plus avisé des conseils que je puis vous donner, oui.
Eh bien repartez donc et économisez mes derniers deniers, Maître. Il n'y a rien que je puisse lui dire qui
Agent... Freja. Il n'y aura pas de corde assez longue pour venir vous chercher au fond du trou où ils vous jetteront.
Vous avez encore l'espoir que je sois seulement jetée dans un trou ? Comme c'est mignon.
Sans optimisme, pas d'avocat, n'est-ce pas ?

À son tour de garder le silence un temps. Elle divague sur les pointes claires en face de lui, mieux taillées que les siennes. C'est comme si elle avait déjà abandonné tout espoir et comme si, même la présence d'un soutien en face d'elle, ou celle d'un type au moins moins hostile que les autres qui la croient criminelle à châtier ou simple pièce d'un puzzle à utiliser, ne la touchait même plus vraiment. Peut-être qu'elle ne sait vraiment pas ce que le colonel veut entendre, pourrait se dire son avocat. Peut-être qu'elle est innocente après tout de ce qu'on lui reproche de retenir. Mais comment faire entendre le fait au colonel, moins que d'autres sans doute mais borné comme tous les porteurs d'uniformes ? Et comment ne pas se faire briser la nuque de sa poigne enragée en essayant de le lui faire comprendre ?

Il vous reste quatre jours, Freja. Pensez-y, j'espère pouvoir revenir dans ce laps de temps.
L'espoir est vertu d'esclave, Maître.
Que dois-je comprendre ? Votre liberté du moment ne donne pas très envie, si vous acceptez encore un avis.

Elle ne baisse pas la tête. Ne la relève pas non plus quand lui se lève. Elle fixe un autre monde, déjà. Satanés agents et leurs techniques de résistance au questionnement. Pierce Haun referme sa veste, rajuste ses manches, cherche des yeux sa petite valise que le colonel ne lui a pas laissé prendre avec lui dans la salle. Il a déjà dû la fouiller minutieusement. La voix du quadragénaire se fait nostalgique, mais ferme tout de même. Les souvenirs qu'il évoque sont faits pour heurter.

Et du temps où j'aidais feu mon père dans son cabinet de Saint-Uréa, j'avais coutume de l'entendre dire qu'un esclave qui se laisse mourir de faim, une fois mort, ne profite pas tellement de sa liberté. Vous avez déjà vu le visage d'un esclave mort de faim, Freja ? Les proches essaient toujours de lui donner un air serein, quand ils ont un patron assez généreux pour leur laisser le corps, mais la même horreur se lit sur tous les cadavres.
Adieu Pierce, si vous en avez fini. Voir un autre visage que celui du Colonel m'a fait plaisir, merci d'être venu.

L'avocat, cinq ans de plus au visage soudain, s'incline légèrement avant de lui tourner le dos. Elle a frissonné au mot "cadavre". La main sur la poignée de la porte, il se retourne une dernière fois avant de sortir, quand Kaas lui a ouvert de l'extérieur. Une fois la pièce de nouveau refermée dans un bruit métallique qui résonne à travers le corridor, l'homme de la Flèche lui rend sa petite serviette de cuir, dont la boucle ne laisse aucun doute sur l'état d'inviolabilité.

Pas très concluant ton petit numéro, Maître.

Il y a moins de mordant dans la voix du soldat. Surtout le froid constat d'un échec.

Laissez-moi la revoir demain et elle parlera, Brick.
Que tu dis.
Vous en avez besoin.
Que tu dis...
Mon métier est d'aider mes clients, Brick. Et je suis plutôt bon dans mon métier.

Perdus là dans une des galeries du monde, les deux hommes se jaugent selon le rite ancestral. Et quand Pierce ne flanche pas face à son iris de plomb, Kaas Brick consent à lui reconnaître au moins ce cran. Il a l'air plus dur que tout à l'heure, est-ce d'avoir vu l'état lamentable de l'agent Stern ? D'avoir été congédié par elle ? Autre chose ? Les quelques papiers, en-tête convaincant d'une firme de l'île de la Dame de Pierre, des notes de frais d'hôtels par-ci par-là, un rapport extirpé allez savoir comment du port militaire de Marie-Joie sur le trajet après l'affaire des Murins, des déclarations de soldats dont il a pris les noms, un laissez-passer signé par les services du Juge Suprême, un dessin d'enfant mal fait, trouvés dans la valise, ne laissent pas grand doute sur le professionnalisme des relations entre les deux personnages.

Reviens toutàl, j'aurai fait le méchant d'ici là.

Flottement, une araignée aiguise son dard sur sa toile, près d'un gond de la pièce fermée.

Un problème ?
Plusieurs, Colonel...

Face au feu, Pierce se souvient d'un mot lu dans le journal de bord d'un second de navire, Sven Pacher, il y a longtemps, dont les dernières lignes ont été écrites pendant l'attaque du navire en question par une horde révolutionnaire. Les hommes trouvent leur courage au moment de mourir. La figure tranquille de l'avocat trouve sa plénitude.

Mais rien ne vient. Kaas Brick a une crispation surprise au front, puis tourne les talons et s'en va tourmenter Freja.
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Vous êtes tenace.
Enchanté, je suis avocat. Peut-être avez-vous entendu parler de la profession ?
Caustique, avec ça. Je vous découvre, Pierce.

Vous manquez un peu de répartie sur la durée ceci dit. Vous jouiez aux méchant marine, bon sauveur ?
J'ai bien dit à Brick que ça ne porterait pas ses fruits.
Je dois le désespérer. J'espère que je le désespère. Vous désespérez, Colonel ?

Nouvelle oeillade, plus appuyée, presque vulgaire, au miroir silencieux. Les reflets de Stern et de Pierce Haun s'y observent, curieux d'eux-mêmes et du monde derrière, duquel Kaas Brick n'est jamais absent. La séance précédente n'a pas dû être de tout repos, il y a beaucoup du soufre dans la voix de l'agent déchue. Mais rien ne vacille là-bas, dans l'étroite coursive l'élite garde les mains relâchées contre ses hanches et attend que se construise malgré elle la relation.

J'ai repensé à votre père, Pierce.
Oui ?
Saint-Uréa, disiez-vous ?
Oui.
J'y suis allée il y a quelques années. Ne craignez rien, Kaas, ce n'est pas un secret d'État, j'étais en disponibilité.

Elle poursuit sans que Brick ait tremblé.

Et je suis passée par la nouvelle Réa aussi, dans la même période.
Vous l'y aurez peut-être croisé dans ce cas : il faisait régulièrement la navette, jusque, disons, mi-1624...
Vous me demandiez si j'avais déjà vu un esclave mort de faim.
Oui...
Et vous ?

Si vous aviez vu la mort, la violente, vous ne seriez pas ici, Pierce. Vous fuiriez ce lieu maudit dès maintenant, et en fait vous n'y seriez jamais même venu. Rien de ce que vous pourrez interjeter en ma faveur ne me soustraira à ma fin.
Encore ce pessimisme. Vous êtes trop intelligente pour ne pas réaliser que vous n'êtes qu'un moyen pour Brick...
Vous pensez ? Ce n'est pas très flatteur, un peu avilissant, même.
Le temps n'est pas aux idéaux féministes, Freja. Je suis sérieux. Profitez de n'être d'aucun intérêt personnel pour lui et sauvez-vous, ce sera la meilleure preuve que vous attachez la moindre importance à ce que vous avez été avant d'atterrir ici. Regardez-vous, enfin ! Regardez ce que vous êtes devenue !

