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Début d'enquête



Une petite île sur Grand Line.

« - T’es fier de toi, trou d’balle ?... Qu’est-ce que t’as foutu sur Shabondy !? me sermonne Emilie.
- L’andouille… Pardonne-moi.
- Crétin. Tu ne mérites même pas ton rang avec ce genre de conneries ! Grandis un peu. D’ailleurs, ça fait quelques temps que tu n’as pas fait de bruit, continue comme ça.
- Je n’avais pas prévu de faire de vagues au vue de la situation, tu sais…
- La ferme. C’est tout ce que j’avais à te…
- Je m’occupe de trouver Mandrake.
- Pardon ? T’as pas entendu ce que je viens de te dire ?
- Bah ? Tu m’as dit de rester discret. C’est ce que je compte faire. Et ne fais pas l'étonnée, s'il te plait, te demander de m'envoyer Kardelya là-bas, comme si tu n'avais pas fait le rapprochement... Puis Jonas est la priorité absolue, non ? Le p’tit veinard. »

Elle a simplement raccroché. Deux choses d’une :
1. Elle est d’accord avec moi et n’a pas jugé nécessaire de le dire.
2. Ma blague ne lui a pas du tout fait rire.
3. Probablement les deux motifs réunis.

Rien à faire, ma décision était déjà prise de toute manière. Et concernant Kardelya, je garde ça secret pour le moment. Mais effectivement, j'ai insisté pour qu'elle soit à mes côtés. J'ai besoin d'elle, de Suelto et Maria pour organiser mes idées.



[Une semaine plus tard.]



On frappe à ma porte, puis le rouquin entre dans mes quartiers.

« - Les hommes attendent tes ordres. Où est-ce que l’on va ?
- Là où tout ce merdier a commencé, là où Mandrake s’est fait battre ou abattre. Direction Parisse. Et attrape ça ! dis-je en envoyant un éternal pose. Marcel en aura probablement besoin pour naviguer. 
- C’est donc cette chose que tu attendais tout ce temps…»

Paniqué par mon lancé, Suelto s’agite, mais l’objet de valeur fini dans ses mains.

« - Crétin… Et puis qu’est-ce que tu fais là ?
- Je lis le journal.
- Toi, Ragnar le plus grand débile de cet océan, "lire" ?
- Tire-toi de là et laisse-moi au moins faire semblant.
- C’est bien ce qu’il me semblait. »

Je comprends qu’il soit étonné de voir une telle chose. Les réprimandes d’Émilie, venant peut-être d’encore plus haut, ainsi que toutes les pertes subies par ma faute sur Shabondy, me font prendre conscience que tout est arrivé à cause de mes pulsions. Je ne suis plus le petit soldat qui combattait sur l’île aux esclaves, sous les ordres de Costa Bravo. C’est moi qui suis aux commandes maintenant, il va falloir apprendre à utiliser mes méninges et me montrer plus mature que mes hommes.

Je sors de cabine pour indiquer la suite de nos aventures à mes hommes.

« Bien ! Marcel est en place et transcrit les coordonnées sur sa carte. On va se rendre sur Parisse et enquêter que la disparition. Comme vous le voyez, y’a plus que nous, l’équipage-mère, et pas spécialement le plus imposant. On se fait tout petit, compris ? On recueille les informations et on se tire. »

Certains sont étonnés, d’autres soulagés. Je comprends les étonnés, probablement aussi affamés que moi mais va falloir changer de façon d’agir. Sous mes yeux, tout le monde s’active, on lève l’ancre et on décolle de ce petit bled bien agréable. La température ambiante était douce, les villageois très cordiaux, la discrétion à son comble pour notre sécurité… Séjour au top.

Durant notre passage sur Shabondy, les cinq jours passés là-bas, ont également servi au revêtement de notre navire pour nous rendre sur le nouveau monde. Un passage par les fonds marins et nous serons dans un univers qui dépasse tout entendement. Paraît-il que le passage sous l’eau est quelque chose d’unique au monde. En même temps, qui peut croire qu’un navire de ce type puisse naviguer sous l’eau ? Une telle chose est devenue possible grâce aux revêteurs de navire.

Le premier passage sous l’eau nous effraie tous, on s’attend à ce que l’eau envahisse le navire mais pas du tout. J’esquisse un sourire et observe notre descente dans les profondeurs maritimes. Suelto s’étonne que nous ne soyons pas dérangés par la pression. Je ne m’étais pas préoccupé de ça, disons que j’étais même pas forcément au courant qu’à une certaine profondeur on pouvait être écrasé par une pression, alors bon. Merci au rouquin pour son intervention, ça pourrait me servir à l’avenir.

Une de mes craintes réside dans l’apparition de monstres marins. On m’a averti sur le problème. Beaucoup d’équipages de criminels, que nous sommes également aux yeux du gouvernement, passent par là pour atteindre le nouveau monde. Seul bémol : peu en ressortent. La plupart se font manger comme de pauvres merdes. J’ai pas spécialement envie de finir acidifier dans les entrailles d’une bête que j’aurais pu manger en temps normal. Ici, je suis un faiblard. Mon fruit du démon m’empêche tout contact avec l’extérieur du navire.

Et quand on parle du loup… on en voit la queue. Voici qu’un énorme serpent de mer ouvre grand la gueule pour nous avaler. J’ai pas les mots. L’antre de sa bouche fait la taille d’une bâtisse, son estomac celle d’une île, c’est effrayant.

Spoiler:

Mais si là encore on en restait là, peut-être qu’en manœuvrant un peu et l’attirer vers un piège, on pourrait s’en sortir, mais non. Un monstre encore plus gigantesque avale en deux bouchées celui qui nous préoccupait. Le problème est cette fois-ci de taille. Sans jeu de mot. Je vais vous épargner le descriptif du gros, gros, gros poisson, car ça dépasse toute conception que je me faisais des dimensions. Plus on descend, plus il existe de bêtes extraordinaires.

« - Marcel ! Combien de temps penses-tu pouvoir naviguer sans lumière !?
- Quelle est cette question ? J’ai l’air de pouvoir conduire aveuglément.
- Si je te guide avec mon haki, ça va ?
- Et l’eternal pose ? C’est lui qui me guide, connard !
- Juste le temps que la bête soit attirée par d’autres navires éclairés, m’emmerde pas ! C’est un ordre de toute manière ! C’est qui le foutu capitaine à bord de ce putain de navire !? gueulé-je en voyant l’énorme machin approcher. »

Personne ne bronche. J’en conclue que tout est ok.

« - La direction que l’on doit prendre ?
- On doit seulement descendre pour l’instant donc tout droit. 
- C’est noté. Éteignez-moi toutes les foutues lumières et bougies de ce navire ! Et très rapidement si vous voulez survivre ! »

Tout le monde s’exécute. Heureux de m’apercevoir que tout le monde souhaite survivre à ce moment délicat de notre entreprise. J’aurais tendance à dire que le monstre sera attiré par les autres navires dégageant des effets lumineux ou d’autres monstres… Nous sommes dans le noir total. Au loin, on aperçoit des petites lumières qui scintillent, probablement d’autres navires qui, comme nous, descendent en quête d’un nouveau monde.

Pas d’obstacle en face de nous, le gros poisson semble toujours se diriger vers nous. Je renforce mon bras au haki et regarde au loin, en direction de notre emmerdeur. Suelto s’approche alors de moi, sentant qu’il se trame quelque chose de pas clair sous son nez. Il a du flair le con. Cependant, je ne peux perdre mon temps à débattre, on risque de se faire bouffe d’un instant à l’autre. Mon bras se liquéfie pour prendre de la longueur, puis je le durcis et le renforce de haki.

Avec une légère prise d’élan, j’envoie un énorme punch en direction de la bête, traversant le revêtement du navire. L’impact résonne, l’équipage s’agite et se demande ce qu’il se passe. Mon coup a simplement pour but de l’orienter ailleurs, pas spécialement de le mettre KO. J’ai frappé fort mais le truc est si dense que ce n’était peut-être qu’une pichenette pour ce dernier. Légèrement sonné, il s’arrête quelques instants. Le navire continue sa descente, le monstre change de direction. J’attends une centaine de mètres avant d’ordonner à ce qu’on rallume les lumières.

« - C’était quoi ce bruit ? se questionne Yumi.
- Je me le demande bien. reprend Suelto en dirigeant son regard vers moi.
- Probablement une bagarre entre monstres marins. dis-je en détournant le regard. »

La route se poursuit alors sans encombre particulier.



Dernière édition par Ragnar Etzmurt le Jeu 12 Avr 2018 - 22:37, édité 2 fois
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Il y a des jours comme ça où il suffit d'un rien pour tout faire basculer.
Aujourd'hui, c'est le fait que la Révolution vienne me chercher directement à Loguetown, pour une mission à l'autre bout du monde, avec Ragnar, un nom que j'avais presque oublié depuis le temps que l'on ne s'était pas vu.
Oui, j'imagine que je devrais mieux retenir le nom de mon capitaine et "futur mari", mais j'avais pas mal de choses à penser ces derniers temps, surtout avec la venue de Mibu.

Bref, passons et revenons sur le présent, à savoir Mibu et moi sur un bateau en partance pour le Nouveau Monde, un endroit que je ne pensais pas voir aussi vite. Mais, en même temps, ce serait l'occasion de faire quelque chose d'utile,plutôt que tourner en rond sur East Blue, faisant des opérations solo, sans réel intérêt et avec peu de résultats.
C'est devenu extrêmement compliqué de prendre contact avec les Révolutionnaires et au final, c'est eux qui viennent me trouver, avec bien plus d'efficacité que moi.

Accoudé au bastingage du bateau, j'observe la mer défiler rapidement, alors que nous faisons route vers notre destination, une cigarette à la main.
Mibu, installé sur ma droite, se décide à briser le silence:

-Pourquoi on part soudainement loin d'East Blue? On ne part même pas sur Grand Line, mais carrément à l'étape suivante, à savoir le Nouveau Monde, c'est fou de faire un voyage pareil comme ça, sur un coup de tête...

Je souffle un nuage de fumée sur la gauche, pour éviter d'intoxiquer mon jeune matelot:

-Le dénommé Ragnar qui m'a contacté est une connaissance, que je devais de toute façon rejoindre à un moment donné. Ce sera l'occasion de le retrouver et de faire aussi le point, loin de notre "zone de confort" et de nous rendre utiles à la Révolution, autrement que par nos opérations solitaires.

Mibu hausse un sourcil:

-Tu ne m'as jamais parlé de lui. Vous vous êtes rencontrés comment?

Je réponds du tac-au-tac:

-On s'est croisés sur une mission de libération d'esclaves et je lui ai promis de lui prêter ma force, dans son futur équipage... Ah oui et je lui ai promis de l'épouser, une fois les Tenryubito dissous.

J'entends un bruit sourd, alors que je tourne la tête, pour voir Mibu tomber à la renverse, me regardant avec des yeux rond comme des billes:

-Que... Hein?!? Tu rencontres un inconnu et tu te proposes de suite comme sa femme?!?
Mais... Ça se fait vraiment comme ça?!?


Je détourne la tête en rosissant légèrement:

-Oh, ça va hein. À l'époque et encore aujourd'hui, je ne sais pas du tout ce que je ferais, une fois que je serais allé au bout de mon objectif. Alors, accepter épouser un type rencontré tout juste la veille ou me reconvertir en marchande de tomates, ça revient au même pour moi...

-Tu peux pas comparer les deux cas de figure quand même... Ce n'est pas la même portée...


Je soupire, expédiant un nouveau nuage de fumée sur la gauche:

-Pour certaines personnes, c'est sans doute le cas, mais pour moi, ça n'a pas de réel intérêt, étant donné que je ne sais même pas si je vais survivre au fait de m'attaquer aux plus puissants nobles du monde... C'est compliqué de se fixer un avenir dans ce cas de figure...

Mibu grimace et s'accoude au bastingage à son tour, ne sachant pas quoi répondre à tout ça.

Après plusieurs jours de navigation ininterrompue, hormis une escale pour faire le pleine de provisions, on arrive finalement à l'archipel Shabondy, où on installe un revêtement sur le bateau, afin de partir sous l'eau, où nous attend notre prochaine destination.
Pour Mibu et moi, c'est surtout quelques jours d'attente planqués à l'hôtel, à cause de la recrudescence de nobles dans les environs.
Dans le doute, Mibu est recherché sur East Blue et on peut bien imaginer que c'est le cas également sur Grand Line et même sur le Nouveau Monde... Il faudrait lui trouver un déguisement bien vite, pour sa tranquillité.

Après quelques jours de préparatifs, le bateau avec le nouveau revêtement est prêt à partir dans les profondeurs, pour accéder au Nouveau Monde.
Après avoir écouté quelques directives du capitaine du navire, on part donc dans les profondeurs et Mibu et moi restons sur le pont tout le long de la traversée, bouches bées par le spectacle qui s'offrait à nous... J'avais entendu parler deux trois fois de navires qui pouvaient aller sous l'eau, mais je ne pensais pas que je pourrais me retrouver dans un de ces dits-vaisseaux.
J'observe un temps Mibu replacer le chapeau sur sa tête, recouvrant en partie son visage et surtout ses cheveux. J'aurais clairement dû prendre de la teinture pour les cheveux, mais je n'avais pas trop eu le temps de m'en occuper et j'ai paré au plus urgent.

Quelques fois, nous devions éteindre toutes les lumières, pour échapper à des monstres marins, dont nous voyions les silhouettes massives passer à coté. Plus d'une fois, je devais rassurer Mibu, l'étreindre un temps, pour éviter qu'il ne cède à la panique... et puis de temps à autre, ça me rassurait aussi, parce que je n'en menais pas large non plus, malgré tous les efforts du monde pour rester impassible.
Plus on avance vers l'inconnu et plus je prends conscience de la dangerosité de l'endroit vers lequel nous nous dirigeons... Est-ce que je n'étais pas complètement inconsciente d'emmener un enfant de 12 ans dans tout ça?

La question me trotte dans la tête les derniers jours de navigations restants, où nous arrivons finalement à notre destination, à savoir Parisse, une île qui semblait très portée sur l’industrie et qui me paraissait bien "sombre", avec une atmosphère étouffante... Il y a mieux comme première destination pour le Nouveau Monde...
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Parisse.

Je savais qu’il ne s’est pas passé des jours joyeux, mais jamais je n’aurais imaginé voir cette merveilleuse ville dans un état si déplorable. Pratiquement tout est détruit. Alors que nous longeons La Saigne, nous pouvons constater avec effroi l’étendue des dégâts provoqués par cette horrible bataille qui fait le tour du monde. Je me sens presque honteux de ne venir ici que pour récolter des informations et me tirer après. Ce n’est pas ce que désirait Mandrake, non. Je ne connais pas réellement le personnage, mais j’imagine que ça lui fendrait le coeur de voir tout son travail tombé à l’eau.

Chaque homme à bord observe les lieux avec beaucoup de dégoût. Le fleuve que l’on longe est puant, dégueulasse et, par-dessus tout, regorge de cadavres d’hommes morts tombés au combat. Ils semblent pourtant récents, signifiant qu’une lutte acharnée continue après celle qui a détruit la ville. Nous devons éviter de rester ici trop longtemps, Bernadette Girac, As de la Révolution, leader de République Pacifiste de Parisse, m’a prévenu que ce fleuve représentait la Ligne de Front entre les deux camps.

