_____L’archipel aux éveillés, enfin ! Escorté par un navire de la Marine dont la présence a été expressément requise par la compagnie de transport, le Passe sans Casse, fier bâtiment de la Translinéenne, fait son entrée dans le port tranquille de la plus grande île parmi cet archipel. Il faut dire que notre traversée n’a pas été de tout repos : juste après le cap des jumeaux, nous avons été victimes d’une terrible tentative de mutinerie ! Orchestrée par deux horribles jumeaux, Zanko et Kuna, elle a bien failli prendre le contrôle de tout le bateau et ce n’est qu’en unissant les forces de tous les passagers que nous avons pu reprendre le contrôle de nos vies et de notre liberté… restait la question des nombreux pirates que nous avions fait prisonniers ! Bien qu’il ait été de nombreuses fois question de les exécuter froidement, nous les avons gardés sous bonne garde jusqu’ici où la Marine a accepté de dépêcher un équipage spécialement pour prendre en charge tous ces criminels.
_____Franchement, je suis soulagée parce qu’il n’y a pas de base de la Marine sur l’archipel. Sans cela l’équipage n’aurait jamais accepté de garder ces dangereux individus en vie. Les autres peuvent bien avancer tous les arguments qu’ils veulent, mais un tueur reste un tueur et si on se mettait à tuer des gens de sang-froid, on aurait beau avoir toutes les raisons du monde, ce ne serait plus de la légitime défense. Quelle serait la différence entre ces pirates et nous ? Ces bandits avaient sans doute toute une flopée de justifications pour nous liquider, et peut-être qu’ils ne se voient pas comme des méchants mais comme des gens acculés sans autre solution… Quoi qu’il en soit, ils restent des humains et ils ont donc le droit à être jugés en toute impartialité ! Je suis sûre que le gouvernement saura prendre des décisions au cas par cas en tenant compte de la situation de chacun, et donc je suis rassurée. Peut-être que certains vont se racheter, se rendre compte de leurs erreurs et se réinsérer dans la société, qui sait ?
_____L’île est époustouflante. Gigantesque, un volcan y a élu domicile et crache en permanence des nappes de fumée qui grondent de puissance. Impérieux, il domine les terres, pour la plupart recouvertes d’une végétation incroyablement dense qui fait la richesse des environs. En effet, il y pousse du bois phosphorescent dont les fruits sont également lumineux ! D’après la légende, il ne fait jamais nuit par ici et c’est de là que l’archipel tient son nom. En plus de cela, les eaux volcaniques attirent une espèce bien particulière de poissons-lanternes qui contribue elle aussi à l’éclairage permanant de cette île. Ah là là, j’imagine bien les soirées d’enfer qu’il doit y avoir toutes les « nuits » !
_____Mais qu’est-ce que je fais sur cette île ? Sur Grand Line, qui plus est ! Bonne question : alors que je tenais une boutique sans histoire sur la petite île paisible de Cocoyashi, j’ai fait la rencontre d’une certaine Caramélie, une élégante jeune fille pleine d’énergie et d’enthousiasme. À nous deux, nous avons réussi à décoder une carte au trésor qui mènerait jusqu’au légendaire trésor de la reine Kalida, qui aurait régné ici avant le siècle oublié. La plupart des forêts étant inexplorées, c’est tout à fait plausible que le trésor ait traversé les âges sans que personne ne vienne le piller ! Motivées par l’aventure et la richesse, nous avons décidé de nous associer et avons fait voile à bord de la Translinéenne, et nous voilà !
_____Après avoir fait nos adieux à l’équipage qui a énormément de soucis à régler avant de pouvoir repartir (qui sait, peut-être qu’ils vont rafistoler leur navire avec du bois phosphorescent ? Rien que l’idée m’arrache un sourire et je me dis que la compagnie tient un nouveau concept qui pourrait faire gonfler son chiffre d’affaire tout en privilégiant le commerce local), nous six décidons de nous poser dans une petite taverne pour profiter de nos derniers instants ensemble autour d’une boisson fraîche. Il faut dire qu’il fait chaud, par ici. L’atmosphère est lourde, presque collante. Elle est tellement humide qu’on a l’impression de dégouliner de sueur en permanence, et ce n’est vraiment pas agréable. Je n’aimerai pas vivre ici, à la longue ça risque d’être pesant.