Un de ces avocats aux trop amples effets de manche, se dit Kaas de derrière le miroir. Dans un prétoir, Haun semble adepte des grands mouvements dramatiques, en effet. Il s'est levé d'un bond, sa chaise a chuté et il pointe à Stern son reflet assis dans le miroir. Celui d'une femme de quarante ans plutôt que de trente, trop amincie, aux omoplates saillantes sous sa tenue grise voûtée sur la table. Le port altier de l'atout charme du CP5 a depuis longtemps disparu, fouetté par l'adversité d'une cellule solitaire d'Enies Lobby. Il y aurait peut-être même un peu de fièvre dans son regard, soudain, quand elle fixe les deux doigts de la main de Pierce qui cercle son visage. À son tour elle s'est levée et elle s'approche, contemple les deux ongles et puis contemple son propre visage défait. Derrière la vitre, celui du membre de la Flèche se tend aussi, et bientôt les voilà tous deux, tous trois à quelques pouces de distance les uns des autres et d'eux-mêmes, séparés seulement d'un peu de verre, de métal et d'air. L'espionne se touche presque du nez. Un peu de buée se dépose entre elle et Brick. Elle a froid. Sa main s'élève et ses propres doigts courent sur ses pommettes, son menton, le début de sa gorge et puis le trop ample de sa tenue rayée. Son toucher est rêche, elle sent les cellules mortes qui s'effeuillent au bout de ses doigts à se palper, et là-haut sous ses cheveux quand son front se plisse de désespoir.

Soudain, son regard se fige, noir de l'heure, et tout son corps avec. Un instant passe, où Haun à sa gauche parcourt son profil si regulier en silence. Un autre, et encore un troisième. Même le colonel derrière la glace, les cuisses légèrement fléchies pour rester à sa hauteur, n'ose bouger le premier. Quatrième et cinquième. Elle se retourne sur Pierce qui toussote sans rougir. Brick respire, elle exhale un peu plus de condensation face à l'avocat avant d'aller se rasseoir.

Je suis très sérieuse aussi.
Non Freja. Vous êtes pathétique. Butée, bornée et pathétikKHh !

L'arrière du crâne de l'avocat a fait un son mat en heurtant la pierre. Elle a enjambé la table avec la dernière énergie en un éclair, les deux chaises sont par terre désormais et le couple contre le mur. L'avant-bras gauche, si faible, appuie sur la trachée de Pierce au niveau du nœud de la cravate, et d'une mire luisante elle sonde les derniers recoins de sa propre âme dans les deux miroirs clairs d'en face, tandis que son index droit danse de la glabelle à la tempe grisonnante, menace autant que séduit. Surpris, l'homme n'esquisse pas un geste de défense. Un point de sueur naît sous le doigt doucereux. Stern a l'iris froid, triste de qui n'a plus rien à perdre. C'est qu'il pourrait mourir ? Non, la porte s'éventre.

Tout... tout va bien, Colonel...
Stern, couchée ! Tout de suite !
N'est-ce... pas que tout va bien, Freja ?

La voix du maître chevrote, il a un petit hoquet étranglé sur le prénom, mais il tend la paume en signe de patience. Brick reste dans l'embrasure, prêt à rugir, et on entend un ou deux petits glapissements derrière lui, sans doute des gardes attirés par le cri des gonds. Il leur fait le même geste que lui fait Pierce. Celui-ci sent la pression sur sa gorge diminuer, la brune fatigue. Son bras levé contre la tête de l'avocat tremble d'exténuation. Elle a un murmure en oscillant de plus en plus vers lui sous sa crinière défaite, que le colonel entend aisément.

Parfois je me demande qui est le plus pathétique, Pierce... Le borné, ou celui qui tente de faire bouger l'inamovible... ?
Donnez-moi un point d'appui et un levier et je
Les grands hommes morts des citations sont plus morts qu'utiles, Pierce... Comme m
Freja !

Elle s'est effondrée sur lui et c'est de justesse qu'il a pu la rattraper avant qu'elle ne glisse à ses pieds. Le corps ne pèse plus grand-chose, taille mannequin et détention à la dure obligent. Brick est plus doux qu'il ne l'aurait pensé quand il vient l'aider à la redresser puis à l'embarquer. Il rauque, dans le couloir vers la cellule où ils la déposent, toujours inconsciente. Le juriste en a vu des pires, n'ose pas se plaindre.

Point de rupture ?

Pierce a un hochement de tête qui veut dire "bientôt". Le colonel vérifie le plein du broc d'eau, jette un œil au plateau du déjeuner intouché, à la forme sur la couchette.

Il vaudrait mieux pour elle, Haun.
Mon métier est d'aider mes clients, Brick. Et je suis plutôt bon dans mon métier...

Y croit-il seulement ?
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able.
Les petits vont bien ?
manques à ta fille. Hespi ne se rend pas encore autant compte.
Hm...
Mais il sait déjà que quelqu'un de très important n'est pas là...


Tu les as déjà couchés ?
Oui. Il est tard ici. Ça ?
Longue journée, pas finie...
Tu y retournes et tu ne peux pas m'en dire plus ?
Pas à distance, oui... Je pense ou trois huitaines.




À bientôt. Reviens.
Je reviens. À bientôt.
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J'écoutais pas.
Vous auriez été plus crédible sans le préciser...
Quel âge ils ont ?
Hespi a bientôt deux ans, vous avez déjà vu dans ma valise qu'il ne deviendra pas un dangereux artiste séditieux, je crois. Sa sœur dessine mieux, mais vous n'êtes pas obligé de feindre l'intérêt...

Le vieux renard de l'élite cherche à pincer l'autre en réemployant sa stratégie d'avec Freja. Il allume un petit cigare pour ne pas grincer à s'être ainsi fait démasquer. La boîte de métal glisse d'un bord à l'autre du comptoir, Pierce hésite puis en prend un et l'allume aussi dans un clin d'œil gêné au briquet offert par sa femme, qu'il ne devrait pas utiliser.

C'est pas que feint. Un seul bar, un seul restau dans ce trou à rats, il faut bien discuter. Pas vraiment la haute saison comme t'as pu voir...
J'apprécierais vraiment que vous me vouvoyiez, Colonel.
Si tu veux, Maître.
Merci... Quand les militaires se sont proclamés juges, Enies tourne nécessairement au ralenti, je suppose...
Vous critiqueriez les décrets de nos bonnes Étoiles, Haun ?
Bien sûr que non. Mon côté avocat du diable, seulement.
Hnf. T'es... Z'êtes un petit facétieux n'est-ce pas, Haun ?
Je ne facétie que quand je suis triste pour mes clients. Brick.
Stern, hein. Sacrée bougresse.
Sacrée bougresse.

Le grand hall, sans doute plein d'assesseurs, d'avocats et de call-girls en période faste, est ici désert. Le patron s'en est retourné à la lecture de sa gazette après leur avoir servi un verre de vingt-et-un ans d'âge. Délice qui ne rend pas meilleurs le monde et l'humeur de Pierce. Le bruit des pages qui s'égrènent une à une est la seule musique d'ambiance, en plus des régulières exhalations de tabac. Les deux hommes que rien de personnel ne lie sont absorbés dans leurs pensées, jouissent de ce petit laps de repos que la fatigue menace de fossiliser.

Un seul hôtel, aussi ?
Hein ?
Un seul bar, un seul restau... un seul hôtel ?
Ah. Oui, aussi, mais tu dormiras tranquille quand même, le gratin crèche au palais, privilège de la Flèche.

Vous dormirez.
Merci, pour le cigare s'entend.
Pas faim ?
Allons, je suis sûr que vous saurez trouver un collègue pour ne pas affronter seul votre assiette, Brick.
Ne facétiez pas trop, Haun...

Le patron ne lève même pas un sourcil quand son client se lève et remonte son col, pour affronter le frais du soir à travers la ville de justice. Les deux blonds grisaillants se jaugent à nouveau quelques instants, plus brefs que dans la journée. Le purin et ses effluves un peu trop chargées signifient la fin de la dégustation. Une, deux bouffées en tournant délicatement le fût séché entre ses doigts, puis Pierce le dépose dans le cendrier où il s'éteindra de sa belle mort. Un fin filet de fumée continue de s'élever, le colonel apprécie le connaisseur.

Bonsoir, Brick.