C’est finalement quelques kilomètres plus loin, légèrement en bordure de la ville, que nous attendent une troupe d’hommes. J’imagine qu’il s’agit de nos amis révolutionnaires. D’ailleurs, cela se confirme assez rapidement.

« - Êtes-vous l’équipage du dénommé Ragnar Etzmurt ? dit de vive voix un des hommes.
Tout juste, camarade. répond Suelto.
Très bien. Stationnez ici, votre navire ne craint rien. »

On s’exécute naturellement. Je ne ressens pas d’animosité chez ceux qui nous accueillent, au contraire, ça ressemble à de la joie. Suelto, Maria et moi-même foulons donc le sol de Parisse, voire même du nouveau monde, pour la première fois. Marcel et Yumi, respectivement la vigie et navigateur de l’équipage, restent à bord avec Robert, le médecin, puis Mokthar le cuistot. Se boire des coups est leur préoccupation principale. Honnêtement, si je le pouvais, je resterais avec eux. Mais leur mission est d’accueillir Kardelya qui ne devrait plus trop tarder.

Assez rapidement, on approche de bâtiments, rues assez imposants, mais malheureusement tous brûlés. Les rues sont vides, poussiéreuses, grises… En bref, c’est devenu inhabitable. On se rapproche d’une bâtisse plus ou moins épargnée, supposant que la RPP y loge, ou du moins qu’elle y bosse. La fameuse Bernadette nous attend tout au sommet, sur le toit, dans lequel nous avons vue sur à peu près toute la ville. C’est un désagréable spectacle. Des lieux brulent encore, l’odeur de sang me parvient rapidement aux narines, j’entends encore des cris et hurlement, de détresse suite à une situation critique, ou bien alors simplement de lamentation.

« Bienvenue à Parisse. Ragnar, vous autres qui l’accompagnent, je m’appelle Bernadette. »

Maria s’incline respectueusement, Suelto répond.

« Enchanté, madame. »

Je suis encore sous le choc. Partagé par la colère et la tristesse. Encore un des méfaits de mon fruit, je parviens difficilement à gérer et comprendre mes émotions. Enfin, en y réfléchissant plus sérieusement, il n’est pas anormal de ressentir cela.

« Merci de nous accueillir, Bernadette. »

Je ressens qu’elle a besoin de soutien. Elle reste digne. Elle reste forte devant ses hommes, mais la vérité est probablement que cette situation la fait craquer intérieurement. Ma présence doit être réconfortante, sauf que je n’y suis pas pour l’aider. Malgré moi. Certes, la situation de Parisse me touche sincèrement, mais c’est à Mandrake de régler cette histoire. C’est son entreprise.

« - Qu’est-ce qui vous amène par ici, messieurs, dame ?
Nous comptons libérer Mandrake. Je ressemble secrètement des hommes de tout horizon, mais avant de passer à l’offensive, nous devons localiser la position du lieu où il est détenu…
Ou mort.
Ou mort… Partons du principe qu’il est détenu quelque part. L’idée est recueillir des informations concernant l’attaque, les principaux acteurs de ce massacre.
Dans ce cas, j’ai quelque chose qui pourra grandement t’intéresser. Je vous propose de m’accompagner à la réception que nous avons préparés pour vous. »

Quelle délicate attention ! Ne serait-elle pas en train de m’amadouer ? Peu importe après tout. Celle-ci se déroule seulement à l’étage du dessous, dans une grande salle aménagée comme un buffet. Des couverts à l’entrée, du beau monde pour papoter, des accompagnements de partout, du vin… Le vin. Cet alcool que Minos m’a fait découvrir il y a maintenant fort longtemps, assez doux à la consommation. Le problème, c’est qu’il m’est difficile de résister à de la bouffe et à de l’alcool, à croire que Bernadette me connait déjà par coeur.

« - Bien. Maintenant que mes subordonnés sont éloignés, que voulais-tu me montrer ? dis-je en tenant un verre de vin et un autre de rhum.
- La réputation vous concernant est donc avérée. Un amoureux de la boisson. rétorque-t-elle en esquissant un sourire. Suivez-moi. Ce que je veux vous montrer se trouve au sous-sol. »

Je la suis sans un seul mot. Je me retourne et constate que Suelto remarque mon départ, mais un regard suffit à le rassurer. J’emprunte de nouveau cet ascenseur qui fonctionne à moitié, tout juste bricolé suite aux attentats pour le faire fonctionner, ne supportant qu’une faible charge. En plus de cela, on ne peut joindre que le sous-sol que par les escaliers, l’accès par l’ascenseur étant bloqué par effondrement. Alors une fois au rez-de-chaussée, la porte s’ouvre et nous tombons, Bernadette et moi, face à Yumi, Marcel et…

« Héhé. En voilà une surprise. Le voyage s’est bien passé… Kardelya ? »

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Décrire Parisse en un mot? Sombre.
Sombre dans l'atmosphère dans laquelle elle baigne. Sombre dans son architecture. Sombre aussi dans son ambiance de guerre civile.
Alors que le bateau s'engage sur un canal, j'observe attentivement les bâtiments environnants, essayant de dresser un plan très rapide de la ville, établissant comme je peux des "quartiers", les classant par ordre de richesse. Globalement et à en juger par les nuages noirs semblant sortir d'un peu partout dans la ville, cette ville est surtout portée sur l'industrie et les machineries à vapeur, une technologie que je connais très peu, mais que je sais assez "fumigène"

J'entends un bruit immonde dans mon dos et que je connaissais assez, pour l'avoir entendu sur d'autres bateaux... Quelqu'un qui vomit?
Je tourne la tête, mon cœur manquant un battement ou deux, alors que je vois Mibu à quatre pattes sur le pont, le souffle rauque... Que?
Je me précipite vers lui le tapotant brièvement dans le dos et l'enlaçant d'un bras, le serrant doucement contre moi:

-Mibu, tout va bien? Qu'est-ce qui se passe?

Durant tout ce voyage et même les précédents, Mibu n'avait jamais été sujet aux nausées... Pourquoi maintenant, sur un paisible canal de ville?

Il me pointe du doigt le canal, du coté où on se trouve et je me relève, pour observer attentivement l'endroit, qui ressemble à ce que je voyais de mon coté... jusqu'à ce que je baisse les yeux, voyant... des dizaines de cadavres flottant dans l'eau?!?
Mortifiée, j'observe la scène d'horreur qui s'offrait à moi, calmant comme je peux ma respiration saccadée. Je secoue vivement la tête, pour me remettre les idées en place et revenir au chevet de Mibu, qui commençait doucement à se calmer.

-Ce... C'est quoi tout ça? Tous ces... corps?

Muette, ne sachant pas quoi lui répondre, je vois alors un homme venir à notre rencontre.

Marcel:

-Ce sont les corps des combattant de Parisse, bons comme méchants.
On traverse actuellement le canal principal de la ville, qui fait office de "no-mans-land", entre les révolutionnaires de Parisse et le gouvernement.


Gardant un contact physique avec Mibu, une main posée sur son épaule, je regarde de nouveau les corps, mon nez se faisant agresser par des odeurs de plus en plus fortes. Retenant un haut-le-cœur, j'observe plus attentivement les tenues des corps, remarquant qu'une partie avait des vêtements civils et l'autre ce qui semblait être des uniformes...

Je reviens à Mibu, lui tapotant de nouveau l'épaule. Je l'emmène boire un peu d'eau dans un coin, avant de revenir à l'homme qui nous avait interpellé sur le pont:

-Donc, il y a une guerre entre deux factions ici, si je comprends bien...
Quel est le rôle de la Révolution dans tout ça?


L'homme hausse les épaules, le regard perdu dans le vague:

-Je n'ai pas les détails en tête, mais il va s'agir d'enquêter sur un meurtre ou je ne sais plus trop quoi.
Ragnar vous tiendra au courant; on est supposés le retrouver là où on va accoster.


J’acquiesce rapidement de la tête, avant de revenir vers Mibu. J'ai aussi besoin de boire et de me poser un peu...

Après quelques minutes de navigation supplémentaire, on jette l'ancre près d'un bâtiment où on s'engouffre par une porte dérobée. J'imagine que la discrétion va être de mise à partir de maintenant, surtout s'il s'agit d'une enquête faite par les Révolutionnaires. Après, je me demande ce que l'on pourrait faire ici, entre deux factions qui en décousent aussi férocement...

Je vois finalement un visage connu venir des escaliers et finir par m'interpeller.
J'incline la tête, tapotant un peu sur ma cigarette sur la gauche, pour faire tomber un peu de cendre, alors que je sens Mibu sortir sa tête vers ma droite, pour observer les nouveaux arrivants:

-Bonjour Capitaine.
Je dirais plutôt que le voyage a été long et rude. Pour un premier voyage hors de East Blue, c'était très mouvementé.
Avant que l'on passe à la mission, je tiens à vous présenter le premier membre de mon équipage, Mibu.


Je me décale un peu sur le coté, pour laisser Mibu s'incliner devant Ragnar:

-Bonjour monsieur... ou capitaine? Ravi de vous rencontrer.
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Je me mets à rigoler rien qu’à sa prise de parole. Kardelya, toujours aussi sérieuse dans ses interventions, et ce malgré le temps que l’on ne s’est pas vu. Je m’attendais à quelque chose de plus amical. Puis elle me présente un gosse. Son gosse ? Non. Il doit avoir treize balais et n’était pas présent la dernière fois. Le petit prend timidement la parole, je lui réponds en gardant le sourire, d’une caresse sur le sommet de son crâne. Je tourne ensuite la tête vers Yumi qui titube et Marcel qui tente de garder son regard professionnel. Le problème, c’est qu’il ne regarde rien d’autre que le vide.

« - Yumi, Marcel, prenez l’ascenseur et allez au dernier étage où se trouve une réception. Maria et Suelto vous y attendent. Mibu, c’est ça ? dis-je en baissant ma tête vers ce dernier. Accompagne-les, collègue. Tu feras connaissance avec mes deux autres camarades, bien plus responsables que ces deux crétins… 
- Une réception ? se questionne Yumi.
- Ça veut dire qu’il y a de la boisson ? poursuit Marcel.
- Autant que vous le voulez. tranche finalement Bernadette. »

Alors les deux loustics partent aussitôt en courant, trainant avec eux le gosse qui n’a strictement rien demandé.

« - Vous ne les accompagnez pas, demoiselle ? demande Bernadette à Kardelya.
- J’ai bien compris qu’il s’agissait d’un lieu réservé aux plus hauts-gradés, mais je ne vais nulle part sans elle. Si je l’ai faite venir d’aussi loin, c’est qu’elle joue un rôle essentiel dans cette quête.
- Bien. répond-t-elle simplement. »

Et alors que nous nous dirigeons vers une porte, laquelle mène vers un couloir sombre, une voix vient m’interpeller dans ma tête. C’est exactement comme avec Othar sur Shabondy.

« Vous ne m’en voudrez pas d’être aussi méfiante, mais l’information que je compte partager avec vous jouera un rôle essentiel dans votre enquête et l’avenir de ce pays. »

Haki de l’empathie, hein. Pour ne pas attirer l’attention de Kardelya, je reste tout simplement neutre. Je me demande bien ce que peut être cette information. C’est visiblement quelque chose de très important. Quoiqu’il en soit, nous poursuivons silencieusement notre route. Tellement silencieux que ça me gène légèrement. Puis merde quoi.

« Alors, Kard’, qu’est-ce que tu racontes de beau depuis le temps ? »

La discussion s’entame légèrement le temps que nous atteignons cette seconde porte, celle menant à des escaliers encore plus sombres que le couloir que nous venons de parcourir. Celle-ci est gardée par deux soldats qui nous l’ouvrent avec une clef aussi vieille que les locaux. L’odeur exacerbée de l’humidité remonte à travers mes sinus, la température relativement basse fait presque frissonner mon corps, c’est glauque et sinistre. Et lorsque nous arrivons tout en bas de ces longues marches, c’est avec peu de surprise que nous découvrons les lieux.

De nombreuses cellules sont alignées les une après les autres, tout au long d’un couloir sont entreposés des prisonniers, qui pour certains d’entre eux, peuvent se voir avec le voisin de la cellule d’en-face. Ils sont entretenus dans des conditions assez laborieuses, mais j’imagine qu’ils ne sont pas là pour avoir simplement volés des fruits et des légumes. J’aperçois des visages marqués par la guerre, par la torture, de la fatigue physique et mentale causée par les conditions de traitement dans ce qui semblerait être une prison.

« - Cette information provient de l’un de ses prisonniers à la langue plus déliée que ces collègues ?
Pas exactement, mon cher Ragnar. Cette personne ne parle pas. »

Au fond de cette sinistre allée, se trouve encore et toujours une porte, celle-ci menant vers des escaliers… C’est bien trop répétitif cette histoire. Mais cette fois-ci les escaliers sont moins longs, la température baisse toujours autant cela dit. Encore une allée où se trouve des cellules, biens moins nombreuses, certes, sauf qu’il y a également des espèce de compartiments reliés à un système réfrigérant. Bernadette discute avec un des gardes qui, en quelques mots, se met à tirer un des compartiments comme s’il s’agissait d’un simple tiroir. Il s’agit d’un corps. Je comprends alors que tous les compartiments contiennent des corps.

« - En vous épargnant des explications inutiles, on conserve certains corps « importants ».
- Glauque. Mais pourquoi pas. Qui est cet homme ?
- Il s’agit de Noxe, directeur du CP9, enfin ex-directeur.
- C’est donc le CP9 qui a foutu toute cette merde… Ça oriente mes recherches.
- Non pas que les recherches sur Mandrake ne m’intéressent, mais vous devez savoir que la situation sur Paris est catastrophique. Il n’existe pas une journée sans meurtre, coups bas et attentats. Tout cela à cause des manigances de cette foutue organisation gouvernementale qui nous fait passer pour les criminels.
- Cela dit, objectivement, c’est merveilleusement bien joué.
- Comme vous le dites… »

Je me tiens alors le menton et réfléchis. Le CP9 sont ceux qui ont réduit à néant les projets de Mandrake, donc probablement ceux qui l’ont capturé également. Au moins, je ne repartirais pas les mains vides.

« - Et concernant l’individu qui a neutralisé l’illustre guerrier qu’est notre cher Mandrake ? demandé-je d’un ton poétique.
- Vous prenez toujours les choses avec si peu de sérieux ?rétorque-t-elle étonnée. Bref. L’individu était une femme, blonde, mignonne mais le corps en piteux état. Extrêmement forte. Vous ne seriez pas capable de la vaincre actuellement. Je le dis parce que je connais vos tendances à vouloir affronter plus fort que vous, on m’a briefé.
- Merci Émilie… chuchoté-je en déviant le regard. Une femme si redoutable, leur chef mort, possible qu’elle ait un rôle essentiel dans l’organisation… Autre chose ?
- Elle était accompagnée d’une brunette, assez redoutable, dévouée à la blonde qui se battait et qui a failli y laisser sa peau. »

Une blonde extrêmement forte, importante dans l’organisation, accompagnée d’une brunette tout aussi dangereuse. Dans quelle merde me suis-je fourrée ? Il est facile d’évaluer le danger : ça me dépasse complètement. Le temps presse. Il est temps pour nous de repartir continuer notre enquête.

« - Et bien merci pour votre aide. Il est maintenant temps pour nous de repartir.
Je vois… Bon courage à vous. »

Même pas besoin d’user de l’empathie pour comprendre sa peine à l’idée de me voir partir aussi rapidement.