_____Nous six, c’est Cara, Suji, Victoire, les Duplessis et moi. Cara et moi avons rencontré les quatre autres sur le bateau, et ils ont tous contribué à résister aux pirates. Suji, c’est un gros plein de muscles très gentils mais un peu bavard et orgueilleux. Il est digne de confiance et a montré qu’il n’y avait aucun obstacle qu’une montagne de muscles ne peut franchir. Comme il se rend aussi sur l’archipel aux éveillés, il a accepté de continuer l’aventure avec nous. À vrai dire, il cherche un cadeau pour l’anniversaire de sa petite sœur et il se dit qu’un trésor légendaire ça devrait être pas mal. Moi, ça ne me dérange pas de partager le trésor avec lui, et le connaissant, il ne prendra qu’une petite statuette, celle où il y aura le plus de muscles. Quant aux autres, ils continuent jusqu’à Nebelreich et je ne sais pas si je vais les revoir un jour… Je leur souhaite plein de bonnes choses en tout cas !
_____Les adieux et embrassades terminés, Suji nous a proposé de nous faire visiter l’île qu’il connait relativement bien puisque sa famille y vit depuis des générations ! Poissons-lanternes, arbres phosphorescents et bâtons magiques, il nous a montré de nombreux objets aussi lumineux que surprenants. L’utilisation qu’on en fait reste de l’ordre de la curiosité mais il m’a expliqué que ça pouvait être extrêmement utile pour la plongée, par exemple. En plus, c’est infiniment moins cher que l’équivalent en coquillage, les lumini dials qui coûtent pas moins de un million de berries chacune ! Moi, j’ai fait l’acquisition d’une petite lanterne, un objet très peu coûteux mais tout à fait indispensable à toute chasseuse de trésor qui se respecte. Il s’agit d’un globe jaune contenu par un récipient de verre doté d’une poignée. Fort pratique, elle n’est pas très encombrante et émet une lumière suffisamment puissante pour s’éclairer dans des pièces sombres et oubliées. En plus, elle est garantie un an !
_____Cara, elle, a l’air très intéressé par les sculptures phosphorescentes et je la soupçonne d’en avoir acheté une pendant que nous avions le dos tourné. Personnellement, je les trouve aussi magnifiques qu’invraisemblables mais je ne peux pas m’encombrer de ce genre d’objets. Si j’avais une maison, peut-être que j’achèterais de la décoration mais là je suis une voyageuse et je voyage léger ! Mais cela ne semble pas être le cas de mon associée qui s’est précipitée sur la seule boutique de vêtements tendances de l’île en prétextant qu’elle n’allait pas aller chercher le trésor toute nue. Moi non plus, c’est sûr ! Mais j’ai pris de quoi me changer avant de partir, moi ! Hihihi, je dis ça mais ça m’arrive souvent d’oublier des trucs en partant, je suis plutôt du genre tête en l’air et ça m’amuse d’apprendre que Cara a parfois les mêmes problèmes que moi !
_____Après un rapide tour de l’île, Suji nous a proposé de nous présenter à sa famille qui allait sans doute accepter de nous héberger. Cara et moi avons prévu un budget pour cela et nous ne voulons pas forcément nous inviter mais moi je n’y vois pas d’inconvénients ! Au contraire, vivre chez l’habitant c’est le meilleur moyen de bien se rendre compte de comment est la vie ici, et nous aurons tout de suite des informations importantes, comme comment se rendre deux îles plus loin sans se faire emporter au loin par les courants, par exemple.
_____Après avoir consulté ma camarade du regard, je fais un grand sourire et je rejoins Suji en sautillant, lui demandant moult détails sur sa famille et son mode de vie. Il me parle beaucoup beaucoup beaucoup et je ne suis pas sûre d’avoir très bien suivi, en fait je crois que j’ai décroché au bout d’un moment. Je suis une personne capable d’écouter mais là c’est trop d’informations, je me noie ! Quoi qu’il en soit, nous arrivons face à une petite maison en bois. Bien qu’elle ne soit pas phosphorescente (apparemment, le bois d’ici nécessite d’être traité pour le devenir), elle est tout à fait charmante avec ses grandes vitres, ses pilotis et son colombage. Une enseigne annonce que nous sommes chez des bûcherons et Suji nous raconte d’ailleurs avec fierté que c’est en exerçant ce viril métier qu’il a développé sa si proéminente musculature et donc que c’est un métier noble qui forge à la fois l’esprit et le caractère en plus de modeler le corps et qu’on n’est vraiment un homme que quand on est capable de porter le tronc d’un arbre sur son dos. Il me dit que ce n’est pas grave si je n’en suis pas capable parce que moi je suis une femme mais il se reprend en disant que les femmes ne sont pas toujours moins forte que les hommes, c’est juste qu’on n’attend pas la même chose d’elle, et d’ailleurs une fois…
_____Bref, arrivé devant la porte de la maison qui l’a vu grandir, le moulin à paroles stoppe net son débit et tambourine violemment pour manifester sa présence. À ce moment précis, j’avoue que j’éprouve beaucoup d’appréhension quant à la famille de cet homme si particulier…