Mais désormais qu'il est seul, longtemps et quelques rallumages après que l'avocat est parti, quand à son tour il atteint la bague de son cigare, Brick l'écrase sans précaution.
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Alric Rinwald.
Hein ?
John Doe.
Haun, décarrez.
Pardon ?
Décarre, putain !
Je préfère avoir un témoin si vous m'en demandez plus, Colonel.
Et comment que je vais t'en demander plus...
Alors Pierce reste.
Et gnah gnah gnah et je veux ci et je veux ça. T'es à Enies Lobby, agent Stern, ta prochaine sortie si tu négocies pas très bien, c'est moi qui la décide et y a de grandes chances que ce soit à un endroit où on perd la tête, si tu vois ce que je veux dire, si tu continues à me pédaler sur les roustons. Alors comme tu viens de lâcher une bombe, je t'injoncte à continuer très fort sur ta lancée, avant que je décide que ton menteur ici présent reverra pas ses chérubins.
Alors Pierce reste.
Rah, femme !

La salle d'interrogatoire n'est pas la même. Kaas Brick fulmine et son sempiternel imperméable fouette l'air de la pièce, un peu moins petite, un peu moins sale que la précédente. Il valse autour de Freja, les mains tantôt dans ses cheveux, tantôt devant lui, tantôt devant elle, comme la suppliant de céder à son pouvoir absolu et discrétionnaire. Pierce Haun prend bien garde de ne pas bouger sur sa chaise, tel un écolier qui attendrait que l'orage passe autour d'un de ses pairs, pour ne pas entrer dans le cyclone de leur professeur commun. Il se demande en suivant le ballet désordonné de l'élite s'il a fait bon repas hier au soir. Quant à lui, le cigare lui est resté longtemps en gorge, et il a fallu quelques verres après la nuit pour en évacuer le fort arôme. Le tavernier était un peu surpris de le voir toquer à sa porte si tard, mais n'a pas posé de question. La spécificité de ce lieu a dû lui en faire côtoyer de bien moins orthodoxes. Brick se rassied, pesant.

Okay.
Pierce reste ?
Pierce reste.
Merci, Colonel.
Alric Rinwald ?
Alric Rinwald.
Prouve-le.
Vous prouver quoi, Colonel ? John Doe n'existe pas et le métier d'Alric est de ne pas laisser de trace.
Et il est plutôt bon dans son métier, hein...
Colonel ?
Rien. Convaincs-moi, si tu préfères.

Elle ne préfère sans doute pas. Les fines lèvres sans couleur de Stern disparaissent presque sous la pression dont elle les maintient fermées maintenant, son nez a un sursaut moîte à l'idée de donner au chien de chasse la proie qu'il attend depuis si longtemps. Et le Limier justement se gratte la barbe d'une main insouciante, focalisé sur la moindre réaction physique en face. Il aperçoit et se délecte de cette aide qu'il la voit chercher chez l'avocat à sa droite. Mais celui-ci sait bien qu'elle aura mieux fait de lui lâcher l'information, il encaisse la supplique muette et y répond en hochant la tête.

Freja soupire.

Pour quelle raison pensez-vous donc que j'aie été chercher son aide sur le dossier des Murins ?
Conscience professionnelle ? Besoin de bras ?
Ça bien sûr, même si vous tendez à l'oublier comme si j'avais trahi nos idéaux.
Parce que tu crois qu'on a les mêmes ?
Nous défendons les mêmes, au moins...
Quoi d'autre ?
Vous avez lu sur le Cimetière d'Épaves, j'imagine. C'est là que je l'ai rencontré.
Alric Rinwald était là-bas ?
Non, John Doe. L'agent Rinwald devait être ailleurs.
Pratique.
Plutôt l'inverse, en termes logistiques...
Et pourquoi ce trou à rats du cimetière ?

Pourquoi, Freja ?

L'intervention de l'avocat face au silence pudique de l'agent surprend Brick, qui détourne les yeux vers lui un quart d'instant de trop et ne voit ainsi pas Stern en faire de même. La cliente quête l'aval de celui qui prend bien garde de ne pas lui donner.
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Vous déconnez ? Rinwald, lié aux anars ?
Je n'ai pas dit ça, Colonel.
Elle n'a pas dit ça, Colonel.
Ta gueule, toi. Précise, femelle, et presto.


J'ai été envoyée sur le Cimetière en 1624 parce que Peyn Aucho y avait été vu.
Ça, j'ai suivi.
Vous avez dû avoir le dossier John Doe entre les mains. Sa naissance à Hinu Town, son passage chez les Pah, Udini...
Ouais, et ? Ça ne peut pas être Rinwald, donc.
Vous chauffez. John Doe a été libéré de l'esclavage par Peyn Aucho en 1617, vous l'aurez lu aussi.
Ouais, c'est mon ordre de mission. Et alors ?
Et alors John Doe est mort à Reverse Mountain, Colonel, pendant l'épisode Mandrin.
Mandrin ? C'est qui ce connard ?
Personne, un truand mort aussi pendant la traversée. John Doe venait le cueillir en tant que chasseur de pri
Je t'ai dit de préciser, agent, pas de me noyer sous les détails. Il est où, John Doe !? Là, maintenant, aujourd'hui. Et le putain de rapport avec Rinwald, c'est quoi, bordel ? Pourquoi tu baves rien depuis que je t'ai cueillie ?

Nouvelle œillade à l'avocat, cette fois-ci interceptée par le membre de la Flèche, qui ne dit rien parce qu'elle voulait dire "mais qu'il est bête" et qu'il l'a très bien comprise. Il tousse un peu sous son imperméable, revoit les éléments dans sa tête, se lève et tourne dans la poussière autour de la table pour se donner bonne conscience. S'arrête.

Attends.

T'es en train de me dire que John Doe est mort et que Rinwald a pris sa place quand le Pantin a refait surface ?
Oui, Colonel. Et il m'a sortie des ronces quand ma mission au Cimetière a tourné au fiasco.
Tourné au fiasco, de quoi tu parles ? Peyn Aucho vous a lattés les gencives mais c'est pas la première fois qu'un Atout fait passer la piétaille pour des incompétents. T'avais aucune chance face à l. Oh.
Oh.
Y avait rien d'autorisé à part toi, ça a merdé sévère, et maintenant ce sera d'autant plus dur d'approcher le Pantin ?
En somme.
TU TE
Colonel !
TOI-TA-GUEULE. Et à propos de gueule, je disais... TU TE FOUTRAIS PAS UN PEU DE LA MIENNE, AGENT STERN ?!
HNFH

C'est allé encore plus vite que la dernière fois, les rôles ont encore changé. La table a volé avec les boulons qui la maintiennent, maintenaient au sol. Pierce est écroulé contre le mur face à la porte, projeté par le bras rageur de Brick quand il a cherché à s'interposer. À sa gauche, impuissante comme il est impuissant avec son épaule sans doute démise, Freja se débat, les deux mains sur le poignet de l'élite, ses pieds quittés par ses deux chaussures battant l'air sans trouver prise. Dans un sursaut mou, elle prend appui sur les cuisses de celui qui va la tuer et tente de lui asséner un coup de genou dans le menton, mais c'est peine perdue, elle a déjà bien trop peu d'énergie.

COLONEL !
Ta gueule, je t'ai dit, l'avorton. Et toi, agent Stern, toi. Freja, figure-toi que tu m'as pas bien convaincu.
Kholh...
Chut, garde ta respiration, ma chérie, garde-la. Tu as jusqu'à cinq pour réfléchir à ta dernière parole, après c'est l'accident bête d'interrogatoire. Personne te regrettera. Un. D
COLONEL, VOUS ALLEZ LA... FREJA !

Mais les atermoiements de Pierce Haun ne font pas même frémir les tympans de l'Ankoù tout puissant. L'envoyé blond de la mort effile sa faux et son compte à rebours carresse la nuque de la pauvre marionnette dans sa paume. Le teint de celle-ci est cireux, elle lutte contre elle-même et contre lui. Fière comme peu, la déchue garde les yeux écarquillés, braqués dans ceux de son juge et bourreau, acier contre acier. Sa main faible arrête l'avocat péniblement relevé. C'est son moment, celui où elle protègera John Doe jusqu'au bout comme il l'a protégée face à Peyn Aucho et Sven Pacher.

Jhh...
Oh putain.

La seconde main a lâché le poignet, Kaas Brick ne tient plus qu'une poupée de son emportée par la syncope. Il lâche.

Elle l'aime ?