« - Cela dit, que comptez-vous faire à présent ?
- Et bien…
- Vous savez seulement que le CP9 est derrière tout ça, qu’il y avait une blonde et brune, puis quoi ? Ça vous mène où ?
- À leur QG, j’imagine ?
- Qui se trouve à Mariejoie, là où se trouvent les cinq étoiles, l’amiral en chef, les amiraux…
- Ok, j’ai saisi. Que proposez-vous ?
- Simplement que vous restiez ici le temps de trouver un plan suffisamment solide. »

La petite maligne. Elle sait pertinemment que si je reste, je ne fermerais pas les yeux sur ce qu’il se passe autour. Mais réfléchir en mer ou ici, au final, ça reviendrait strictement au même. À son sourire, elle connaît probablement déjà ma réponse.

« Kardelya, ton esprit est plus avisé que le mien. Qu’est-ce que t’en dis ? »

De nous deux, c’est elle le cerveau.






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La réaction de Ragnar ne se fait pas attendre et elle consiste surtout à nous isoler, à savoir écarter Mibu et les autres membres de son équipage.
Mibu tourne la tête vers moi et je le devinais un peu inquiet, à l'idée de se séparer de moi.

Je lui frictionne un temps les cheveux, lui adressant un sourire rassurant:

-Ne t'en fais donc pas, on se reverra plus tard. Vas récupérer un peu du voyage. Je te raconterais tout après.

Mibu hésite encore un temps, son regard allant des deux compagnons de Ragnar à moi, avant d'incliner la tête:

-D'accord, sois prudente.

Il réajuste son chapeau sur sa tête et va rejoindre les personnes qui nous avaient accompagnés jusqu'ici.

De ce que je peux en déduire jusque là, c'est que notre "commanditaire" est très méfiante et limite stressée par le fait que des informations puissent fuiter.
Sur le chemin, la conversation se fait tranquillement entre mon capitaine et moi, même si je n'avais pas vraiment matière à répondre.
Soufflant un nuage de fumée du coté opposé à celui de Ragnar, je me décide à lui répondre:

-Très franchement? Je n'ai pas pu beaucoup œuvrer à la cause ces derniers temps. Je me suis cantonné à quelques missions mineures et l’événement principal des derniers mois était surtout la venue de Mibu.

Que pouvais-je dire d'autre? À ma grande honte, je n'ai quasiment rien fait pour la Révolution ces derniers temps. Peut-être parce que je m'occupais aussi de Mibu à coté et que je négligeais les missions? Ou alors je commençais à en avoir marre des missions sur East Blue, sans réel impact? Je ne saurais trop dire...

Ragnar et moi suivons notre commanditaire jusqu'à ce qui semble être une "prison" improvisée, avec beaucoup de gens pas mal amochés. Qui étaient-ils? Je n'en avais aucune idée.
En tout cas, il semblerait que ce ne soit pas la préoccupation actuelle pour notre commanditaire, qui nous guide jusqu'à une pièce au fond, qui s'avère être une sorte de morgue et elle nous présente bien vite un corps qui amène au sujet principal et dont je n'avais aucune information, avant de venir ici.
Le CP9 hein? Si les Services Secrets du Gouvernement Mondial sont à Parisse, ça ne sent vraiment pas bon et il y a clairement un gros objectif en tête.

Pour l’instant, je reste passive, gardant en mémoire les points principaux et je commence déjà à avoir quelques pistes à explorer. Mais j'attends d'avoir plus d'informations en tête, avant de faire part de mes diverses opinions sur la situation.
Apparemment, il y a deux personnes qui semblent gérer le CP9 sur Parisse, ou au moins être leur "bras armé". La brune est suffisamment dévouée à la blonde et peut-être au Gouvernement Mondial, pour se battre au péril de sa vie. Pour quel motif? Je ne sais pas, mais ça peut être une piste comme une autre à creuser.
Par contre, c'est Ragnar qui m'intrigue, en parlant d'un certain Mandrake, qui semble avoir été capturé. Je n'étais pas au courant de cette histoire et ça donne encore un autre angle de recherche.

Aussi, l'attitude de la commanditaire, qui semble s'appeler Émilie, était assez singulière. Mais je vais me contenter de noter ce détail dans un coin de ma tête, plutôt que spéculer dans trop de directions à la fois.

L'interpellation de Ragnar me fait réfléchir longuement, avant de laisser tomber ma cigarette au sol et de l'écraser du talon, avant d'en récupérer une autre, l'allumant d'un claquement de briquet rapide.

-Hum... On manque d'informations, avant de pouvoir établir des hypothèses et des éventuels plans d'actions.
Bernardette, c'est bien ça? Vous avez parlé de meurtres et d'attentats tout-à-l'heure. Serait-ce possible d'avoir une liste précise des personnes tuées et de leur métier et une liste des lieux des attentats? Il me faudrait aussi le plus de dates et d'heures précises des événements.
Ensuite, vous avez plus d'informations sur cette blonde et cette brune? Vous parlez de corps en "piteux état" pour la blonde; vous pouvez être plus précise?
Et aussi, par rapport aux prisonniers que l'on a vu en passant; il me faudrait savoir s'ils sont liés directement au gouvernement Mondial ou si ce sont des locaux corrompus.


Quelque chose clochait dans cette histoire et j'avais vraiment besoin d'avoir des détails, avant de commencer à partir sur de fausses pistes, parce qu'il y a énormément de questions sans réponses qui commencent à poindre dans ma tête.
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« Oh, là, doucement. tempère Bernadette. Des morts, il y en a tous les jours. Des attentats, tous les jours. Des coups montés, tous les jours. Des registres, on en a oui, mais pas sûr qu’ils soient à jour étant donné qu’il y a certainement des morts à l’heure où l’on parle. Puis leur métier, pour certains oui, pour d’autres non. Enfin ça, à la limite, je ne vois pas trop en quoi ça peut nous être utile. Et les prisonniers présents sont des types au service de l’ennemi, partisans du gouvernement qui ne veulent pas de nous ici. »

Sacrée Kardelya, toujours aussi pointue.

« - Et concernant les deux femmes, je vous ai tout dit. La blonde… Il semblerait qu’elle ait combattu avec une seule jambe, puisque nous avons retrouvé la sienne, robotique.
- Il s’agirait donc d’un cyborg. dis-je étonné.
- Tout juste. Et l’ensemble des dégâts sur la ville est uniquement due à la capacité de son fruit du démon.
- Sacré monstre que nous avons là. Elle est tout de même parvenue à capturer Mandrake avec une seule, c’est pas rien. »

Bon, en soit, c’est pas grand chose de plus. Que devons-nous faire ?

« - Et quel est le conflit avec les partisans du gouvernement ? La marine n’est pas ici pourtant. Pourquoi vous attaquer ?
- La destruction de la ville, tout ce carnage, tout cela serait de notre faute.
- C’était donc le but du CP9… Mandrake voulait agir pacifiquement, mais le gouvernement a réussi à séparer le peuple en deux. C’est le pire scénario possible. Une destruction totale aurait été bien plus simple, non ?… »

Ok, personne ne rigole. Seulement des regards dérangés.

« - J’imagine qu’il ne vous pas été possible de prouver l’implication du gouvernement dans cette bataille ?
- Non. Disons que nous ne parvenons pas vraiment à discuter calmement.
- Une communication impossible, donc.
- En effet. Bref. Je vous invite à sortir de cet endroit avant que nous n’attrapions froid. »

C’est pas faute de le dire, j’éternue l’instant d’après. Ma fragilité n’a d’égale que ma débilité, c’est un fait et le récit de ma vie l’a prouvé. On remonte assez rapidement. Enfin, c’est rapidement dit aussi. Faut remonter toutes ces marches, ces couloirs sombres et sinueux, puis reprendre ce foutu ascenseur à peine en état de fonctionner. Ça cogite dans ma tête. Je ne sais absolument pas par quoi commencer. Dans l’ascenseur, c’est le silence total. Sauf qu’en arrivant à l’étage des festivités, on entend alors un festival de rires et chants paillards.

Qu’est-ce que je vois en premier ? Yumi à moitié à poil. Il ne reste que son caleçon. Ce foutu connard ne sait absolument pas se tenir, moins que moi. Marcel est avec une clope à la bouche, un verre à chaque main, en train d’encourager Yumi de continuer son espèce de… danse ? Des mouvements totalement désynchronisés, qui ne ressemblent absolument à rien de ce que j’ai pu voir lors de mes nombreuses beuveries. Ce type n’est qu’une sombre merde. Et celui qui encourage ça aussi. Et dire qu’il est celui qui nous a mené ici. Quant à Maria et Suelto, ils se font des chifoumis pour déterminer lequel va boire.

Un équipage de saoulards… À l’image de leur capitaine, puisqu’à peine arrivé dans la grande salle, je me dirige directement vers le buffet où se trouvent les boissons. Bizarrement, finis les verres de fins et alcools dits « doux ». Non, là, c’est cocktails à base de rhum, ou tout simplement du rhum. Un cul-sec, un deuxième, puis je me sers un cocktail avant de convoquer mes coéquipiers.

« - Je vous retiens quelques instants avant que l’on se retourne le crâne. Enfin non, c’est la guerre par ici… Et puis merde, on se détruit ce soir et on agit demain. En bref, nous allons rester quelques temps sur Parisse, juste le temps de trouver un moyen efficace de mener notre enquête. À priori, c’est le CP9 qui détient la Force de la révolution. Et toujours a priori, c’est le CP9 qui est responsable de l’état de cette ville, plus précisément une femme, blonde, cyborg, assez forte pour avoir neutralisé Mandrake
- CP9, femme, blonde, cyborg, assez forte pour neutraliser Mandrake… répète Suelto, ivre. Tu n’as pas l’impression que tout ça nous dépasse ?
- Tu aurais peur, Suelty ? taquine Maria.
- Commencez pas vous deux ! On sait vers où va s’orienter cette discussion… dit Marcel en bouchant ses oreilles.
- J’ai soif… insiste Yumi. »

Des incapables. Je me retourne alors vers Kardelya, la seule à m’écouter, et ce, malgré qu’elle s’occupe du gosse qui la suit. Un gosse dans mon équipage, sérieusement… Faut qu’elle m’explique.

« Kard’, tu m’expliques ce que fout ce gosse ici, s’il te plait. C’est le nouveau monde ici, pas les blues. »

La soirée est sympathique. Les jours à venir le seront probablement moins.



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Je passe ma mains sur mon visage, soupirant longuement.
Si elle coopère pas ou difficilement, ça va vraiment être très compliqué. Cette affaire est vraiment bizarre et ça ne me rassure pas du tout de savoir les Services Secrets du Gouvernement Mondial sur l'île.

Une cyborg avec une jambe artificielle hein? Et le commentaire de Ragnar sur la capture de ce "Mandrake" semble en dire long sur la puissance de ce dernier et donc de la blonde. J'ai l'impression que je vais de nouveau devoir me cantonner aux informations en arrière-plan. Le combat est clairement proscrit, avec le CP9 dans les parages.

J’acquiesce finalement d'un bref signe de tête:

-J'apprécierais que vous me passiez tout ce que vous avez.
La moindre information partagée pourrait nous aider à mieux coordonner nos efforts, sachant que nous sommes tous là pour la même raison: l'expulsion du CP9 et le bien-être de la population.
Le fait que le CP9 soit discrètement installé ici peut laisser penser que le Gouvernement Mondial cherche quelque chose de précis et pas forcément la conquête militaire de l'île, auquel cas ils auraient sans doute envoyé une armada pour tout prendre par la force.
J'ai remarqué brièvement que Parisse semblait assez évoluée, en terme de technologie et d'industrie.
Peut-être que le CP9 recherche une technologie, une ressource particulière pour le compte du Gouvernement Mondial?
Vous n'avez pas des contacts parmi les ouvriers et industriels, qui pourraient vous dire s'il y a eu d'étranges activités en usine ou ailleurs? Ou alors, je récupère de vieux vêtements et me fais passer pour une ouvrière, pour infiltrer les usines une par une et enquêter directement sur place.


Je fais une pause, estimant que j'en avais assez demandé et que mes premières demandes semblaient déjà passer de travers, mais je n'en avais cure.
Je sors de la morgue l'esprit empli de questions, entendant du coin de l'oreilles les quelques mots prononcés à gauche à droite.
Le renseignement et l'infiltration sont bien les seules choses que je peux faire ici. Le combat me semble clairement être du ressort et du niveau de Ragnar et des autres.

Je grimace, en arrivant à l'étage où semblait se trouver Mibu, pour ne trouver qu'une bande d'ivrognes, occupés à faire la fête.
Je sens quelque chose me rentrer sur la hanche droite et je tourne la tête, pour apercevoir mon matelot.
Pendant que Ragnar va pester auprès de son équipage, je frictionne de nouveau la tête de mon jeune matelot:

-Tout va bien?

-Oui, j'ai bien suivi tes conseils et me suis mis sur le coté, dés que les premières pintes commençaient à se boire comme de l'eau.
Du coup, on fait quoi maintenant?


Le fait de connaître l'équipage de Ragnar comme étant de sacrés fêtards, j'ai opté pour donner quelques consignes à Mibu, qu'ils suivait déjà un peu de son coté, ayant déjà passé quelques soirées dans des tavernes bien en proie à la beuverie.

Alors que j'allais proposer un programme à Mibu, j'entends le Capitaine m'interpeller directement, avec une remarque bien cinglante qui me donne envie de l'expédier par une fenêtre à coups de pieds (réflexion très "mature", je sais)...

Je fais un signe de tête à Mibu, qui me répond aussi silencieusement, avant de me contourner et de se planter devant Ragnar, le regardant droit dans les yeux:

-Kardelya hésitait énormément à me garder pour cette mission et elle a bien failli me débarquer à un moment donné, mais j'ai insisté pour rester et me rendre utile.
J'ai rien qui me rattache aux Blues, à Grand Line ou ailleurs dans le monde et je me contente de suivre et d'assister ma Capitaine envers et contre tout.
Si vous n'êtes pas satisfait de ma présence, libre à vous, mais je ne partirais que si ma Capitaine l'exige.


De mon coté, je pose une main sur l'épaule de Mibu, fusillant Ragnar du regard, avant de me planter devant lui, approchant ma tête de son oreille, pour que lui seul m'entende:

-Vous me faites la morale, alors que vous ne savez empêcher votre équipage de se bourrer la gueule, une veille d'opération.
Gérez votre équipage et je gérerais le mien; point final.


Ragnar pouvait s'estimer heureux que je dise pas tout haut ce que je viens de dire, histoire de mettre le bazar entre les membres d'équipages, la veille d'une action.
Je me rappelle bien de la première fois, avec les remarques de ses compagnons, sur le fait que je reprenais "la tête" de l'opération ou je ne sais plus quelle bêtise... Ce moment m'avait terriblement gêné et je m'en voulais encore aujourd'hui d'avoir si mal fait ma première impression...

Je récupère Mibu avec une petite tape dans le dos, le raccompagnant vers la sortie:

-Allez Mibu, on va commencer à partir à la pêche aux informations.