Dernière édition par John Doe le Mer 1 Juin 2016 - 0:40, édité 2 fois
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Oui bon, ça va, elle s'en remettra...
Vous aviez besoin de la tuer pour comprendre, tête de pioche ?
Ça va, ça va... attends, comment tu m'as appelé, là ?
Un butor, Colonel, un bon butor comme la Marine devrait apprendre à mieux les cacher.
C'est une menace, ça ? J'aime pas trop les menaces, Haun.
C'en est une si vous avez tué ma cliente.
Répète ça ?

Le meurtrier s'est levé doucement et surplombe de sa carrure massive l'avocat en trois-pièces décousu. Ils sont à l'extérieur de l'infirmerie où Stern se repose. Depuis la fenêtre de la porte on la voit sur sa banquette blanche, la gorge déjà atrocement marquée. À l'intérieur de la petite pièce, le son rauque de sa respiration, cassée, n'est pas engageant. Elle déglutit dans l'inconscience, parfois, parfois elle manque une puis deux respirations, avant de reprendre. Elle ne s'est pas réveillée depuis la veille. Pierce Haun ne recule pas face au géant.

C'en est une si vous avez tué ma cliente, Colonel.
Ha. Bonne réponse. J'aime ton esprit combatif, Pierce.

Géant qui se rassied pesamment après un regard à l'intérieur.

Mais t'inquiète, elle a le cuir dur. Je l'ai un peu cabossée, elle m'en voudra, mais elle s'en remettra.
Libre, j'escompte ?
Tu perds jamais le nord, toi, hein ? Deux-trois petites vérifs, et libre.

Hochement de tête approbateur.

Peut-elle compter sur votre discrétion quant à Alric Rinwald ?
Tu veux dire les histoires de cul ? Me regarde pas.
Merci Colonel.
Me remercie pas trop vite, faudra bien que je remplisse mon rapport. L'amourette comme cause d'obstruction à la justesse, ça passe mes standards, je m'en cogne. Mais avec le dossier qu'il se trimballe déjà, le roméo a pas le cul sorti de sa propre merde. Et je connais une sainte inconsolable à qui il faudra une tête, n'importe laquelle.
Je vois.
Si t'as des suggestions.
Je ne vous pensais pas si sensible, Colonel.
Je le suis pas.

Un curieux éclat traverse les pupilles métalliques de la Flèche alors qu'il redresse le menton vers Pierce. Le goût du sang versé ? La misère de la situation du chien de chasse venu piétiner des plate-bandes ridiculement hors de sa portée ?

Messieurs, elle est faible mais réveillée, vous n'avez pas plus de cinq

L'infirmier militaire est déjà seul dans le couloir. Il rajuste ses lunettes, stoïque. À l'intérieur, silence. Faible et plus réveillée, Stern s'en est retournée aux limbes, sans doute plus confortables qu'une entrevue avec son avocat et son assassin pas si repentant. Par-delà les barreaux du soupirail, tout contre le plafond, le jour est déjà sombre, teinté de soir.

Demain, hein.
Demain.
Tu partages ma table toutàl, Maître ?

C'est les Étoiles qui t'invitent, t'auras pas mieux comme excuses officielles.

Rictus amer.
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Je te sens pas détente, Maître, un problème ?

Assis sur le perron du restaurant, abrité des pluies par le porche de pierre qui prolonge un peu la façade du bâtiment, l'avocat remise en se redressant le briquet de sa femme dans sa poche de pantalon. Il hausse les épaules.

Je n'ai jamais aimé les dorures.
T'aimeras ptet bien la daurade, à défaut. Le chef sait y faire, parole.

Mais la bonne humeur de Kaas Brick n'atteint pas vraiment sa cible, à la différence de la grande claque qu'il assène sur les épaules de celle-ci. Haun encaisse en toussotant.

Allez quoi, souris, ta cliente va s'en sortir, c'est pas ce que tu voulais ? La même qu'hier, sergent, avec une bouteille de plus. T'es pas hydrophile j'espère, Pierce ?
Tout de suite, Colonel.

Le sergent-serveur claque des talons et revient quelques instants plus tard, un tire-bouchon expert entre les mains, qu'il manie sans un plop tandis que l'avocat triture sa serviette d'un air absent, sous ses couverts à poisson, du bout des doigts. Le colonel bonhomme lui laisse un peu d'air tout en signifiant au bleusaillon de déguerpir.

Oh, croque-la-mort, se passe quoi ? T'as gagné, nom de gnou, savoure !
J'essaie de m'imaginer dire à Stern que mieux vaut Rinwald qu'elle, Colonel. C'est malaisé, quand on a une conscience.
Roh, tout de suite les attaques. Parce que je t'ai un peu bousculé, et elle aussi, je suis un sale type.... Ce soir, Pierce, tu me fais un plaisir, tu oublies ça et tu profites, bordel. Rinwald, on le traitera demain. Si ça se trouve ça ira bien.
Vous avez un plan ?

La prunelle de l'avocat s'est soudain illuminée. Brick a un quart de risette modeste, qu'il étouffe dans une gorgée de vin.

On verra demain, je te dis. À la vérité, hein ?


À la vérité, Colonel.

Le cristal résonne haut dans la grande salle de réception, déserte de tout client hors les deux hommes et le garçon de table, qui se fait aussi discret que possible. Il est en train de débarrasser les assiettes citronnées du plat principal, désormais, et attend que les clients se décident pour le fromage. Kaas s'essuie les lèvres soigneusement. La daurade a la fâcheuse manie de se répandre. Puis, il remplit de nouveau le verre de son convive.

Délicieux.
Hein ? Je te racontais pas des cracks, tu vois. C'est l'avantage avec moi, je suis franc.
Ça sonne comme une critique de ma profession ou de celle de l'Agent Stern, Colonel.
Maux nécessaires, puisqu'on le dit. Mais pas faits pour moi.
Vous êtes probablement trop expressif, oui.
Expressif, voilà. C'est une manière délicate de le dire.
Le fromage, messieurs ?
Directement le dessert pour moi, je crois.
Tout pareil que le monsieur, fais péter les colonels, sergent.

Le teint très légèrement rosé, Pierce souffle et se masse un peu le ventre. Délicieux et copieux. En effet, la table vaut le coup d'essai. Le garçon revient presque aussitôt avec deux coupes chacune emplie de trois boules de sorbet et noyée d'aquavit. Brick laisse un instant de répit à son vis-à-vis et aux glaces pour se réchauffer, puis il attaque, sans ciller.

C'est une spécialité de mon pays, tu connais ?
Oui. Mais je ne savais pas que vous étiez de Drum...
Je le suis pas. Les Montagnards ont repris la recette mais originellement ce petit trésor vient de Tanuki.
Vous êtes originaire de Tanuki ?!
Problème ?
Non, je, euh.
Hahaha, relax, Maître, je comprends. Un colonel d'élite qui vient d'un patelin de bouseux, ça fait tache, à côté de la Œankhôr qui vient de Drum, elle, par exemple...
Oh je ne voulais pas dire que...
Relax, je te dis, c'est cool. Y a des gens très bien qui viennent des Blues, d'ailleurs. N'est-ce pas ? Saint-U, c'est ça ?
Vous avez bonne mémoire, Colonel.
Ah, Saint-U. J'ai pas beaucoup de souvenirs de ce bled, j'y suis pas allé depuis un paquet d'années. C'est de là-bas, les délices de Maya, non ? Qu'est-ce que c'était, attends, la rue de la boutique ? Non, me dis rien, tt... rue... Quin... Glin... Non, ça c'est l'autre con qui s'est fait... rue de Quintilius ? C'est ça ?
Je ne saurais dire, Colonel, mais si vous parlez des délices aux mille miels de Maya, je crois que vous confondez. Saint-Uréa est plutôt connue pour ses pralines. La meilleure boutique est rue Quinquenpoix ceci dit, ça ressemble un p
Quinquenpoix ! Putain, voilà, je savais bien que j'avais pas tout faux ! Près du moulin, c'est ça ?
Près d'un moulin, oui, si on veut, un vieux moulin en ruines à moitié enterré sous la nouvelle caserne des pompiers... On allait souvent là-bas avec mon père, ma mère aimait beaucoup les douceurs de chez
Marie et Capuce !
Marie et Capuce.
Tu y emmènes pas tes enfants ?
Ça commence à venir, ma femme a eu le malheur d'en rapporter une ou deux fois et depuis...
Cafés, messieurs ?
Serré pour moi.
Allongé, petit. Et un cendar nous te prions.
Euh, je, je regrette Colonel, mais l'établissement est non-f
Tu vois des gens que ça gênerait, sergent ?