Sur ces mots, je sors dehors, avec le jeune homme à mes cotés, commençant à prendre une direction au hasard dans la rue.
Autant récupérer quelques informations directement sur le terrain, en espérant que Bernardette puisse me passer quelques documents pour la nuit blanche que je compte passer...
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J’écoute attentivement le discours du petit, déterminé à suivre sa mère de substitution. Il se dresse fièrement face à moi, comme si j’étais un ennemi ou un type en face duquel il pouvait se tenir ainsi. Bon, ce n’est qu’un gosse, loin de moi l’idée de continuer cette mascarade. Je m’approche simplement de lui, pose ma main sur le haut de son crâne et caresse sa chevelure.

« Il n’est pas question que qui que ce soit s’en aille, mon grand. Tu fais partie de toute l’équipe à présent, alors tâche seulement de rester envie. dis-je avec un large sourire. »

Mais c’est sans compter vers Kardelya qui vient me faire face. Celle-ci semble assez remontée pour une raison qui m’échappe totalement. Elle me murmure ces quelques mots dont je ne comprends le sens, puis je le regarde partir sans rien dire, encore étonné par ses paroles. J’entends seulement cette dernière dire à son compagnon qu’ils partent à la pêche aux informations. Elle connaît le repos ? Non.

« - Qu’est-ce qu’elle t’a dit ?
- Que vous étiez tous des alcooliques et que j’étais incapable de vous gérer.
- Elle est au courant que tu es le pire d’entre nous ? s’interroge Suelto.
- Je le pensais.
- De toute manière, c’qu’une gonzesse, faut pas s’étonner qu’elle nous emmerde de temps à autre. Regardez Maria, il s’passe pas une journée sans qu’elle nous casse les bonbons. Heureusement qu’son Suelty est là pour la calmer. réagit alors Yumi.
- Répète un peu ça pour voir, sale foutue merde alcoolique qu’une foutue mère à chier parce qu’elle n’avait rien d’autre à faire de sa putain de misérable vie… reprend Maria d’un ton assassin.
- Je crois que nous avons compris, Maria. Et pour toi, Yumi, ça sera uniquement Suelto.
- Bon, ok, je crois qu’on a tous un peu trop bu pour ce soir. On a pas mal voyagé, c’est peut-être le moment de dormir un peu… À l’exception de Yumi qui pose ses verres immédiatement, terminez le votre et on décampe. »

Yumi hésite mais pose finalement ses deux verres. D’un cul-sec, les autres terminent leurs verres, les posent, puis prennent la direction de la sortie. Quant à moi, accoudé au bord de la fenêtre, je regarde et écoute ce qu’il se trame dehors. Je cale une cigarette de mauvaise facture entre mes lèvres, que j’allume avec allumette et son grattoir. Bernadette me rejoint. Je lui tend mon paquet de cigarettes, ouvert, dans lequel elle se sert. Je la lui allume de la même manière. Elle tire une première fois dessus.

« - Vous pourriez en fumer de bien meilleures, Ragnar.
- Vous savez, je bouge tellement que je prends seulement ce qui se trouve à ma disposition.
- Un poste fixe ne vous intéresse-t-il pas ?
- Une vie de voyages me plaît plutôt bien. Je n’ai pas particulièrement d’attache, ma famille se trouve être mon équipage, alors bon. Pis la révolution semble préférer me savoir mobile.
- Je me plaisais bien à Parisse, avant que ne survienne tout ce massacre. Cette ville était si magnifique, si vivante. La seule chose épargnée et toujours aussi resplendissante est la campagne que l’on entrevoit d’ici. Beaucoup souhaitent y vivre pour quitter cette lamentable vie. Je pense que l’on ne peut être indéfiniment un voyageur, il arrive toujours un moment où l’on décide de poser bagages et s’installer. Avoir un « chez nous ». Le gouvernement a détruit mon « chez moi ». »

La haine attise la haine.

« - Je vous sens perdu. Une haine inébranlable contre ce gouvernement, mais j’ai l’impression que vous ne savez plus réellement pour quoi vous battre.
- Ceux qui m’ont élevé et qui dirigeaient autrefois cette nation sont morts, mon frère est mort, des tas de camarades sont morts… Je suis à la tête de ce parti, mais à quoi bon ? Je n’ai plus la force de diriger quoique ce soit. Je ne suis même plus convaincue de la pertinence de mes actions. Trop de sang a coulé, Ragnar. Je n’en peux plus.
- Comme convenu, je tenterais de vous épauler du mieux que je le peux, Bernadette. Nous devrions aller nous coucher, non ? Vos journées sont déroutantes et la mienne fut assez longue. Je me mets au boulot dès demain. »

Je la raccompagne jusqu’à l’ascenseur, puis traversant de nouveau la salle de réception, je m’accoude de nouveau au bord de la fenêtre. J’observe calmement Bernadette quitter l’immeuble, marchant sans conviction vers ses quartiers. Autant se le dire, cette guerre a eu raison d’elle. Elle a tout perdu dans cette affaire. Le gouvernement est cruel, tout comme peut l’être la révolution, j’en conviens. Nous avons aussi nos agents, j’ai moi aussi fait des choses moralement peu excusables.

C’est une guerre sans merci entre deux camps qui pensent différemment. Qui a raison ? Qui a tord ? Je n’en sais absolument rien. Je bosse seulement pour le camp qui se rapproche le plus de mes convictions. Quelles sont les convictions de Bernadette ? C’est par là qu’elle devrait commencer pour se reconstruire. L’ignorance, parfois, ça a quand même du bon. Vivre dans un patelin sans histoire où les nouvelles n’arrivent que trop peu, c’est cool. On mène sa vie loin des guerres, loin des effusions de sang, loin des tensions politiques… On vit pour soi et ses proches.

Ma clope finie, je la jette dans le vide avant de me diriger, à mon tour, vers cet ascenseur de malheur. Le long de la descente, je repense à tous les évènements et nouvelles du jour. Puis une petite pensée pour Kardelya qui doit probablement bosser. Je devrais me soucier de sa sécurité, étant donné la situation, mais elle évalue si bien le danger qu’elle risque probablement moins sa vie que moi.

Arrivé au navire, je constate que tout le temps dort à point nommé. Je disais bien qu’ils étaient tous fatigués, c’est normal. Je m’allume une dernière mèche, tranquillement installé sur un transat, sur le pont principal, à contempler ces merveilleuses étoiles au-dessus de ma tête. Cela signifie que demain sera une belle journée ensoleillée ? À cette idée, je m’endors comme un nourrisson, avant même d’avoir pu terminer ma clope, qui se consomme lentement, coincée entre mes doigts.


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-Kardelya? Tu es en colère?

J'ignore si Mibu m'a déjà interpellé depuis que nous étions sortis dehors. J'étais tellement furieuse contre le monde entier que la colère m'assourdissait complètement.

Je secoue doucement la tête, avant de regarder Mibu, un peu perdue:

-Hein?

Je secoue doucement la tête, tapotant le dos du jeune homme, lui souriant doucement:

-Mais non, je ne suis pas fâchée contre toi, rassures-toi. J'apprécie ce que tu as dis tout-à-l'heure.
Concernant les autres, je suis surtout énervée de leur manque de professionnalisme et le fait que Ragnar me fasse la morale sur la raison de ta présence ici alors que son équipage se saoulait complètement à coté... On va dire que le timing était très très mal choisi et j'ai perdu mon self-control....


Mibu secoue la tête:

-En même temps, ils assurent nos arrières, non? On ne devrait pas plutôt entretenir de bonnes relations avec eux, dans le doute ou le cas où nous aurions besoin d'eux?

J'observe un temps le jeune homme, surprise par sa réflexion. Il faisait de base assez mature, par sa manière de se tenir, de s'exprimer, mais il y a des moments où il me surprend toujours.

Je souris de nouveau, hochant la tête brièvement.

-Oui, tu as bien raison.
Allez, il se fait assez tard, mais tâchons d'au moins apprendre à nous repérer dans la ville.
Dés demain, on pourra commencer nos investigations, d'accord?


Mibu répond à mon sourire, avec un signe de tête entendu et on classe tous deux l'affaire, pour se concentrer sur nos repérages.
Lorsque nous revenons à la planque, Mibu et moi avons fais de solides repérages de la "ville révolutionnaire", ayant choisis tous deux de ne pas passer le canal et se retrouver dans la ville "coté Gouvernement", ce qui serait trop risqué, alors que nous n'avons pas d'échappatoires, en cas de problèmes.

Mibu part se coucher de suite, épuisé par le voyage et la marche et pour ma part, je pars en griller une par la fenêtre d'un étage de la planque, observant la ville s'endormir peu à peu...
De ce que j'avais pu entendre, Parisse a divers surnoms, dont la "Ville Grise" ou la "Capitale des Lumières"... Mais du peu que j'ai pu voir, "la Ville Grise" semble bien plus appropriée.
La Révolution et le Gouvernement Mondial n'en sont pas à leur premier coup d'essai, s'étant déjà livrés bataille ici par le passé.
Les habitants semblent pas mal parler du riche passé de la ville, qui était quasiment une ville noble à une époque. Maintenant, la ville est déchirée en deux quasiment et le CP9 se retrouve impliqué dans tout ça. Le Gouvernement Mondial changerait-il de tactique, pour faire les choses plus en finesse, pour limiter la casse et s'approprier la ville, ses richesses quelconques, comme l'industrie?
Ces histoires de coups montés contre la révolution peut montrer que le CP9 cherche à saper "l'autorité" des Révolutionnaires, au profit du Gouvernement Mondial...
Tout ça reste des suppositions, mais je commence à comprendre plus ou moins les choses ici.

Écrasant ma cigarette contre le rebord de la fenêtre et le rangeant avec d'autres, dans une petite boite métallique que je viderais plus tard, je retourne vers ma chambre, pour me coucher et tâcher d'être plus reposée demain.


Dernière édition par Kardelya Koshin le Dim 22 Avr 2018 - 16:08, édité 1 fois
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On aurait pu croire que je serais réveillé par le chant des oiseaux, mais l’odeur de la mort les éloigne probablement de la ville. L’élément qui me réveille aussi tôt dans la matinée n’est autre que cette foutue pluie qui me tombe à la gueule. Quelle idée de s’endormir dehors ! Les autres dorment encore comme des enfants. Et le comble dans cette histoire, c’est qu’on n’a plus de provision. Pas de petit-déjeuner. La journée ne pouvait pas plus mal commencer. Je m’allume une clope et me gratte la tête, comme pour réfléchir à un moyen de m’alimenter.

« Hm… De la visite ? À cette heure-ci ? »

En effet, un petit groupe d’individus et Bernadette approchent du navire. Ils semblent transporter des caisses avec eux.

« - Bien le bonjour, cher collègue. s’exclame joyeusement Bernadette.
- Bonjour, Bernadette.
- Je comptais vous faire la surprise, mais il semblerait que vous ayez le sommeil léger.
- Il semblerait. Que me vaut l’honneur de votre présence ?
- Une clope de si bon matin, vous comptiez commencer la journée sans manger ?
- Disons que…
- Vous n’avez plus de provision.
- Tout juste. dis-je en baissant lamentablement la tête.
- N’ayez crainte, ces caisses contiennent de quoi vous faire quelques petits-déjeuner. Nos invités ne meurent jamais de faim. Vous pourrez profiter des merveilleuses viennoiseries de la ville. »

Des viennoiseries ? Qu’est-ce que c’est ?

J’ouvre dans laquelle se trouvent des clémentines. J’en chope deux avec lesquelles je jongle quelques instants. Ensuite, j’ouvre une seconde caisse dans laquelle se trouvent des espèces de croissants de lune…

« Des croissants. Une des viennoiseries. Goutez. »

Légèrement méfiant, j’en saisis un timidement et le mange. Les premiers instants, je fais mine d’être indifférent, sauf qu’un large sourire se met à s’afficher. C’est délicieux. Je pourrais en bouffer à la pelle. J’en prends deux autres que j’engloutis sans me faire prier. Je comprends l’intérêt que portait Jonas à cette ville. Un des hommes ouvre les autres caisses où se trouvent des pains au chocolat, des chouquettes et des tas d’autres choses… Je pourrais indéfiniment m’empiffrer ici.

« - C’est délicieux. Merci beaucoup !
- Ne me remerciez pas pour si peu. Qu’avez-vous prévu ce matin ?
- N’est-ce pas évident ? Me rendre de l’autre côté de la ligne de front. »

Silence radio. Les hommes se regardent entre eux, ne comprenant absolument pas ma logique. La cheffe des lieux me regarde dans un premier temps en fronçant les sourcils, puis elle se met à rigoler, entrainant également mon rire. Les types sont totalement perdus dans les comportements incompréhensibles de leurs supérieurs.

« Émilie m’avait prévenu. »

Pardon ? Je n’ai même pas envie de savoir ce que cette tarée a pu lui raconter à mon sujet.

« - Cependant, je vous prie de bien vouloir prendre vos précautions. De l’autre côté, c’est enfer à peu près similaire au notre, sauf qu’ils vouent une haine profonde à l’encontre de la révolution.
- Raison de plus pour m’y rendre le plus rapidement possible, héhé.
- Quel genre de fou êtes-vous, Ragnar Etzmurt ?
- Seulement un type déterminé. La paix et l’égalité dans le monde sont nos priorités, non ? Pis je suis sûr que Jonas n’est pas si pressé que ça. »

Je me marre tout seul, ce coup-ci. Ragnar le fou, c’est comme ça que l’on m’appelle visiblement. Je saute du navire pour atterrir sur une barque au pied de celui-ci. J’ai pas beaucoup à ramer. L’autre rive est à cent mètres à peine. On rame bien plus pour avoir une femme. Dos à mon avenir, je regarde ‘Nadette et ses hommes s’inquiéter pour moi. Enfin, l’ancienne princesse de ce royaume ne l’est pas, je le ressens. J’esquisse un léger sourire en voyant une tête sortir de la vigie, celle de Yumi, toujours opérationnel. Il me salue de la main avant de s’écrouler de nouveau.

Lorsque j’atteins la surface, un dernier regard à ma collègue, puis je commence ma journée dans le camp ennemi.

« Attendez-moi pour le souper ! envoyé-je de vive voix avant de disparaître de leur champ de vision. »

Rien d’étonnant à ce que les rues soient identiques à celles de l’autre de côté de La Saigne, ça reste le même architecte. Enfin, je parle des rues comme si elles existaient encore… Ce ne sont que des décombres avec quelques survivants. Et comme de l’autre côté, les gens vivent dans des conditions assez infâmes. L’odeur de pisse dans laquelle j’étais trempé autrefois est plus que présente ici. Les maladies se répandent, des cadavres s’accumulent le long des ruelles.

Un enfant fatigué, frêle, passe devant en transportant médicaments, provisions, pesant probablement plus lourds que lui. Je le suis du regard et alors qu’il continue d’avancer, sa cheville se tord sur un cailloux, tombant avec tout ce qu’il transporte. C’est alors que je me précipite pour le réceptionner avant qu’il n’atteigne, lui ainsi que ses courses.

« - Laisse-moi t’aider, c’est bien trop lourd pour un jeune homme.
- Non ! Puis j’suis fort d’abord !
- Je n’en doute pas. dis-je en esquissant un sourire. Cela dit, j’insiste pour t’aider, je n’ai rien d’autre à faire de ma journée. Tu m’autorises ?
- Si t’as rien d’autre à faire, c’est d’accord. »

Ainsi, durant notre marche, il m’explique que sa mère est malade et que son père semble être souvent absent. J’imagine qu’il effectue des opérations pour le compte de la RIP. Un père qui ne peut s’occuper de sa famille à cause d’une guerre. Voilà pourquoi les guerres ne devraient pas exister, au-delà des dégâts matériels et humains qu’elles produisent. Cet horrible bidonville dans lequel je me rends, en plus de me rappeler des souvenirs, procure en moi un étrange sentiment de doute.