N-non, Colonel. Bien sûr, Colonel. Un allongé, un serré, et un cendrier. Tout de suite.
Où est-ce que j'en étions, déjà... ?
Les pralines...
Ah oui, les pralines. Une tuerie, hein ?

L'incident évité de peu, le Colonel reporte doucement son attention sur son acolyte de soirée déjà entamée. Sa boîte à cigares s'entrouvre et l'avocat se saisit d'une tige qu'il allume en silence, tout à ses souvenirs familiaux. Les nuages s'élèvent et s'étalent dans l'immense pièce, forment après quelques bouffées tranquilles un petit ciel instable sous les voûtes élevées. Les cafés et le cendrier sont déposés en tremblant par le pauvre garçon qui n'attend pas son reste.

Merci sergent.
Eh, tu sais quoi, Maître ? Maya, Quintilius, le miel, j'ai eu le temps de retrouver.
Oui ? Où est-ce, alors ?
Je crois que tu sais très bien où c'est.
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Hm.
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Sergent, reviens par là je te prie ?
Monsieur ?
Tu me feras un autre café, il est très bon. Et sabre-nous ton meilleur champagne pour le Colonel, c'est fête.
Monsieur ?
Colonel, donne-lui l'ordre je te prie.
Fais comme le monsieur a dit, sergent. C'est fête.
Je, bien messieurs.
Les Étoiles invitent ?
Les Étoiles invitent.
À leur longue et vénérable santé, dans ce cas. Et à la tienne aussi, Colonel, bien sûr. Très bon cigare, de l'Arashibourei ?
Des reserve, ouais, mais t'inquiète pas, ils sont inoffensifs. Aux souvenirs d'Hinu Town aussi, peut-être ?
Si tu veux, oui, aussi. Ça fait longtemps. Tu as fait tes vérifications donc, je présume ?
Tout à l'heure. J'hésitais à te laisser le temps d'essayer de la délivrer cette nuit et à te coincer en flag', mais ç'aurait été une torture inutile de plus pour ta douce, et puis vu le repas qu'on vient de passer ç'aurait été t'insulter.
Je prends ça comme un compliment.
Tu peux. Tu es très bon, John Doe.
Tu n'es pas mal non plus, Colonel. Qu'est-ce qui m'a vendu ?
Tu voudrais bien le savoir, hein...

Les deux regards gris se jaugent, encore. Le concours universel et immémorial de qui a la plus grande. Et pour une fois Kaas Brick n'est pas sûr de rivaliser d'assurance. L'homme qu'il a face à lui est pris au piège et le sait, il y a une escouade pénitentiaire tout autour qui n'attend que son ordre, et lui-même, colonel d'élite, ne compte pas pour rien. Et pourtant, le voilà qui sourit benoîtement, ouvertement, badinement, comme s'il lisait les interrogations de son ennemi à mesure qu'elles lui viennent. Et celle-ci, la lit-il ? Et celle-ci ? Et celle

Bon, okay, je vais te le dire.
Je t'en sais gré.
Tu m'en sais rien du tout. C'est tout simplement que j'ai eu Alric Rinwald en den den, lequel a eu l'obligeance de bien vouloir foutre en l'air tout votre joli numéro de théâtre, à toi et Freja. Entre ça et perdre sa caboche, il a eu vite choisi.
Ttt. Je pense que tu mens, Kaas. C'est pas bien, d'encore vouloir protéger ses sources alors que nous sommes entre nous pourtant. Solète ?

Solète, donc. Je savais que je n'aurais pas dû la laisser me voir.
Que veux-tu, c'est une gonzesse. Elle a de l'attachement pour l'agent Stern après le succès des Murins et je lui ai promis qu'elle s'en sortirait si elle elle me disait ce que je voulais savoir. Elle est l'une des seuls à vous avoir vus tous les trois à l'œuvre en même temps, à la gare : Stern, Rinwald, et... le troisième homme sans nom.

John a un petit rire clair à la description que la Zéro a peinte de lui. Ça correspond bien à la situation.

N'empêche, me laisser presque la buter, c'était très fort, j'y ai vraiment cru tu sais.
Je sais.
Eh, modeste avec ça. T'es pas commun, mon gaillard, tu le sais aussi ?
Je le sais.
Tu dois avoir une cohorte de donzelles à tes pieds, avec un aplomb pareil, hein ? Oh, attends, c'est vrai, tu as.

La petite pique nommée Neetush Pah atteint son but, les mâchoires de John se serrent durement. Le colonel savoure puis bat des mains l'air devant lui en signe d'excuses innocentes, décendre un peu son cigare.

C'était mesquin.
Ma petite revanche, j'ai aussi cru au dessin de ta fille.
De mon fils.
Ah, juste, Pepsi... ?
Hespi. Je suppose que Freja peut se brosser pour ta compréhensivité, maintenant ?
Bien sûr. Mais je laisserai son service la buter. Peut-être demanderont-ils à Rinwald, qui sait, et la boucle sera bouclée... Rinwald que vous étiez si prompts à griller pour votre bonne fortune, pauvret.
Les risques du métier, et puis tu aurais eu tôt fait de le trouver innocent, blanc comme neige même, à notre départ. Juste un malheureux timing, aujourd'hui... Je ne pensais pas que tu saurais contacter Solète.
Et pourtant.
Et pourtant. Tu sais que je ne suis pas un criminel qui commet des crimes, quand même ? Que j'aide à
Rien à foutre, je le crains, tu m'en as assez fait baver depuis tout ce temps que je te poursuis au lieu de défendre la vraie veuve et le vrai orphelin. Et puis criminel ou esclave évadé, c'est un peu la même, non ?
Non, pas vraiment... Mais je te souhaite d'un jour avoir ton propre collier explosif au bout de la laisse qui tient tes bourses, Limier. Je doute que ça te fasse changer d'obédience, mais tu apprécieras le confort que c'est.

Touché ? Dis, c'est pas que je m'ennuie mais j'ai soudain sommeil et plus du tout l'envie de te causer, Colonel. L'amère déception sans doute. Tu m'emmènerais en cellule ?
Tout de suite, mon cher. Mais pose ton cigare je te prie, il ne s'agirait pas de mettre le feu aux tentures.
Hein ?

MÔK


Dernière édition par John Doe le Mer 1 Juin 2016 - 0:50, édité 1 fois
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L'odeur de moisi avant le bruit du silence avant la douleur dans le faciès gauche. Puis la vue du gris dépouillé, puis le goût du sang. Le réveil est douloureux, la cellule manque d'ombre. Le priver de sommeil, ce n'est pas très sympa. L'homme encore un peu dans les vapes descend de la paillasse rehaussée sur laquelle on l'a jeté, défait de ses habits et paré des atours du condamné, comme Stern, puis s'accroupit et s'allonge sans un geste superflu, dos au sol, tête en plein centre de la pièce, jambe recourbées contre le mur en face de la porte. Examen.

Une toise par une. Pas de soupirail, aucune idée de l'heure qu'il est. Pas de barreau à la porte, une trape pour le geôlier et une autre pour les plateaux repas. Pas de plateau repas, pas le lendemain matin. Froid, nuit. Oreille au sol, silence quasi absolu, aucune vibration qui vaille la peine à cent pas à la ronde sur cet étage. Probabilité de personnel devant la porte, zéro. Sortir maintenant ? Aucune prothèse à disposition, serrure accessible néanmoins mais pas refermable quand.

OHÉ ! OHÉ, GARDIEN ?! OHÉ !!

Solution du pauvre. Un, deux, trois, quatre,

OHÉ !

cinq, six, sept, huit,

OHÉÉÉ !

neuf, d-ah, les pas dans le sol. Un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf, dix, onze, douze

MOUISQUEC'EST ? Voulezpafairmoindbruit ?

Trente-quatre. Poste de garde à vingt mètres à la louche, soit.

J'ai faim, caporal.
Padservisvantdmain. Padsuite.
J'ai froid, caporal.
Paldroitdvrirlaport.
Caporal, j'ai envie d
Yalseau. Fermezlapioncez. Srapluvit.

Le guichet se referme, aussi aimable que la nuit. Un, deux, trois, quatre...

Vous ? Le Colonel a gardé ses infos, bien.

Quelques vibrations à l'arrivée, le temps de se refaire un café, ah, de le faire tomber, de pousser les débris de la tasse dans un coin et d'aller tourner une page de Gare, Épée pour la conscience, c'est important la confian, conscience professs

Un, deux, trois, nous rirons des lois.
Quatre, cinq, six, pour faire des bêtises.
Sept, huit, neuf, dans un cachot neuf.
Dix, onze, douze, tu...

Battant en silence la cadence de son talon, l'ombre dans la pleine lumière cherche et son murmure se perd avant de reprendre. Il observe les murs dans les moindres détails, se suspend aux prises très faibles dans les murs pour aller jusque les plafonds observer la lampe de près, semble satisfait, continue son compte général en parallèle mais cherchant toujours, avide de cette rime qui met tant de cœur à le fuir...

Dix, onze, douze, elle...

Dix, onze, douze, n...

Dix... onze... douze...

Un grand sourire l'illumine soudain, alors que cela fait désormais trois cent et trois fractions d'instant que le planton a eu le temps de refermer les paupières, et qu'il a sans aucun doute déjà replongé dans la phase paradoxale dont ses cris l'avaient extraits. Dans un entrechat que lui gâche sa douleur à la mâchoire-nuque, il fait un pas vers la porte.

Dix, onze, douze, avec mon épouse ? Shhh


Dernière édition par John Doe le Mer 1 Juin 2016 - 0:54, édité 2 fois
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Freja ?

Freejaa ?

Dans le couloir sombre, deux souffles infimes viennent de voler contre l'huis mal serti, légers tels les brumes sur la côte, là-bas, presque seulement un mouvement de lèvres invisible. Mais toujours rien ne répond derrière la porte de fer, et ouvrir la trape pour jetter un œil à l'intérieur, même au plus froid et au plus dense de la nuit, est un risque trop grand de faire du bruit. Surtout au plus froid et au plus dense de la nuit. Une ombre gratte du doigt contre le chambranle d'acier.

Freja !

Tenter, pas tenter ? L'ombre hésite, fredonne un air dans sa tête en gardant une oreille braquée sur le poste de garde de l'étage, à peine distant de cinq toises. Un rauquement étouffé lui vient, puis l'autre oreille se plaque contre le chambranle, à heuteur des micro-fissures dans le noir, en quête du moindre défaut de respiration qui pourrait suggérer une présence de la cible dans la cellule. Mais rien, rien que le vide dur. Tant pis, la nuit tourne, direction l'infirmerie.

Infâme coquin, borné fils de ta mère...

En guise de geôlier endormi, c'est l'Ankoù qui veille sur une chaise face à la porte derrière laquelle, bien évidemment, dort Stern. Elle va donc si mal encore qu'ils ne l'ont pas rapatriée dans sa cellule ? Ou est-ce pas pitié que le colonel en a décidé ainsi ? Maudit colonel et son instinct. Ravalant son juron, l'ombre de lui-même contemple ses options à l'orée du couloir illuminé. Il n'y a que lui, mais le sommeil n'est jamais qu'une simple façade pour les simples molosses de cette trempe. Si même il est possible de l'approcher, un geste esquissé pour s'assurer que le champagne l'a bien mis hors d'état de nuire pourrait encore le réveiller ; ce serait l'hallali.

Personne ne ressort du couloir, personne ne vole à travers le dédale des couloirs de roche jusqu'à l'extérieur, personne ne rejoint la cour intérieure puis l'allée légèrement abaissée qui en cercle l'intégralité, au pied des murs. Personne, non, à peine un courant d'air, tout au plus, qui évite l'unique patrouille volante, qui se moque et ignore les conversations des sentinelles immobiles mais assez bien payées pour ne pas dormir. Il paraît que le colonel part demain, bon débarras, ce n'est plus possible un climat pareil ! Et au diable de ses prisonniers, tu as entendu qu'il avait fait arrêter un avo

Freja

Freja ?

À nouveau, deux souffles tout au plus, qui filent dans l'éther de la nuit, juste un renfoncement du mur qui tâche de faire tournoyer l'air vers les tympans endormis en contrebas, une bonne toise et demie en contrebas, damnation, dans son état elle n'arrivera jamais à grimper autant sans faire un bruit. Mais déjà, la réveiller... Le ronflement régulier du colonel dérape soudain, faisant sauter un battement de cœur à l'ombre indétectable. Ah, que ta luette t'étouffe, sombre animal ! Mais pas tout de suite, attends un peu, attends juste que l'aube arrive pour te réveiller...

Freja ?

Et bien sûr elle elle n'a pas plissé un œil, comment fait-elle ? De quoi peut-elle rêver en pareil instant ?

Freja !

La poignée de terre l'atteint sur la gorge et le nez, la chatouillant d'abord, puis la contraignant à l'éternuement, bruyant éternuement. Réveillée, elle l'est désormais. Problème, l'Ankoù aussi. Pas besoin d'être Mithridate quand on a sa masse, maudit soit-il... Le Limier renifle déjà à la porte, d'abord silencieux, sans doute examinant le corridor qu'il garde, puis aboyant tout son soûl. Stern, vous allez bien ? Stern, vous me crevez pas entre les pattes, non plus, hein ? De son point de vue surélevé, l'ombre entend l'agent avaler péniblement. Le colonel ne peut que l'avoir entendue aussi, s'approche de la porte en un bruit de bottes et dans l'urgence l'ombre se calfeutre au-dessus des barreaux, sans un toussotement de gravier. Sonné par le poison à quel point ? Est-ce qu'il aurait dû forcer la dose ? Lui-même n'aurait alors plus supporté.

Jh, je... dhois m'être étouffhhée, ce n'est rhien Kholonel. Vous n'aurhez pas mahhh, ma morht sur la... consc...pffh

Et de tousser encore, entre le rauquement catarrheux et le ravalement de glaires tout sauf féminin, mais le souci n'est pas vraiment là. Le militaire hausse les épaules dans un froissement de cuir, si sonore en cette heure, marmotte des mots à peine moins audibles que ceux de Stern, et la chaise grince sous son poids de nouveau. Patience et longueur de temps. John mime à la captive, qui ne le distingue qu'en mauvais contraste, de faire un bruit comme si elle s'allongeait. Aussitôt, la chaise fait un autre couinement, plus profond, plus vrai. À malin, malin et demi... Satané bougre aux abois.


Dernière édition par John Doe le Mer 1 Juin 2016 - 0:57, édité 1 fois
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L'aube ne poindra pas encore tout de suite, toujours trop tôt mais pas encore, quand le deuxième barreau cède en bas et se tord en haut sous la charge des acides. Damnés métaux plus résistants que ceux de la serrure de la cellule plus tôt. Heureusement qu'elle n'est pas bien épaisse. Faufilant un bras puis une épaule à travers l'ouverture, tous les sens aux aguets, scrutant la moindre variation dans le rythme du moteur au repos littéralement à cinq pas d'eux, John indique en silence à Freja, au clair de nuit, comment faire le moins de bruit possible. La tunique remontée sur et même dans la bouche pour ahaner moins fort pendant l'effort, les manches et les jambes distendues jusque les poignets et chevilles pour adoucir les prises inévitables sur la roche, et surtout, surtout, pas d'à-coups, rester un poids mort, il fera le travail. Elle opine, ferme les yeux contre la poussière, et il la tracte, après un ou deux essais perdus à saisir sa main droite.

Si frêle, si sèche, si légère.