« C’est par là, m’sieur ! »

Le gosse me tire la manche de ma chemise blanche. On entre dans une tente, une femme fiévreuse et à peine capable de respirer est là, allongée en face de moi. Je ne suis même pas certain qu’elle sache que je suis là. Le petit lui murmure à l’oreille que je l’ai aidé et qu’il va pouvoir la soigner avec les médicaments. Honnêtement, j’en doute fortement. Je ne m’y connais pas spécialement en pharmacologie, mais je pense qu’elle ne devrait pas ingérer ce qui compte lui donner.

« - Dis-moi, petit, qui t’a prescrit ces médicaments ?
- Personne. Je les ai trouvé en fouillant dans les poubelles.
- Ahem. dis-je embarrassé en me grattant la tête. Écoute-moi. Garde précieusement ces médicaments, d’accord ? Demain, je reviens avec un médecin qui s’occupera de ta mère. En attendant, occupe-toi seulement de lui mettre des serviettes fraîches et humides, comme tu l’as si bien fait. Rien d’autre. Je peux compter sur toi ?
- Oui, m’sieur ! Et… C’est quoi vot’ nom ?
- Ragnar. »

En prenant un peu plus de hauteur, je réalise qu’il s’agit d’un camp de réfugiés, qui se sont retrouvés pour s’entraider. Pourquoi continuer de se battre ? La situation est identique de l’autre côté du fleuve. Qui a tord ? Qui a raison ? En voyant cela, je ne suis ni révolutionnaire, ni partisan du gouvernement, seulement un être humain qui souhaite aider ses semblables. Je sors un calepin dans lequel je dessine peu à peu un plan de la zone, ainsi que les besoins indispensables. Il faut impérativement prévoir des plans sanitaires, mais je manque cruellement de moyen pour m’occuper de tout le monde.

Je dois rencontrer les représentants du parti.

Pour l’heure, jusqu’à l’heure du souper, mon objectif est d’aider le plus de personnes possible en continuant de dessiner mon croquis. À moindre échelle, l’idéal serait d’aider à la reconstruction d’habitations temporaires, car je sus peu convaincu que des camps de rescapés soient une bonne chose. Au loin, j’entends des coups de marteau… De pauvres personnes tentent désespérément de reconstruire la ville avec les décombres des anciennes bâtisses.

Je retrousse mes manches pour me diriger en direction de ce bruit.




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Le réveil se fait difficilement, alors que je masse mes tempes un moment. Je ne sais pas quelle heure il est, mais j'ai l'impression de me réveiller à midi passé, comme lorsqu'on se dit que l'on a trop dormi... J'imagine que c'est une sorte de "décalage horaire", mixé au fait que je me suis réveillé deux à trois fois dans la nuit, la tête emplie de diverses pensées néfastes concernant Mibu... Oui on peut dire que j'ai fais quelque cauchemars...

Je me redresse après un moment de flottement, m'étirant longuement, avant de sortir rapidement, une fois toilettée et habillée.
Mibu était déjà à pied d'oeuvre, ayant préparé un plan des quartiers que nous avons quelque peu explorés hier, sur les quelques consignes que je lui avais donné.

Me voyant arriver, Mibu me tend la petite carte avec un sourire crispé:

-Bonjour Kardelya!
J'ai essayé de faire un plan de la ville, avec les quelques informations qu'on a eu hier. Tu veux vérifier si j'ai bien fais?


J'observe un moment le jeune homme, perturbée encore par l'image récurrente de mon cauchemar, où j'avais vu Mibu se faire écraser et broyer la tête par une jambe cybernétique...

Je secoue doucement la tête et récupère le plan, l'observant un temps, profitant de cette occasion pour enfouir ce fichu cauchemar sous des tonnes d'informations.
Je prends la plume des mains de Mibu et fais diverses corrections et rajouts du plan, tout en lui expliquant les détails des corrections à chaque fois.
Je pense que nous passons une bonne partie de la matinée et nous nous accordons le luxe de partir manger dans la ville "Révolutionnaire".
De ce que j'avais pu entendre, en faisant un crochet par le bateau de Ragnar, ce dernier était déjà parti de l'autre coté du canal, chez les gouvernementaux. J'aurais dû m'en douter... mais tout seul; vraiment?

Je choisis de rester sur mon plan d'origine, à savoir infiltrer les usines du nord du canal ou au moins chercher quelques informations sur l’industrie de Parisse.
Je retire ma veste et ma cravate, ainsi que mes gants, fichant un peu de poussière et de saleté sur mes vêtements restants, pour paraître un peu débraillée.
Mibu va s’occuper de faire comme nous l'avons prévu: continuer son exploration de la ville Sud et compléter le plan, tout en interrogeant quelque peu les gens.

Passées les quatorze heures, Mibu et moi nous séparons au niveau du canal, le jeune homme faisant quand même un large détour, pour éviter ce véritable charnier.
Je vais porte un coup de main aux quelques gens qui récupéraient les corps, sur le coté gouvernemental et je pouvais au passage constater la grande violence qui sévissait à Parisse. Les corps étaient salement amochés et globalement, les gouvernementaux et les révolutionnaires semblent être "à égalité", en terme de morts...

J'interpelle un type qui repêchait un jeune homme, qui devait avoir seize ans à peine:

-Encore un nouveau carnage... Ils ne peuvent pas chercher à dialoguer, pour changer? Ils attendent que toute la population se soit entre-tuée ou quoi?

L'homme hausse les épaules, crachant par terre:

-Tch! Tu débarques ou quoi? Les révolutionnaires ont pas voulus coopérer, tu le sais bien! Ces sauvages veulent rien entendre et malgré que les gouvernementaux aient quasiment acceptés de vider la moitié des caisses de la ville, pour leur dire de partir chercher une meilleure vie ailleurs, ces monstres ont préférés refuser et dire qu'ils ne s’arrêteront que lorsque la ville sera à feu et à sang!

Il tourne la tête, observant à un regard empli de dédain, de dégoût et de mépris, les sudistes qui repêchaient aussi quelques corps en face, semblant chercher quelque chose dans les poches au passage.

L'homme à mes cotés rugit soudainement, manquant de me faire tomber dans le canal sanglant:

Gouvernemental: HOY, BANDE DE TARÉS!
Vous refusez l'argent du gouvernement et vous détroussez les cadavres à la place!?! Belle mentalité de pouilleux!


La femme en face se redresse brusquement, tenant une carte dans ses mains, vociférant en retour:

Résistante: LA FERME, ESPÈCE DE VENDU! On récupère les identités de nos braves combattants, afin de leur donner une sépulture et un enterrement décent! Contrairement à vous, qui vous contenez de faire des petits tirets pour compter vos morts, on se préoccupe des nôtres au moins!

L'homme gronde, se redresse brusquement, ramassant un pavé au sol et s'apprêtant à le balancer sur la rive opposée. Je saisis fermement son bras:

-Du calme! Te laisses pas manipuler par cette souillure révolutionnaire! Elle cherche à te provoquer, c'est tout!
On est du bon coté et ils ne le supportent juste pas, c'est tout. Détends-toi et retournons à la comptabilité, chose que ceux d'en face ne doivent pas savoir faire, vus qu'ils ne savent pas compter jusqu'à cinq.


Je soutiens le regard furibond du type, qui finit par sourire et ricaner:

Gouvernemental: Hé hé, oui tu as bien raison, ma belle! Je dois pas me laisser faire par ses pourris incultes!

Malgré son calme retrouvé, il se permet tout de même de lever le majeur en direction de la femme révolutionnaire et retourner au travail de "comptage de corps" que j'avais remarqué du coin de l’œil.

Après une bonne heure de repêchage de corps le long du canal, je vais pour partir, lorsque l'homme m'interpelle:

Gouvernemental: Eh, ma belle! Qu'est-ce que tu faisais ici au juste? Le canal est un endroit bien dangereux pour une belle demoiselle comme toi!

M'allumant une cigarette tranquillement, je tire une taffe et expédie la fumée sur le coté:

-Ma famille a préféré fuir le combat par la mer et je me suis enfui avant le départ, préférant rester ici et aider mon peuple.
Quant à ce canal, ça a beau être un endroit putride à souhait, je ne dois aucunement rechigner à la tâche, du moment que je peux rendre service à la cause!


Le gouvernemental reste silencieux un temps, avant d'éclater de rire et de me donner une tape sur l'épaule:

Gouvernemental: C'est bien, c'est un bon état d'esprit que tu as là, ma grande!
Cependant, je te conseillerais d'aller chercher du boulot dans les usines navales du Nord-Est. On a besoin de main-d'oeuvre pour retaper nos navires, maintenant que l'on a le support du Gouvernement Mondial.


Je hausse un sourcil, intriguée. Des navires à retaper? Il y a eu des batailles navales aux environs de Parisse? Je n'ai pas posé la question, ayant plus ou moins compris que le combat était surtout terrestre... Et le Gouvernement Mondial aide à la réparation?
Je m'incline devant l'homme, avec un sourire:

-Merci infiniment pour l'offre, j'y vais de ce pas. Tant que mon aide peut contribuer à botter les fesses des révolutionnaires, je suis partante!

Le gouvernemental éclate de rire, m'adressant un signe de la main auquel je réponds brièvement, alors que je partais directement vers cette fameuse usine navale... Par contre... je pense que je vais devoir brûler ma chemise, après que cette pourriture m'ait touché...
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J’ai beau avoir mené des combats jusqu’aux portes de la mort, je dois admettre qu’une journée honnête de travail est assez éprouvante. Il est bientôt l’heure du souper, tout le monde cesse son activité pour y retrouver les siens. En prenant la température, j’ai constaté que leur haine envers la révolution est bien là. De l’autre côté, c’est pareil. Pour rassembler ce foutu peuple séparé, ce n’est pas de quelques semaines dont nous avons besoin, il s’agit là probablement d’années. Il est temps pour moi de retourner au navire.

« - Ragnar ! m’interpelle un des ouvriers.
- Tu as bossé dur aujourd’hui, viens donc boire un coup avec nous.
- Une autre fois, peut-être. Je ne suis même pas certain d’avaler quoique ce soit tellement la fatigue est présente.
- Force-toi, mon grand. Si tu ne reprends pas tes forces, on risque de te ramasser comme nos excréments que l’on jette sur la Saigne. Pas vrai les gars ? »

Et voilà qu’ils se marrent. J’aurais préféré ne pas savoir cette dernière nouvelle concernant la propreté du fleuve. Je plains les pauvres poissons - s’il en existe encore dans cet eau polluée - qui vivent et se nourrissent de cadavres et de merdes humaines. Malgré tout, ces types sont bonnards. Je ne les vois absolument comme des ennemis ou des personnes malfaisantes, seulement des types qui veulent reconstruire leur portion de la ville et vivre correctement. Et qui vouent une haine envers la révolution, et, simplement parce qu’on leur a fait croire que c’était de leur faite.

Ces types sont également des victimes dans cette histoire.

Discrètement, je me rends vers ma barque stationnée sur une zone peu visitée des quais, puis je rame de nouveau jusqu’à l’autre rive, aux pieds de mon navire. Il n’y a personne à l’intérieur. Nul besoin de chercher bien longtemps, puisqu’une cinquantaine de mètres plus loin se trouve un dirigeable stationné où semble ressortir un boucan monstrueux. Des rires, des cris, des casseroles qui s’entrechoquent… Qu’est-ce qu’il se passe ? À quelques pas du dit engin volant, je passe à côté d’une voiture en bon état. Je rêve d’en conduire une un jour.

Deux types aux ordres de Bernadette garde l’entrée du dirigeable, puis reconnaissant ma tronche, bien que méconnaissable par la fatigue, ces derniers me laissent entrer en me saluant par la même occasion. Je leur réponds d’un simple geste amical de la main. Je monte ensuite des petites marches sur ma droite, donnant accès à une énorme sale de réception où sont dressées pleins de tables rondes, avec un grand bar au centre pour servir des cocktails. Au fond de cette salle probablement la cuisine, d’où je vois sortir un cuistot, probablement le chef, qui se dirige vers une table où je vois… toute cette misérable bande d’alcooliques. Avec Nadette et deux autres personnes dont je ne connais les identités.

« Oh ! Mais qui voilà ! Vous devez être ce bon vieux Ragnar ? dit le gros cuistot en s’apercevant de ma présence. »

Joyeux, il s’approche rapidement de moi. Sauf qu’armé de son couteau de cuisine, ce dernier trébuche sur un pied de table et ne manque pas de traverser. Heureusement, j’aurais sinon été poignardé. C’est alors que je réalise mon erreur. En effet, le couteau en main, cet homme peut se perforer lui-même de sa chute. Je me retourne alors et le saisis in extremis avant l’impact avec le sol. Il pèse bien son poids le cochon.

« Oh ! Merci bien mon brave. Vos réflexes sont très bons. Joli logia au passage. »

Un peu trop serein pour un simple cuistot.

« Je vous en prie. Installez-vous auprès de vos camarades et de nos convives. »

Je m’approche de la table, plus grande que les autres pour l’occasion, où mes camarades ne manquent de se faire remarquer.

« - Tu es en retard. déclare Suelto.
- Tu es sale. reprend Maria.
- Tu manques cruellement d’élégance avec ces vêtements de travailleur. poursuit Marcel.
- Tu…
- Yumi. Un mot de plus et vos corps morts finiront dans le fleuve où tout le monde chie. »

Un blanc s’installe.

« - Ahem. Ragnar, je te présente Louise Barnaud et Pierre Gabroche, tous deux portes-paroles de la RPP.
- Un plaisir pour nous de vous rencontrer, Ragnar. enchaine le dénommé Pierre.
- Enfin, peut-être, un souffle d’espoir. poursuit Louise Barnaud.
- Votre confiance me touche. Cela dit, la situation est bien plus dramatique que je ne l’imaginais. Que ce soit de côté-ci de la rive ou de l’autre, les gens sont malades, vivent dans des conditions précaires et se haïssent à travers un mensonge… Vous devriez rencontrer les représentants de la RIP.
- Et que penses-tu ? Ils refusent de nous voir malgré nos propositions. Ce foutu Lucius Starling refuse de nous recevoir.
- Qui est ce Lucius ?
- Le chien de garde garde du chef, le lieutenant de Marthus.
- Je présume que Marthus est le chef de la RIP ? J’ai commencé un repérage des lieux et un plan assez simplet. »

Tout le monde écoute attentivement, même Yumi à moitié bourré.

« - Pour faire simple, je me suis rendu de l’autre côté de la rive. Je ne suis ni partisan de la révolution, ni partisan du gouvernement. J’aide seulement mes semblables. Bien sûr, je compte bosser comme un dingue et ainsi répandre mon nom dans la ville. Naturellement, j’imagine que la RIP à son réseau d’informateurs et bien que ma prime soit ridicule, je ne doute pas de leur compétence à savoir qui je suis vraiment.
- Et ils te buteront. Encore un super plan. dit Suelto en applaudissant.
- Assassiner celui qui aide le peuple ? Plus encore que leurs propres chefs ? Leur quote de popularité risque d’en prendre un sacré coup. Alors non, ils ne me tueront pas, puis qu’ils essayent déjà. dis-je en esquissant un sourire. »

Je m’allume une de mes vieilles cigarettes.

« Ça fait du bien après une bonne vieille journée de merde. »

Installé sur une chaise, je laisse tomber ma tête vers l’arrière, laissant presque mes longs cheveux atteindre le sol. Je tire deux lattes et je me redresse.

« Ils ne me tueront pas mais chercherons à savoir ce que je fous. Et là, ils essayeront de prendre contact d’une manière ou d’une autre. »

‘Nadette, Pierre et Louise se retournent alors vers le cuistot.

« Ragnar, je te présente Hubert Rabeau. Je le connais plutôt bien puisqu’ils nous recevaient autrefois, avant que tout cela ne parte en vrille. Maintenant, c’est celui qui nous sert d’intermédiaire entre les deux camps. On peut donc supposer qu’ils transmettront un message grâce à Hubert. »

Je le regarde d’un air fatigué, mais aussi intrigué qu’un tel gus puisse avoir un tel rôle.

« - Dites, Hubert, cette carcasse peut-être utilisé comme lieu de rencontre ?
- Et comment !
- Parfait. S’il doit y avoir une rencontre, celle-ci se fera sur cet aéronef, au niveau de la ligne de Front et donc en terrain neutre. »

Je me retourne alors vers mon équipage.

« - Des nouvelles de Kardelya et du gosse ?
- Pas de nouvelle, bonne nouvelle, c’est ça ? dit Maria en s’allumant une mèche.
- Yumi ? Bien que constamment bourré, tu es celui qui voit tout à bord. demandé-je en fronçant les sourcils.
- Oui, captain ! Elle est partie sur les coups de quatorze heures ! »

Dans quel merdier s’est-elle fourrée ? Le nouveau monde n’est pas une cour de récréation, bon dieu !



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Le trajet fut bien paisible, par rapport à l'idée que je me faisais d'un champ de bataille. Les combats doivent vraiment être situés dans une zone bien spécifique, à savoir le canal. Contrairement à la zone Sud, les habitations du Nord sont d'avantage épargnées par les affrontements et les gens vont et viennent plutôt paisiblement dans la zone.
Malgré tout, on sent un gros changement d'ambiance entre les deux quartiers. Les révolutionnaires ont l'air plus "libres", avec les gens qui vont et viennent librement; mais les gouvernementaux semblent plus "sérieux", avec diverses patrouilles de gardes qui circulent un peu partout dans la zone, venant de temps à autre aux gens dans le besoin, mais insistant surtout sur la surveillance et la protection des zones. Parfois, je les vois fouiller quelques maisons, sans doute à la recherches d'infiltrés révolutionnaires.

Pour limiter les soupçons, je récupère une caisse de matériel dans un coin, jouant finalement à la coursière d'un coin à l'autre du quartier gouvernemental. Une personne participant à l'effort collectif est moins suspecte qu'une personne se baladant nonchalamment dans le quartier, mains dans les poches.

Du coup, le trajet jusqu'au chantier naval est entrecoupé de divers détours et je me retrouve finalement à ce fameux bâtiment à la tombée de la nuit, vers dix-neuf heures, trop tard pour penser à fouiner dans la zone. Cependant, j'ai pu avoir un léger aperçu des transits de marchandises qui passaient d'un coin à l'autre du quartier. En jouant un peu avec ces transits de marchandises, je pourrais approcher du chantier et découvrir en prime ce qui se transporte dans les caisses à destination de cet immense hangar... qui semble d'ailleurs bien gardé au passage?
Au détour d'une ruelle, en déposant une caisse au pied d'un bâtiment, je vois deux entrées sur chaque coté du mur que j’appellerais "mur Sud", avec un garde armé d'un fusil devant chaque entrée. Il me semble même apercevoir une ombre ou deux sur le toit du hangar.

Je n'insiste pas et repars vers la planque, profitant de l'obscurité naissante pour me faufiler dans diverses ruelles au pas de course feutré et rapide. C'est d'ailleurs intéressant de noter ce dédale de ruelles, dans lequel je m'oriente très brièvement, fonçant dans une direction au hasard, stoppant et observant chaque coin de rues, pour éviter de tomber nez à nez avec une patrouille.
Je finis par déboucher sur le canal, devant quand même le longer quatre bonnes minutes, pour retrouver le pont que j'avais emprunté en début d'après-midi.

Avant de rentrer à la planque, je passe par les cinq "étapes" définies par Mibu et moi, dispersées dans la ville Sud, je retrouve le jeune homme dans un coin de l'étape trois, le chapeau empli de quelques Berrys, rangeant son violon dans son étui dorsal et se précipitant vers moi en me voyant arriver.

-Je n'ai pas beaucoup d'informations nouvelles, par rapport à ce que l'on a pu entendre hier, mais j'ai une idée plus précise de l'ambiance de la ville Sud et des tensions entre les deux cotés.
Et de ton coté, Capitaine?


J'allume une cigarette, chose que je me suis gardée de faire, une fois terminé mon travail au canal, tirant une taffe et soufflant la fumée du coté opposé de Mibu.

-Sensiblement la même chose que toi. J'ai cependant eu vent d'un étrange bâtiment, mais mieux vaut en parler avec les locaux, une fois rentrés.

Mibu et moi repartons vers la planque, le jeune homme distribuant l'argent à quelques gamins qui arpentaient les rues, à la recherche de choses à manger dans les poubelles.

Mon matelot et moi-même finissons par rentrer à la planque sur les coups de vingt-et-une heures, faisant un signe de la main à Ragnar et son équipage:

-Bonsoir tout le monde.
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Ah ! La voici enfin.

« Tu tombes à pique ! »

Je lui poserais des questions plus tard.

« - Concernant demain, j’aurais besoin de Robert, Suelto, Maria, Yumi et Marcel..
- De tout le monde, quoi. dit Marcel en allumant sa pipe.
- De tout le monde, oui. Robert et Maria, vous ferez le tour du bidonville pour vous occuper des malades.
- Ça m’rappelle les grandes guerres du passé, hùhù. répond le vieux médecin en ressassant de vieux souvenirs.
- Yumi, Marcel, Suelto et moi nous chargerons d’aider aux constructions ou toutes autres choses.
- Enfin un peu d’action ! s’exclame Yumi.
- L’alcool est proscrit. C’est compris, connard ?
- Oui, captain !
- Nous pouvons passer à table, mon cher Hubert ? Le même boulot nous attend ce soir de ce côté-ci de la ligne.
- GNIEEEENNNN !? hurle toute l’assemblée. »

Comme je le disais, les deux côtés ont subi des dommages sans précédents. Opération séduction oui, mais il est hors de question que je délaisse nos partisans pour autant. Au lieu de passer leur soirée à picoler, ils pourront utiliser leur temps libre pour faire quelque chose d’utile. Le pire dans tout ça, c’est que nos actions n’auront pour effet que d’atténuer légèrement le conflit entre les deux partis, pas de l’arrêter définitivement. Intérieurement, je rage car ce n’est pas une vie. Se battre, survivre, mourir des mains de l’ennemi ou mourir de maladie… C’est le destin qui attend chaque individu ici.

Les serveurs arrivent les uns après les autres, à bonne allure, tous accompagnés de grands plats qu’ils posent sur la table en prenant de retirer le couvercle. S’en suit l’odeur parfumé des poulets qui s’étale dans toute la pièce. Le vin coule à flot, les langues se délient et l’ambiance est bien plus détendue qu’auparavant. C’est agréable. Après toutes ces abominations vues dans la journée, c’est plaisant de retrouver des proches et de rigoler un bon coup. Surtout que j’ai un passif de bon vivant avant d’ avoir ces foutues responsabilités… Mais ça ne m’empêche de passer du bon temps quelques fois.

Le regard tourné vers Kardelya, assise à côté de moi.

« Alors ma chère, qu’as-tu fait de ta journée ? »

[•••]

Ainsi s’achève le repas, sous cette bonne et chaleureuse ambiance, qui a probablement fait du bien à toutes ces personnes. Faut dire que mon équipage est tout ce qu’il y a de plus vivant. Marcel, probablement celui qui a le plus de bouteille dans l’équipage, s’improvise chanteur de pub. Yumi, grand ivrogne de cette fine équipe, à moitié nu, chante à tue-tête par-dessus Marcel, pour son plus grand malheur, en feintant une performance de guitariste avec son épée. Sombre connard. Suelto, plus intellectuel que nous autres, discute probablement de projets utopiques avec Gabroche et Barnaud. Bref, on s’en branle. Tout comme Robert et Maria qui discutent déjà des différents médicaments à préparer et à administrer en fonction des différentes pathologies.

« - Allez, bande de connards, c’est l’heure de bosser !
- On te rejoint. répond calmement Suelto, continuant sa discussion avec ses compères.
- J’termine la bouteille et j’suis à vous, captain ! Hic ! poursuit Yumi.
- Tu peux rester là, sac à merde. »

Comme d’habitude, on ne m’obéit pas directement et je suis obligé d’attendre comme un pauvre bouffon. J’attends que Suelto termine sa discussion, que Maria et le vieux aient terminé leur putain de liste et que les deux connards restants cessent de se battre. En bref, je me retrouve à sortir seul de cet appareil volant. Dieu merci, Bernadette me rejoint rapidement.

« - Tu n’es pas obligé, Ragnar. On tente de s’en occuper.
- Il ne s’agit plus de tenter, Bernadette. Je conçois que vous manquiez d’effectif et qu’il est difficilement possible de subvenir aux besoins de tous, en plus d’assurer leur protection.
- …
- Assurez la sécurité, mes hommes et moi nous chargeons du reste. C’est peu de chose, mais ça donne l’espoir et l’espoir fait vivre. »

Dans la foulée, les autres me rejoignent. La cheffe de la RPP nous regarde nous aller à notre mission de la soirée. Ainsi, jusqu’à minuit, nous tentons de subvenir aux besoins des plus démunis. J’ai l’impression de réaliser une mission humanitaire, enfin c’est plus le cas et c’est pour ça que je fais ce boulot, mais ça change de tout ce que j’ai pu réaliser auparavant. C’est là que je remets en cause tout ce que j’ai pu faire avant. Quel crétin !… Ce fruit maudit me rend peut-être meilleur finalement, ou du moins plus autonome intellectuellement.

[•••]

Le lendemain matin, un peu après l’aube, je réveille tout le monde. Enfin, seulement Yumi, les autres l’étaient déjà.

« - Merde ! Je suis complètement bousillé. Pire qu’un lendemain de soirée.
- La ferme. Habille-toi. Mange. Rejoins-nous. Je t’entends beugler, tu meurs. Tu râles, tu meurs. Tu prends ton temps, tu meurs. Tu bois autre chose que de l’eau, tu meurs. Me suis-je bien fait comprendre, sombre merde ?
- Oui, captain ! T’as passé une… Gueurk ! »

Une giclée d’encre dans la bouche, ça le fera taire. Suelto, bien qu’amusé, me reproche d’y être allé un peu fort. Cela dit, il reconnaît lui-même que ça a le mérite de bien fonctionner, l’alcoolique nous attend silencieusement sur la barque. Il boude un peu visiblement. Il nous faut maintenant ramer jusque l’autre côté de la rive. Maria ne veut pas abimer ses ongles, Robert se dit trop vieux, Marcel doit apparemment nous guider, Yumi boude et je comprends au regard de Suelto que je n’en retirerais rien. Alors je rame en leur souhaitant une mort lente et douloureuse.

Puis heureusement qu’il ne me faut pas longtemps pour traverser ce bout de fleuve. Il faut bien un homme fort dans un équipage. Donc on y parvient assez rapidement, entrainant par la suite notre arrivée à l’espèce de bidonville repéré la veille. Personne ne me connait encore, si ce n’est les quelques travailleurs et le petit enfin rencontrés la veille. J’ai volontairement emporté avec moi un porte-voix. Je prends de la hauteur sur des caisses empilées, puis j’inspire un bon coup.

« Bonjour à tous ! Mon nom est Ragnar. Mes camarades et moi-mêmes sommes là pour vous administrer des soins et vous aider autant que nous le pouvons. Cette jolie demoiselle et ce vieil homme bien entretenu pour son âge, dis-je en les pointant du doigt., vont passer dans les différentes tentes s’assurer que votre santé n’est pas engagée. Ils ne sont que deux, alors ça prendra effectivement du temps. Pour toute autre chose, mes compagnons et moi sommes à disposition. »

Et là, bien sûr, les sollicitations accourent. De tentes minables, on essaye d’en faire des espèces de cabanes étanches. Là au moins, ils seront à l’abri de la pluie. La veille, j’ai appris pas mal de choses dans le bricolage, alors j’arrive à m’y mettre bien plus facilement. Tout le monde met la main à la patte et heureusement, car il y a énormément de boulot. À l’heure midi, Mokthar, mon cuisinier, accompagné de son équipe de cuisine et de quelques volontaires du camp, préparent à manger pour tout le monde.

Tant de travail pour seulement une portion de la ville. C’est un enfer. Les services d’information du RIP savent probablement déjà que je suis ici et qui je suis. Envoyer d’autres hommes révolutionnaires, c’est les envoyer à la morgue. C’est pourquoi je me limite qu’à mon équipage. Dans les grandes lignes, ce que nous faisons n’est qu’une opération séduction, même si ça compte réellement pour nous. Je ne dis pas que la haute sphère de la RIP ne fait rien pour son peuple, mais étant donné nos bonnes actions, difficile de nous abattre devant ce peuple en recherche d’espoir.

Pour l’instant, je suis au moins assuré de ma sécurité et celle de mes camarades. J’imagine très mal un assaut en plein milieu de toutes ces personnes. On pourrait facilement prouver que j’appartiens au camp révolutionnaire, notamment avec ma prime, mais cela pourrait jouer en leur défaveur étant donné que j’aide toutes ces personnes. Les révolutionnaires ne sont pas si méchants, se diront peut-être toutes ces personnes. Une utopie que je m’imagine encore. En levant les yeux vers le ciel, j’aperçois l’aéronef qui traverse la ville. Ça, voyez-vous, c’est plutôt bon signe.

Nous verrons ce qu’il en est en cette fin de journée.

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Décidément, Ragnar et son équipage semblent toujours occupés à manger, boire et faire la fête... J'imagine qu'ils ont besoin de décompresser beaucoup après leur mission, qui semblait consister à venir en aide aux sinistrés.
Pour demain, ils font la même, en changeant de coté du canal. Je suppose que c'est une manière comme une autre de gagner la confiance des habitants. Le CP9 ne semble pas se donner cette peine, de ce que j'ai pu voir, du coté gouvernemental du canal. Soit ils se contrefichent vraiment de la population, soit ils estiment être hors de portée d'un soulèvement de la population, de par une grande puissance ou un quelconque plan.

Je réfléchis un moment à la question de Ragnar:

-Hum... Je suis tombé sur un hangar assez bien gardé coté gouvernemental, où il serait question de réparations de bateaux, mais j'attends d'avoir plus d'informations sur l'endroit.
Sinon, le CP9 et compagnie semblent êtres très discrets et personne ne parle dans la rue "d'étrangers" dans le secteur ou chez le dirigeant de Parisse.


De ce que Mibu a pu m'expliquer, la tension est très palpable entre les deux camps et les affrontements réguliers entre ces deux derniers en est un très bon exemple.
Cette ville est une vraie poudrière et chaque nouveau mort est une nouvelle goutte d'essence versée dans tout ça. Je me demande vraiment quel va être l'étincelle qui va tout faire sauter...