À mi-hauteur, il s'arrête soudain. Elle rouvre les yeux. Les muscles de son bras et de sa poitrine, étirés, la tuent en silence, idem pour lui. Mais les précautions sont prioritaires. Il reprend le mouvement, c'est son épaule à elle désormais qui touche les barreaux. La deuxième passe de justesse, comme prévu. Enfin il peut répartir la charge et souffler un peu. Il l'enjoint à ne pas faire de même, rester un simple fardeau plus souple car pas mobile. Proche de la syncope à nouveau, elle obéit sans le voir. Il l'extirpe enfin, la dépose en prenant garde de ne pas faire retomber de gravier ou de poussière à l'intérieur de la cellule, s'acharne à vouloir tordre les barreaux dans l'autre sens, manque en casser un.

Derrière eux, une nouvelle patrouille mobile, ventregris. Déjà la relève. Le créneau repéré la nuit précédente se rétrécit. Chargé de son fardeau, main ferme sur la bouche tordue qui aspire à de pleines goulées d'air, John roule dans l'herbe jusqu'à un bosquet ornemental, emblème de la justice sans doute si on regarde depuis les tours là-haut. La salive coule à travers ses doigts et la morve dessus, elle se cambre, mais il ne lâche pas prise. Se faire piéger par une sécurité aussi réduite depuis la chute d'Impel Down et les mesures de guerre votées par le Conseil des Vieux, ce serait du vice.

Hngg
Un, deux, trois, nous rirons des lois...

Il voudrait la regarder, lui dire des yeux que ça ira, mais la patrouille est plus importante.

Quatre, cinq, six, pour faire des bêtises...

La main gauche vient soutenir sa nuque, la dextre s'écarte enfin un peu, un tout petit peu. Elle aspire la vie mais toujours s'asphyxie. Le dernier homme disparaît derrière l'escalier d'honneur là-bas. Il reste un Ankoù à quelques trois dizaines de pieds à leur droite. Encore un peu les doigts s'écartent, et le duo se relève péniblement. Stern est un poids mort, presque mort. Le gris-blanc de sa peau le dispute encore un peu au gris-bleu, mais pas pour très longtemps, gare.

Sept, huit, neuf, hors d'un cachot neuf...

Le souffle de John sur son visage enfin plein libre la réchauffe comme son torse contre lequel elle est lovée, entre ses bras, à travers leurs tenues d'ombre. Elle halète, à moitié inconsciente, comme victime d'un œdème, mais en réalité elle revit. Il la supporte sans peine, le plus délicat est de ne pas perdre l'équilibre avec elle devant qui la gêne.

Tu... emhestes.
Brick a voulu fumer le calumet de la guerre.
C'éhait... ien ?
Vin médiocre mais excellente daurade, il faudra qu'on revienne un jour.
Hf.
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Dou...
Doucement ? Je te fais mal ?
D'où est-ce que... d'où est-ce que tu as sorti l'acide ?
Ah, ça. Tu ne veux pas savoir. Bouge pas, ça va chauffer un peu.
Hmf !
Je t'avais dit que ça allait piquer un peu.

Il l'a déposée à terre entre les rochers, lui a rincé les jambes à l'eau de mer. Les voix et le cri sont emportés par la cassure des vagues. Stern fait aussi bonne figure qu'elle peut, mais ce n'est pas bien probant. Elle trouve encore malgré tout l'effronterie de se rebeller.

Tu avais dit chauffer ! Kohf.
Les nuances, n'est-ce-Eh. John, bougre de simplet.
Quoi ?
Bouge pas, je reviens.
Humour ? Où est-ce que tu veux... ? John ! Jh...
J'ai oublié mon tricorne. Je parie qu'il est dans la chambre de Brick. Ils le veulent tous.
John, reviens.

Un murmure dans la nuit encore pleine. Si faible. Il s'active entre deux pierres humides, glisse une ou deux fois vers le bas, une ou deux fois vers le haut. Quelque chose semble le perturber mais elle ne voit plus rien. Une ombre se penche, vérifie son pouls, sa tête, lui donne une gifle sans effet, lui palpe les doigts et les mollets, rajuste un pan de l'uniforme déchiré, lui étale une toile sèche dessus puis se ravise et l'enveloppe dedans, un sifflement guilleret aux lèvres.

Pas de bile, le très cher cauchemarde devant ta cellule, oublie pas.
J-John, je vais mourir et ce n'est... pas une blague.
En effet, non. C'est de mon tricorne qu'il est question, femme.
Hmff.
Du mal à respirer ?
Aherhm. Ça ira. Tu n'y vas pas, donc ? John, qu'est-ce que tu...

Détourné un instant, il émet des sons que la houle ne lui masque pas. De mauvais gargouillis, comme s'il allait vomir. Elle tousse, puis a un haut-le-cœur mal réprimé, empirant les choses, quand il se retourne vers elle. De sa gorge dont sortent ses doigts visqueux, pendent un fil puis deux et du bout des fils finissent de s'extirper une fiole puis une autre. Régurgiter n'est pas une mince affaire, il a les dents qui claquent un peu sous les contractions contre nature exigées.

Je te l'avais dit que tu ne voulais pas savoir.
... Encore... de l'acide ?
Nah. La version pas discrète, votre honneur, je plaide coupable.
Tu... Tu veux f... sauter Enies ....i ?
Nah ma bonne dame. Précautions.

Mais si tu entends un boum, je veux que tu utilises tes dernières forces, que tu mettes la barque à l'eau et que tu partes.

C'est compris, Freja ? Pas de trémolos, c'est très sérieux.

L'agent est partie loin, elle secoue la tête d'en-dessous la couverture, n'en sort qu'un œil proche de tourner encore.

Une barque, ça ?
Les coutumes locales, hein. C'est toi qui as choisi le pays, tu te rappelles ? Tu le feras ?
Non.
M'en contenterai, il faut que j'y aille. Un boum, un seul, et tu bouges, entendu ? Mange des poissons, évite les algues de surface, garde ton toit contre le soleil, ne t'en fais des rames que si tu vois une côte, pas avant.

Et il s'envole.

J...John ?

John ?

Mais Stern est seule dans la pénombre avec, à ses pieds léchés par Grand Line, un cercueil ouvert.
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Bien trop longtemps après parce que le temps court et vole, alors que Stern est retombée dans l'inconscience en se lamentant sur son sort, dans un couloir sordide parce que mal éclairé aux torches, une tête blonde face à deux brunes.

Ah, c'est vous Colonel !
C'est moi. Pouvez aller pieuter les braves, se passera rien cette nuit.

Les deux gardes s'éloignent de quelques pas de la lourde porte après un regard échangé, surpris mais soulagés à la perspective de pouvoir finalement compter sur un peu de sommeil avant le jour. Ce qui est un peu étrange, quand même, c'est que le Colonel ne bouge pas de là où il est, au milieu du couloir.

Colonel, tout va bien ?
Tout va bien mes bichons. Ayez confiance.
Qu ?

Le premier s'étale comme un petit tas mollasson, fauché au menton. Le second a tout juste le temps de saisir sa garde.

Ttt, c'est vilain les couteaux, mon bon ami, on se coupe si méchamment avec ces choses-là.
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Eh, tu vas rire, j'avais laissé mon tricorne ici-même en prévision et parce qu'un avocat en tricorne, n'est-ce pas. Suis-je distrait. Je t'ai dégoté une tenue ceci dit, je pense qu'elle est à toi, ou alors Kaas a d'étranges penchants insoupçonnés.

Freja ? Eh.

Le cosmos qui violace loin là-bas n'éclaire pas grand-chose du visage de Stern endormie sous la couverture, dans une posture tout sauf confortable mais elle est assez frigorifiée pour ne pas vraiment le percevoir. Après un fugace instant de panique quand la botte de John, piquée à celui des deux gardes compatible en pointure, la tapote doucement, elle s'étire et commence à sentir dans ses reins que la posture debout va être compliqué quelques jours encore... Deux minuscules bouteilles battent toujours la hanche de son libérateur, suspendues à une autre ceinture que la sienne, ses vêtements à lui devaient être restés au poste de garde près de sa cellule, maudites soient les procédures asymétriques en fonction du prisonnier. Tant pis, rien de vital dans son équipement habituel.

La deuxième... fiole... aussi de la poudre ?
Non, c'est le dernier recours. Ne bois jamais ça. Jamais.