Je laisse Ragnar et son équipage préparer leur sortie de demain, passant le reste de la soirée à poursuivre les plans avec Mibu, répétant encore une fois nos divers "plans d’évacuation", en cas de problème.

Le lendemain, à l'aube, je pars de mon coté, Mibu continuant à circuler dans le coté révolutionnaire. Je passe le pont traversant le "canal sanglant", observant un temps le repêchage des corps, qui semble être une tâche quotidienne.
Je passe cependant bien vite et commence mon plan, qui consiste à apporter mon aide avec les divers transports de marchandise et d'outils d'un bout à l'autre des quartiers. Visiblement, le gouvernement n'aide pas beaucoup à la reconstruction et à l'approvisionnement et les habitants se débrouillent entre eux comme ils peuvent.
Du coup, ma présence arrange grandement le peuple et je passe la matinée à transporter des caisses et outils de gauche à droite, jusqu'à la pause déjeuner que je passe avec une femme et son enfant, un jeune garçon qui devait avoir dix ans environ.

Grignotant mon sandwich, je lance la conversation tranquillement:

-C'est frustrant que les autorités ne se bougent pas et nous laissent nous débrouiller tout seuls. On a bien assez à faire, à surveiller le canal et à réparer les dégâts causés par ces anarchistes.

La femme reste silencieuse un moment, veillant à ce que son fils mange entièrement son repas:

Femme: Miss Beyond nous a fait savoir, il y a quelques jours, que Monsieur Enricks veillait à la sécurité de son peuple et qu'il consacrait l'ensemble de ses ressources à cette tâche.
Mais, il est vrai aussi qu'avec les attentats perpétrés par ces maudits révolutionnaires, le gouvernement doit se sentir débordé, surtout que le Gouvernement Mondial se refuse à nous aider.


Miss Beyond... Il me semble que c'est une ancienne chanteuse d'opéra et qu'elle est maintenant la "voix" du chef de la République de Parisse Marthus Enricks.
Les gouvernementaux s'efforcent donc quand même de maintenir le contact avec le peuple, mais uniquement par la parole et non par l'acte... Soit ils laissent leurs soldats faire la basse besogne et aller au suicide sur les révolutionnaires au canal... Soit ils préparent quelque chose... Ah, c'est complexe cette histoire... Le fait de se retrouver face au CP9 rend les choses bien complexes, cette organisation étant une des plus douées des Services Secrets du Gouvernement Mondial, pour l'infiltration et l'assassinat... Et il y a aussi l'inconnue de ce "Mandrake" dont parler sans arrêt Ragnar...

Une fois le repas terminé, je prends congé de la mère et de son fils, repartant du coté du hangar naval aperçu hier.
Je refais le même manège qu'hier, à savoir aider la population et transporter du matériel à gauche à droite.
Les heures défilent sans grand intérêt, jusqu'à seize heures, où un étrange événement se produit.
Retapant un mur avec deux personnes, je vois passer dans la rue un chariot tracté par deux chevaux et une femme en uniforme à son bord, avec deux gardes à l'avant et à l'arrière du convoi.
Les gardes semblent nerveux et regardent fébrilement à gauche à droite, fusils en main et semblant prêts à tirer à la moindre menace...

Une explosion assez proche se fait entendre, faisant trembler un temps le sol et les cheveux du convoi se mettent à paniquer quelque peu et à se cabrer, en hennissant.
Les gardes braquent leurs armes vers une ruelle proche, semblant craindre un assaut et ils commencent à se déployer, alors que la cochère cherche à calmer ses bêtes.
Un cheval rue et donne un coup de sabot sur le chariot, faisant vivement trembler et tressauter ce dernier, la trappe de l'arrière cédant et laissant tomber une caisse qui se fracasse quelque peu au sol, laissant échapper son contenu. Je vois alors, avec diverses étoffes le calant dans la caisse, un étrange tuyau jaune, avec le bout incurvé et quelques bris de verre s'en échappant.
M'approchant et faisant mine de remettre en état la caisse, j'observe plus attentivement le tuyau, remarquant une sorte de lentille en verre fracassée, dans l'embout du tuyau... Bizarre...

Un cri me fait sursauter, alors qu'un garde se précipite vers moi, me braquant avec son fusil:

Garde 1: Reculez tout de suite, citoyenne! Tout de suite, sinon je vous abats!

Je me redresse et recule "précipitamment", les mains en l'air, une expression feinte de terreur et stupeur sur le visage, secouant vivement la tête de gauche à droite:

-Je... Désolée... Je voulais juste vous aider...

Un autre garde arrive et baisse l'arme du premier garde:

Garde 2: Calmes-toi! Récupérons le matériel et ne perdons pas d’avantage de temps!
Quant à vous, citoyenne, si vous voulez aider, tâchez plutôt de partir devant nous et d'ouvrir la voix jusqu'au hangar du Nord-Est! Nous sommes très pressés et on n'a pas besoin d'être interrompus comme ça!


Je m'incline aussi précipitamment devant le garde:

-Je... Bien, j'y vais de ce pas!

N'insistant pas d'avantage avec ces gardes qui semblent être bien nerveux et avoir la gâchette facile, je pars sur la route du Nord-Est, intervenant à quelques reprises sur le chemin, pour déplacer des gens, du matériel obstruant le passage, jusqu'au hangar naval aperçu la veille et le chariot étant carrément sur mes talons.

Le garde ayant empêché son copain de me plomber passe devant moi avec un signe de tête:

Garde 2: Bien, merci citoyenne. Et désolé pour tout-à-l'heure. On transporte d'importantes cargaisons et on ne peut pas se permettre de se faire agresser par ces chiens révolutionnaires.

Je m'incline avec un sourire "gêné" devant le garde:

-Ce... Ce n'est pas grave. Tout ce qui peut aider Parisse à bouter la vermine révolutionnaire hors de ses terres est bon à prendre.
Je vais prendre congé de suite.


Laissant le garde rejoindre son convoi, après m'avoir adressé un sourire, je reste sur place un temps, feignant de farfouiller dans mon paquet de cigarettes et de me bagarrer avec mon briquet, j'observe du coin de l’œil la porte du hangar s'ouvrir de l'autre coté de la petite place où je me trouve.
Je peux rapidement apercevoir une armature de bateau... et des plaques d'acier sur une partie de la coque?
Je n'insiste pas, les sentinelles du hangar commençant à voir un peu trop intensément dans ma direction, partant vers les habitants les plus proches que je voyais, tirant une taffe et expédiant la fumée en l'air...

Le soir venu, je repasse le canal, après avoir fais un tour du coté de l'explosion de cet après-midi, avec une épicerie qui avait explosé, avec un colis piégé apparemment...

Une fois à la planque, ayant récupéré Mibu au passage, je griffonne de mémoire le tuyau jaune incurvé sur un bout de papier, le passant à Ragnar et à son équipage.

"Tuyau mystérieux":

-J'ai aperçu ça dans un convoi gouvernemental à destination d'un hangar naval, au nord-est de la ville gouvernementale.
Les gardes du convoi semblaient bien nerveux et semblaient tenir à cet objet.
J'ai aussi vu l'intérieur du hangar rapidement et ils semblent renforcer une coque de bateau avec des plaques de métal ou d'acier.
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Ragnar par-ci, Ragnar par-là… C’est trop. Au moins, je suis assuré qu’ils connaissent tous mon nom et qu’il se répand. Du monde afflux de toute la ville, cherchant à recevoir de l’aide. Malheureusement, on manque cruellement d’effectif et il faudrait que les plus en forme prennent l’initiative de monter des groupes pour secourir leurs semblables. J’imagine qu’il existe des regroupements du même type dans toute la ville.

La journée touche à sa fin, on fini de régler quelques babioles, de soigner quelques malades supplémentaires, mais nous allons devoir rentrer rapidement. L’aéronef du vieil Hubert vient encore une fois de passer au-dessus de nos têtes. Je suis quasiment certains que des informateurs de la RIP ont été présents toute la journée. D’une part parce que c’est légitime, d’autre part que j’ai ressenti des sentiments légèrement différents des autres, moins dans la détresse…

Mes hommes nous regroupons, puis partons en précisant que nous reviendrons dans la mesure du possible. Ils ne savent qui nous sommes, je maquille les réponses aux questions qu’ils me posent. Je dis seulement que je n’appartiens à aucun parti, que j’habite dans un coin reculé et que je n’oeuvre seulement pour le bien des habitants de Parisse, sans distinction de camps. Certains s’offusquent naturellement, mais je ne peux vraiment leur expliquer que le CP9 est responsable de cette situation. Ça dépasserait tout entendement pour eux.

Alors je me contente de deux dire que les chefs des deux partis ont leurs tords et que ce sont les habitants comme eux, comme ceux de l’autre côté de la rive, qui en payent le prix fort de leur vie et de leur existence en tant qu’Homme. Et là, bizarrement, c’est déjà plus compréhensibles pour eux. Et puis, c’est pas totalement faux ce que je leur dis, finalement. Bref, je leur promet de revenir dans la mesure du possible, car rien n’est moins sûr.

On traverse de nouveau des parcelles de rues, jusqu’à atteindre ce petit bout de quai isolé où est stationnée notre barque. Tout le long, un type nous a suivi. Alors que tous ont embraqué, je reste légèrement en retrait.

« Nous ne sommes pas là contre vous, mon cher. Crois-moi que tu serais déjà dans le cas contraire, dis-je en tournant le regard vers ce dernier encore caché derrière un muret en piteux état. »

Puis j’embarque à mon tour.

[•••]

Quelques minutes plus tard, à bord du restaurant volant d’Hubert.

« - Eh bien mon cher Ragnar ! Ton nom est apparu dans plusieurs rapports aujourd’hui. Les hautes instances se demandent bien ce qu’un révolutionnaire de ta trempe fait ici dans le camp ennemi. Tu étais d’ailleurs stratégiquement inatteignable mais je te déconseille de reproduire la même chose demain.
- Je m’en doutais.
- Néanmoins, malgré les réticences de Lucius, le chef de la RIP est plutôt pour une rencontre entre les deux camps. Faut croire que tes actions ont touché son coeur éteint depuis bien longtemps. L’espoir, Ragnar, c’est de ça dont tu parlais la veille. L’espoir, quel fabuleux pouvoir !
- Ragnar le « porteur d’espoir », hein, s’amuse Suelto. On est bien loin du type qui ne pensait qu’à se battre. Tu es un nouvel homme depuis Jaya.
- L’espoir doit permettre aux individus de se battre, de ne pas se laisser mourir. L’espoir n’est pas un remède, c’est simplement un médicament qui masque temporairement la douleur. Le remède, c’est toi, Bernadette, toi, Gabroche, toi, Louise, dis-je en les pointant du doigt chacun leur tour.
- Vous devez signer une armistice, c’est la seule solution ! Cette situation ne peut perdurer, s’insurge le vieux Robert. Vous êtes tous tellement concentré dans l’espionnage, le contre-espionnage, la sécurité, la contre-attaque, que vous délaissez tout le reste. Ces pauvres citoyens de Parisse vont tous mourir, vous y compris ! La ville pue la mort, la pisse, la maladie…
- Ce que veut dire le vieux, reprend Suelto, c’est que les deux partis doivent impérativement discuter. »

Et Hubert, jouant avec son couteau pour le plus grand malheur de tous, reprend la parole.

« - Demain midi, grand repas organisé sur mon aéronef avec tout le monde !
- Qui « tout le monde » ? demande Bernadette.
- Toi, Gabroche, Louise, Ragnar, Lucius, Marthus, la charmante Erica Beyond et François De Goal.
- François sera donc là aussi…
- Un problème ? demandé-je.
- François travaillait au service de la royauté autrefois, il était commissaire et c’était probablement le meilleur élément de la police. Il est maintenant au service de la RIP et n’a pas voulu suivre Bernadette. »

Cette guerre a séparé des familles, des amis, un peuple entier…

« - J’aimerais que Kardelya vienne avec nous, Hubert.
- J’imagine que c’est possible dans la mesure où elle se fait discrète.
- La discrétion ? C’est justement sa spécialité. N’est-ce pas, Kard’ ? envoyé-je accompagné d’un clin d’oeil. »

Tous les regards se portent à présent vers cette dernière. Son histoire de tuyaux m'interpelle assez. Nous verrons tout ça demain, en compagnie de nos partisans gouvernementaux. Pour l'heure, ce qui est prévu, c'est simplement de s'empiffrer, rigoler un peu, puis retourner aider nos confrères. Et étrangement, tous ont décidé de nous aider ce soir. Gabroche ne comprend pas pourquoi est-ce qu'il ne l'a pas fait la nuit passée et Louise était une travailleuse autrefois, alors c'est normal pour elle d'aider ses anciens collègues. Tellement de kilomètres à arpenter et si peu d'effectif...

[•••]

Celui qui me dit que les journées ne se ressemblent pas est un menteur. On se lève, on traverse le fleuve, on aide le peuple, on revient de l'autre côté du fleuve, on bouffe et faisons nos rapports, on rigole, puis on retourne bosser avant de dormir. La soirée de la veille fut également fructueuse, nous avons bien bossé ou moins remonté le moral des habitants. Partiellement du moins.  Mais aujourd'hui, c'est une toute autre mission qui nous attend. Il est temps pour nous de préparer la rencontre avec l'autre parti.

Tout en continuant de suivre la scène, nous devons nous rendre en périphérie de la vie, quasiment dans les campagnes. Des plaines à pertes de vue, aucune embuscade possible. C'est un peu le but de la démarche. L'aéronef nous attend aux coordonnées indiquées par le vieil Hubert et, en face de nous, se trouvent les personnalités que nous allons rencontrer. Une barque de chaque dans laquelle nous montons, puis deux échelles, une pour chaque parti, que nous empruntons également pour monter. Et lorsque nous sommes tous à bord, un serveur nous accueille et nous invite à prendre place. Un silence assez morbide s'installe mais c'est sans compter sur Hubert pour détendre l'atmosphère.

« Dès qu’il s’agit de s’empiffrer, tu sais bien que je suis le plus heureux, dis-je joyeusement. »

Ils me regardent tous à présent.

« - Je me présente, Ragnar, révolutionnaire.
- Nous savons qui vous êtes, dit un homme à la chevelure aussi longue que la mienne.
- Et vous êtes Lucius, je présume. On m’a rapidement fait une présentation. Le type le plus âgé est probablement Marthus, le chef. La dame bien conservée est Erica, puis le binoclard élancé comme un étalon est François. J’ai tout bon ?
- Aussi peu recommandable que le prétendent les rumeurs à votre sujet, s’étonne François.
- Pourquoi nous avoir ramené un clown, Hubert, demande Lucius.
- J’avais bien d’autres choses à faire plutôt que de perdre mon temps, se lasse Erica.
-‘Hem. Ne voyez-vous pas que vos réactions l’amusent ? Nous ne sommes pas là pour cela. Ragnar, mes informateurs m’ont relaté des faits vous concernant dans notre territoire. Astucieuse manière de vous protéger, vous étiez innateignable.
- Mes intentions n’étaient absolument pas malsaines, croyez-moi.
- Je sais de source que vous réalisez exactement le même travail de l’autre côté. »

Hum. Il y a donc des infiltrés de notre côté. Ça me plait plutôt bien. C’est donc ça le monde des grands ? Je me retourne vers Bernadette pour observer sa réaction. Sa colère est telle que je ne suis même pas certain qu’elle réalise que nous sommes infiltrés. Belle manière de montrer sa puissance sur la table. J’esquisse un grand sourire.

« - Votre démarche m’a donc intéressé et je voulais vous entendre parler.
- Honnêtement, votre guerre ne m’intéresse pas, surtout avec ce que je vais vous annoncer un peu plus tard. Moi, ce qui me dérange en tant qu’être humain, c’est les conditions de vie dans lesquels vos citoyens vivent. Que ce soit d’un côté ou de l’autre, c’est le même combat. Mes hommes et moi-même sommes incapables, seuls, de subvenir aux besoins de tous. Vous pourriez le faire si la plupart des hommes et des femmes aptes à se battre, aidaient plutôt que s’entretuer. N’oublions pas que Parisse n’est qu’une seule et même ville et qu’en séparant cette ville en deux, vous avez séparés des familles, des amis…
- Vous êtes la cause de tous ces problèmes, révolutionnaires, reprend Lucius. »

Il va m’emmerder celui-ci.

« - Vous en êtes bien sûr, monsieur Lucius?
- Plait-il ?
- Je n’étais pas présent lors de ce carnage, mes propos n’ont aucune portée. Néanmoins, pouvez-vous m’expliquer pourquoi le corps du défunt directeur du CP9 est actuellement en notre possession, retrouvé dans les décombres de cette bataille après un combat acharné ? 
- Qu’entendez-vous par là, s’insurge Erica.
- Que le gouvernement mondial est impliqué dans cette sombre affaire, d’une manière ou d’une autre, répond froidement François qui semble énervé par cette nouvelle. »

Quant à Lucius, son pouls s’accélère dangereusement, ses yeux grossissant témoignent d’une certaine inquiétude, bien qu’elle ne soit pas visible par l’ensemble des autres membres autour de cette table. C’est grâce au haki que je perçois tout ces détails.

« Bien. Je vois qu’aucune personne ici présente n’est capable de me justifier cela. L’implication du gouvernement dans cette altercation est évidente. Je suis incapable de vous dire qui de la révolution ou du gouvernement a foutu cette pagaille. Enfin si, je le sais, sauf que je n’ai cette fois-ci aucun moyen de vous le prouver. »

J’aime ce silence.

« - Que recherchez-vous, Ragnar ? demande Erica.
- N’est-pas évident, Erica ? rétorque Gabroche.
- ‘Hem, tempère Marthus, nous vous écoutons, Ragnar.
- Je ne vais pas parler de paix, car c’est bien trop tôt, mais j’aimerais au moins que l’on signe un armistice pour que chacun s’occupe de son peuple.
- Haha. Sérieusement, donc le gouvernement est impliqué, on signe un armistice ? Tous les jours, c’est la guerre. On se fait bombarder…
- Vous nous bombardez également, reprend rapidement Bernadette.
- Pensons uniquement au peuple de Parisse, s’il vous plait, s’impatience Louise. »

Faites taire ce connard. Je vais me le farcir.


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Pour la première fois, après avoir vu à quelques reprises cet étrange appareil survoler la cité de Parisse, je peux enfin grimper à son bord.
C'était vraiment impressionnant de voir la ville d'aussi haut, même si ça permettait également et malheureusement de voir l'étendue des dégâts. La ville est morcelée par les conflits et les attentats en plein quartier.
Les conversations allaient bon train, tandis que Mibu et moi étions un peu à l'écart. Je suis tellement "habituée" à travailler seule et l'arrivée de Mibu dans mon "équipage" reste somme toute bien récente... J'ai encore bien des choses à apprendre...
Et voilà que le dénommé Hubert parle d'un plan à priori complètement dingue: réunir l'ensemble des acteurs du conflit dans la même pièce... Mais bon, ça me semble aussi être la seule solution viable, plutôt que faire de la reconnaissance hasardeuse en plein milieu du conflit.
Et... Ragnar veut m'inclure dans leur plan? Vraiment?

J'acquiesce légèrement de la tête, détournant la tête:

-Je vais tâcher de l'être en tout cas. Vous semblez déjà avoir un plan en tête et je ne vais aucunement m’immiscer dedans.

Je peux profiter de l’occasion pour montrer le croquis de cet étrange tuyau que j'avais pu apercevoir plus tôt dans la journée, mais je pense que tout le monde est trop occupé et concentré sur la bombe balancée par Hubert et son plan fou de rassembler deux partis en quasi guerre totale au moment où nous parlons...

Les prochains jours se passent finalement bien "tranquillement", dans le sens où une certaine routine s'était installée.
Après la scène du tuyau, je choisis de laisser en légère "pause" le hangar naval Nord-Est, même si je continue à circuler un peu dans la zone. À deux reprises, je vois un convoi travers le quartier et se diriger vers le hangar, mais j'évite de m'approcher cette fois. Si les gardes communiquent bien entre eux, ils trouveront bizarre le fait que je sois souvent à coté des convois et je préfère éviter de prendre des risques sur ce coup-là...

Le grand moment vint finalement et nous sortons de la ville, pour la fameuse rencontre avec les gouvernementaux... Le CP9 sera-t-il sur place? Possible, mais il va falloir la jouer très serré. Je sais très très peu de choses sur le Cipher Pol, mais de nombreux échos font état de leurs redoutables compétences de combattants et d'assassins....

Dans un lieu relativement isolé et "neutre", ce qui me semble parfait, je peux enfin voir les chefs et principaux acteurs du gouvernement local.
Entre Marthus, Lucius, François et Erica, je ne sais pas où donner de la tête. Ils puent tellement la puissance et l'influence... Droits dans leurs bottes, je les sens aussi bien remontés, à leur mine sévère.
En voyant un peu près la même chose chez nos amis révolutionnaires, je me dis que cette conversation commence sur de très mauvaises bases...

Silencieuse et en retrait, me tenant sur le coté droit de Ragnar, j'observe et écoute attentivement la conversation qui se fait entre révolutionnaires et gouvernementaux et j'ai plus l'impression d'assister à une guerre de tranchées. Personne ne veut adopter le point de vue de l'autre et la tension monte petit à petit, surtout lorsque les accusations d'infiltration surviennent... Le timing, Ragnar, le timing...
Cependant, la goutte de sueur que je vois quelque peu perler sur le front de Lucius m'interloque un peu. Après avoir attaqué les révolutionnaires de front, il s'est bien vite rétracté, lorsque les accusations sont tombées. Et la réaction des autres gouvernementaux ne fait pas vraiment de doute: ils ne portent pas le Gouvernement Mondial. Si un infiltré du CP9 venait à se faire démasquer ici-même, ça risquerait de barder pour lui et bien comme il faut...

Cependant, le débat s'enlise bien vite et je sens la tension monter de plus en plus... Devrais-je intervenir? J'avais promis de ne pas faire de vagues... Mais entendre cette conversation débile me pèse peu à peu et je finis par craquer.

Je me place aux cotés de Ragnar, légèrement en avant, m’éclaircissant la gorge.

-Hu-hum.
Plutôt que de camper bêtement sur vos positions, parce que, de toute évidence, personne ne veut se résoudre à laisser gagner l'autre camp, pourquoi ne pas laisser le peuple décider?
Le peuple est à bout, au Nord comme au Sud, et les tensions s'exacerbent, aussi bien entre vous que pour votre peuple et les violences augmentent exponentiellement.
À ce rythme-là, le vainqueur va devenir chef d'une pile de cadavres en putréfaction et je ne crois pas que ce soit un objectif voulu par n'importe lequel d'entre vous.
Donc... Organisez un vote entre monsieur Enricks ici présent et un représentant de la Révolution et laissons les Parissiens voter pour la personne qu'ils jugent la plus méritante à gouverner ce pays et combinons les élections avec le cessez-le-feu proposé plus tôt.
Si Parisse doit se battre, ce doit être aux urnes et non sur le champ de bataille.


Je reste ensuite muette, croisant les bras, guettant la moindre réaction...
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Oh ? Et bien alors, ça ne serait pas ma petite Kardelya qui s’exprime ? Plus d’une personne serait embarrassée ou agacée de voir sa subordonnée s’imposer de la sorte. Moi, ça me plait. Elle s’impose tranquillement, un discours, un peu long mais efficace et facilement compréhensible. Prends ton envol, petite hirondelle, tu ne seras jamais qu’un simple soldat. Tu aspires à bien plus que ça. Réaliser un vote, c’est probablement la meilleure idée qui sortira de cette table. Malheureusement, cela n’est plus de notre ressort, nous devons nous en aller.

« - Un vote ? Qui est cette femme pour commencer ? Un vote, simplement, s’exaspère Lucius.
- Tiens donc ? Cela faisait un moment que l’on ne t’avait pas entendu, Lucius, ravi de voir que tu es toujours des notre, m’amusé-je à dire. Il faut avouer que tu es devenu bien pâle lorsque j’ai énoncé la présence du CP9… Bref. À mon sens, le vote est la meilleure idée possible si aucun des camps n’est capable de trouver une solution.
- Marthus ! Erica ! Dites quelques, bon dieu, relance Lucius.
- Calme-toi Lucius, que t’arrive-t-il ? s’interroge Erica.
- ‘Hem. Est-il possible de nous revoir ? Comme vous pouvez le constater, il me semble difficile de prendre une décision immédiatement, constate Marthus. »

Les tensions semblent presque apaisées. Marthus demande à revoir tout le monde, c’est une bénédiction. Qu’aucune solution ne ressorte de cette première confrontation, c’était prévisible. C’est même ce que l’on recherchait et c’est pour cela que l’on s’échange un regard complice avec Bernadette.

« - Cela nous convient, Marthus. Pour tout vous avouer, ce combat n’a plus de sens pour moi. Nos deux républiques détruisent plus qu’elles ne réparent. Nous en avons marre, ceux qui nous ont choisi en ont également marre. Cette mascarade doit cesser, nous sommes tous fatigués.
- Je suis bien d’accord, Bernadette.
- Gabroche ? Louise ? Ragnar ? Quelque chose d’autre à ajouter ?
- Hm nope. C’est positif, dis-je en commençant à bouffer mon assiette.
- Nous sommes tous deux reconnaissants, Gabroche et moi-même, de l’attention que vous nous portez, rapporte Louise. »

De l’autre côté, Erica et François sont muets, enfin Erica acquiesce du visage. Lucius détourne le regard et se la joue complètement désintéressé. C’est cependant François qui m’inquiète, je ressens une profonde rage en lui. Ce n’est maintenant plus mon affaire, on doit filer. J’ai tenu ma promesse auprès de Bernadette, je reviendrais avec Mandrake.

« - Votre présence m’est agréable, mais nous avons de la route à faire de notre côté.
- Victorieux, le voici qu’il s’en va détruire d’autres nations, murmure Lucius d’un air agacé.
- Il fut un temps, Lucius, j’aurais probablement collé mon poing sur ta tronche en clamant haut et fort les doutes que j’ai te concernant. Que ce soit ici ou à l’autre bout du monde, je vois absolument tout, alors tâche de ne pas faite de faux pas car je le verrais. Bernadette, les autres, pardonnez-moi un départ aussi rapide et imprévu, mais je n’ai plus ma place autour de cette table. Marthus, les autres, pensez uniquement au peuple et cessons cette guerre qui ne donnera rien de bon. »

De bonnes poignées de mains s’en suivent. Qu’ils finissent leur discussion, je ne tiens pas à en influencer l’issue alors que je m’en vais. Bernadette me remercie, je la remercie également pour son aide, lui promettant de revenir dès que tout cela sera terminé. Kardelya suit mon pas, sous le regard assassin de Lucius, qui n’a à mon avis aucune information sur cette dernière. D’ailleurs et heureusement pour elle, son nom n’a même pas été divulgué au cours de cette réunion.

« - Et le dessert, Ragnar ? demande tristement Hubert. 
- Malheureusement, cher Hubert, chaque instant que je perds ici risque de nuire à la vie d’un camarade.
- Ouh là… Alors file, mon grand, file secourir ton ami. »

En descendant, nous apercevons notre navire arriver, comme je l’avais ordonné. Ce rassemblement était ma quête finale ici, je comptais partir quel qu’en soit l’issue. Ça fait du bien de retrouver toute ma petite bande de connards. Ça n’a duré que peu de temps, mais ils m’ont presque manqué. C’était excitant d’être au sommet des décisions politiques, m’apercevant tout de même que j’ai encore beaucoup de chemin à faire.

« Où allons-nous, mon capitaine ? demande Marcel. »

J’esquisse un énorme sourire. Un énorme sourire qui cache un profond malaise.

« Direction Jaya. Une retouche est nécessaire pour la suite. »

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Ma déclaration semble servir de déclencheur pour pas mal de choses. Lucius semble perdre pas mal de crédit, aux yeux des gouvernementaux.
Je ne pense pas que cette idée que j'ai proposée soit suivie, mais le débat semble tourner court, alors que le chef de Parisse annonce son intention de refaire une entrevue, ce qui est une bonne chose.
Le dialogue semble avoir été retrouvé entre les deux camps, même si ça reste assez bancal.
Le dénommé François était en tout cas une sacrée boule de nerfs et il semblait bien en vouloir au Gouvernement Mondial, vu sa réaction envers les accusations de Ragnar sur la personne de Lucius.
Je ne sais pas si c'est une bonne ou une mauvaise chose, mais si ce Lucius est agent du CP9, ça risque de mettre le feu aux poudres, surtout concernant le camarade de Ragnar.

Finalement, chacun part de son coté et j'observe un temps Lucius, encaissant son regard assassin de plein fouet, une unique goutte de sueur perlant sur mon front.
Je pense que je me suis fais un dangereux ennemi sur le coup et j'espère vraiment que mes futurs ennuis ne vont pas éclabousser Mibu. Mon nom n'a pas été prononcé de la réunion et je pense qu'ils vont bien ramer, au CP9, pour retrouver des informations me concernant.

J'emboîte le pas à Ragnar, qui semble avoir d'autres projets en tête.
On se retrouve sur son bateau, avec son équipage et Mibu se précipite de suite vers moi. Je ne voulais pas prendre le risque de l'emmener à une réunion où pouvait se trouver les Services Secrets du Gouvernement Mondial, surtout avec sa prime.

Je hausse un sourcil, en écoutant Ragnar parler de partir... à Jaya? Il veut partir ailleurs qu'ici, où se trouve son camarade? Il doit avoir ses raisons, avec cette histoire de "retouche", mais ça me semble quand même être une idée douteuse, dans le sens où le CP9 risque de passer à la vitesse supérieure à Parisse, après cette réunion.

Je sors de ma poche la feuille où j'avais fais le croquis de l'étrange tuyau aperçu il y a deux jours, de plus en plus intriguée par ce machin... Il y a encore pas mal de zones d'ombres dans cette histoire et je n'aime pas trop laisser tout ça en suspens.

Je m'approche de Ragnar, lui parlant assez bas, pour éviter d'encore balancer mes doutes aux oreilles de son équipage:

-Tu es sûr de ton coup, Capitaine? Partir de Parisse pour aller aussi loin? C'est si important que ça, cette "retouche"?
Le CP9 risque de paniquer, sa couverture étant ébranlée par la réunion. Tu ne crains pas qu'ils s'en prennent à ton camarade ou qu'ils le déplacent ailleurs?
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