Avec peine et son aide pudique, elle troque haut comme bas de sa tenue de prisonnier pour ceux plus civils qu'il lui a ramenés. Il doit lui servir d'appui quand elle enfile le pantalon puis les chaussures.

Garde les manches longues à proximité, elles serviront.
Depuis quand est-ce ... reçois des ordres de ta sainteté... rappelle-moi ?

Il hausse les épaules en marmonnant pour lui autant que pour elle, qu'il repousse quand elle cherche à l'aider à mettre à l'eau l'embarcation d'infortune. Les brumes annonciatrices du jour précoce commencent de monter autour d'eux tandis qu'il jette dans le dernier vaisseau les quelques biens récupérés lors de sa redescente : une outre, des fruits, deux planchettes qui serviront de rames. Il la dépose dans la caisse sans plus de cérémonie, puis en route.

Eh !
Ne force pas. Depuis que je t'ai sauvée de la mort et rapporté une tenue à la mode.
Pour un tricorne ! Teuheu ! Mode de quel siècle ?
Est-ce que je sais, moi... Accroche-toi, ça va rincer et tanguer.
Tu, hum, tu comptes ramer jusqu'où ?

Johhn ?

John ne répond plus, il a la mire rivée sur l'ombre plus noire que le noir dans les brouillards dont ils s'éloignent, juste derrière la tête ébourriffée de Stern. Le ressac est conciliant avec eux pour l'instant, mais ça ne durera pas, il faut mettre le plus de distance avec la côte au plus vite, à peine de revenir s'y échouer dans quelques tours de clepsydre. Ses bras font des tours machinalement, il chantonne un air du sud pour se distraire, elle tâche de l'y aider, recroquveillée à cinq pieds de lui contre le bord opposé de la caisse de mauvais bois. Elle force sa voix dans un mauvais grognement.

Tu as toujours eu des fioles d'acide, de poudre et de, euhm, de dernier recours dans l'estomac ?
Seulement depuis ou trois ans.
Seulement... Mais... pourquoi ?
Scout, toujours prêt ?
Arrête ça. Tu en as d'autres, des surprises du genre ?
Va savoir. J'avais un bouquet par exemple, mais je crois que je l'ai perdu... Ah, non, tiens, il est derrière ton oreille.
Derrière mon o

Sa main noircie par la crasse et le sang séché passe dans sa chevelure, à droite puis à gauche, cherche, ne trouve qu'en redescendant vers la nuque. John pense soudain à un chat, de gouttière assurément. Est-ce que c'est signe qu'il va pleuvoir ? Ce serait l'idéal pour les couvrir encore un peu. La pauvre pâquerette prélevée dans les parterres de la cour d'honneur fait grise mine dans la pénombre qui règne encore, ses pétales sont moins blancs que les dents de Stern.

John Doe... un peu plus et je... hum, je succomberais...
Un peu plus ? J'en suis fort aise, il ne s'agirait pas que notre relation devienne ambiguë.
Je ne suis pas à ton goût, peut-être, homme de mauvaise compagnie ?
Si j'avais à y réfléchir, je dirais sans doute que c'est ton côté superficiel, qui décourage.
Mon côté superficiel ? Comment... TEUHEUH Comment oses-tu ?
Oui. Je ne sais pas si c'est de Neetush que tu cherches à t'inspirer depuis que je t'ai parlé d'elle, mais on voit tout de suite que ton côté négligé est préparé. La toux grasse sonne exagérée, et puis, la terre dans les cheveux, par exemple, tu vois, eh bien c'est franchement surfait. On dirait une de ces chanteuses modernes, retour aux sources et compagnie...
Tu suis la musique contemporaine ? On en apprend. Et qu'est-ce que tu
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Sven est là ?
Sven est pas là, la ferme.

Odeurs de pleine mer, des bribes d'images par-dessous le bandeau sur ses yeux.

Quand tu dis Sven est pas là, tu dirais que c'est plutôt Sven est pas là parce qu'il est mort héroïquement mais on mènera sa mission à bout en souvenir de lui, plutôt Sven est pas là parce qu'on bosse pas pour lui et vous allez mourir tous les deux dans d'atroces souffrances hahaha, ou plutôt Sven est p
Mais tais-toi, bordel. Tu veux qu'on s'échoue sur les Portes de Justice, par les dieux ?!

C'est la perspective d'en revenir à la case départ, plus que l'ordre craché à voix basse par le capitaine du navire qui les a recueillis sans ménagement à une ou deux lieues marines de rame intensive, qui ramène John au silence. Stern n'a rien vu, épuisée qu'elle était, mais John n'a pas eu le temps d'aviser grand-chose non plus de son côté, assommé à distance par une flèche envoyée à cette fin. Mais quand même, le bandeau, le mystère, ça n'aide pas à rassurer les passagers. Le bougre en rajoute, décidément mal réveillé, ou très concentré. Très concentré est la plus rassurante des options...

Alors ta gueule, laisse-moi barrer.

Après une éternité qui voit la grisaille ne pas se lever d'un pied, ou en tout cas John n'en perçoit rien sous le tissu, la tension semble diminuer sur le pont du petit chébec. Les hommes d'équipage respirent plus fort, les voiles sont toutes montées, et le navire file sur l'eau de toute la puissance du petit vent arrière. Ça semble un bon moment pour reprendre.

Faites pas de mal à la madame.
T'inquiète, on a des ordres, on a pris soin d'elle.

La réponse semble moins tendue, elle aussi, que plus tôt.

Des ordres de qui ?
Mais de Sven, putain, oui. Des ordres de Sven, là. Heureux ? Qui d'autre nous aurait déroutés pour vous récupérer ?
Qui d'autre, hein ?

Beaucoup d'autres. Ri Solète. Kaas Brick. Neetush Pah. John garde ses pensées pour lui. À l'heure qu'il est, le colonel a déjà repéré leur petite escapade, a passé les gardes et l'île au peigne fin, et la traque recommence. Espion en vadrouille, le comité de recherche sera plus intense que prévu. Pourvu que ça passe.

Le temps passe, lui. Au soir, ou après une durée qui rendrait plausible qu'il soit le soir, le navire accoste quelque part où il fait grand silence en dehors des manœuvres. Bruits de coques, amarres, caisses qu'on choque. Deux chèvres au moins, des poules. On transfère les prison-On fait changer les passagers d'embarcation. Il y a des échanges de voix, mais le bandeau ne tombe pas, les mains ne sont pas déliées. L'odeur de Stern revient à ses narines. Elle a meilleure mine. Meilleure gorge à tout le moins. Gratitude silencieuse.

John, qui sont ces gens ?
Aucune idée. Capitaine, tu nous diras ton nom, à défaut de montrer ta face ?
Non. Salut, bon vent.
Merci, l'ami.
Je suis pas votre ami.
Merci quand même. Remercie Sven aussi, je te prie, dis-lui qu'on est quittes maintenant.

À toi j'en devrai une, rappelle-le moi un jour, à visage découvert.

L'homme est en mission et pas commode, ne répond plus. Le nouveau navire sur lequel on les a embarqués file dans l'humidité, on les descend en entrepont, les remonte par l'intérieur, et après une ou deux lieues le bandeau tombe, les poignets respirent. Deux dents en or les saluent, il y a une bouteille de vin sur la table de quart, trois godets en fer blanc, et le patron du bateau marchand les accueille comme il se doit.

Bonsoir Madame, bonsoir Monsieur. Je suis David, fils de David. À qui ai-je l'honneur ?
Angela, Francis. Euh, salut. Merci de nous récupérer.
C'est bien naturel voyons. Enchanté. Vous nous accompagnez jusqu'au terminus, si j'ai bien suivi ?
Le theu, le terminus ?
Marie-Joie, Madame, c'est bien ça ?
Qu ?!
C'est bien ça.
Ah, parfait, parfait. Vous m'aiderez bien d'un petit verre ?
Volontiers, David fils de David. Avec du miel, pour la dame, si vous avez. C'est pour sa gorge.
Un des mille délices de Maya, d'Hinu Town, ça fera l'affaire ? J'en ai les cales pleines ! Je suis un honnête marchand voyez-vous...
Ce sera parfait...
Ah, je vois que Monsieur est connaiss
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