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La Couronne d'Émeraude de la reine Kalida (partie 3)

Rappel du premier message :


_____L’archipel aux éveillés, enfin ! Escorté par un navire de la Marine dont la présence a été expressément requise par la compagnie de transport, le Passe sans Casse, fier bâtiment de la Translinéenne, fait son entrée dans le port tranquille de la plus grande île parmi cet archipel. Il faut dire que notre traversée n’a pas été de tout repos : juste après le cap des jumeaux, nous avons été victimes d’une terrible tentative de mutinerie ! Orchestrée par deux horribles jumeaux, Zanko et Kuna, elle a bien failli prendre le contrôle de tout le bateau et ce n’est qu’en unissant les forces de tous les passagers que nous avons pu reprendre le contrôle de nos vies et de notre liberté… restait la question des nombreux pirates que nous avions fait prisonniers ! Bien qu’il ait été de nombreuses fois question de les exécuter froidement, nous les avons gardés sous bonne garde jusqu’ici où la Marine a accepté de dépêcher un équipage spécialement pour prendre en charge tous ces criminels.

_____Franchement, je suis soulagée parce qu’il n’y a pas de base de la Marine sur l’archipel. Sans cela l’équipage n’aurait jamais accepté de garder ces dangereux individus en vie. Les autres peuvent bien avancer tous les arguments qu’ils veulent, mais un tueur reste un tueur et si on se mettait à tuer des gens de sang-froid, on aurait beau avoir toutes les raisons du monde, ce ne serait plus de la légitime défense. Quelle serait la différence entre ces pirates et nous ? Ces bandits avaient sans doute toute une flopée de justifications pour nous liquider, et peut-être qu’ils ne se voient pas comme des méchants mais comme des gens acculés sans autre solution… Quoi qu’il en soit, ils restent des humains et ils ont donc le droit à être jugés en toute impartialité ! Je suis sûre que le gouvernement saura prendre des décisions au cas par cas en tenant compte de la situation de chacun, et donc je suis rassurée. Peut-être que certains vont se racheter, se rendre compte de leurs erreurs et se réinsérer dans la société, qui sait ?

_____L’île est époustouflante. Gigantesque, un volcan y a élu domicile et crache en permanence des nappes de fumée qui grondent de puissance. Impérieux, il domine les terres, pour la plupart recouvertes d’une végétation incroyablement dense qui fait la richesse des environs. En effet, il y pousse du bois phosphorescent dont les fruits sont également lumineux ! D’après la légende, il ne fait jamais nuit par ici et c’est de là que l’archipel tient son nom. En plus de cela, les eaux volcaniques attirent une espèce bien particulière de poissons-lanternes qui contribue elle aussi à l’éclairage permanant de cette île. Ah là là, j’imagine bien les soirées d’enfer qu’il doit y avoir toutes les « nuits » !

_____Mais qu’est-ce que je fais sur cette île ? Sur Grand Line, qui plus est ! Bonne question : alors que je tenais une boutique sans histoire sur la petite île paisible de Cocoyashi, j’ai fait la rencontre d’une certaine Caramélie, une élégante jeune fille pleine d’énergie et d’enthousiasme. À nous deux, nous avons réussi à décoder une carte au trésor qui mènerait jusqu’au légendaire trésor de la reine Kalida, qui aurait régné ici avant le siècle oublié. La plupart des forêts étant inexplorées, c’est tout à fait plausible que le trésor ait traversé les âges sans que personne ne vienne le piller ! Motivées par l’aventure et la richesse, nous avons décidé de nous associer et avons fait voile à bord de la Translinéenne, et nous voilà !

_____Après avoir fait nos adieux à l’équipage qui a énormément de soucis à régler avant de pouvoir repartir (qui sait, peut-être qu’ils vont rafistoler leur navire avec du bois phosphorescent ? Rien que l’idée m’arrache un sourire et je me dis que la compagnie tient un nouveau concept qui pourrait faire gonfler son chiffre d’affaire tout en privilégiant le commerce local), nous six décidons de nous poser dans une petite taverne pour profiter de nos derniers instants ensemble autour d’une boisson fraîche. Il faut dire qu’il fait chaud, par ici. L’atmosphère est lourde, presque collante. Elle est tellement humide qu’on a l’impression de dégouliner de sueur en permanence, et ce n’est vraiment pas agréable. Je n’aimerai pas vivre ici, à la longue ça risque d’être pesant.

_____Nous six, c’est Cara, Suji, Victoire, les Duplessis et moi. Cara et moi avons rencontré les quatre autres sur le bateau, et ils ont tous contribué à résister aux pirates. Suji, c’est un gros plein de muscles très gentils mais un peu bavard et orgueilleux. Il est digne de confiance et a montré qu’il n’y avait aucun obstacle qu’une montagne de muscles ne peut franchir. Comme il se rend aussi sur l’archipel aux éveillés, il a accepté de continuer l’aventure avec nous. À vrai dire, il cherche un cadeau pour l’anniversaire de sa petite sœur et il se dit qu’un trésor légendaire ça devrait être pas mal. Moi, ça ne me dérange pas de partager le trésor avec lui, et le connaissant, il ne prendra qu’une petite statuette, celle où il y aura le plus de muscles. Quant aux autres, ils continuent jusqu’à Nebelreich et je ne sais pas si je vais les revoir un jour… Je leur souhaite plein de bonnes choses en tout cas !

_____Les adieux et embrassades terminés, Suji nous a proposé de nous faire visiter l’île qu’il connait relativement bien puisque sa famille y vit depuis des générations ! Poissons-lanternes, arbres phosphorescents et bâtons magiques, il nous a montré de nombreux objets aussi lumineux que surprenants. L’utilisation qu’on en fait reste de l’ordre de la curiosité mais il m’a expliqué que ça pouvait être extrêmement utile pour la plongée, par exemple. En plus, c’est infiniment moins cher que l’équivalent en coquillage, les lumini dials qui coûtent pas moins de un million de berries chacune ! Moi, j’ai fait l’acquisition d’une petite lanterne, un objet très peu coûteux mais tout à fait indispensable à toute chasseuse de trésor qui se respecte. Il s’agit d’un globe jaune contenu par un récipient de verre doté d’une poignée. Fort pratique, elle n’est pas très encombrante et émet une lumière suffisamment puissante pour s’éclairer dans des pièces sombres et oubliées. En plus, elle est garantie un an !

_____Cara, elle, a l’air très intéressé par les sculptures phosphorescentes et je la soupçonne d’en avoir acheté une pendant que nous avions le dos tourné. Personnellement, je les trouve aussi magnifiques qu’invraisemblables mais je ne peux pas m’encombrer de ce genre d’objets. Si j’avais une maison, peut-être que j’achèterais de la décoration mais là je suis une voyageuse et je voyage léger ! Mais cela ne semble pas être le cas de mon associée qui s’est précipitée sur la seule boutique de vêtements tendances de l’île en prétextant qu’elle n’allait pas aller chercher le trésor toute nue. Moi non plus, c’est sûr ! Mais j’ai pris de quoi me changer avant de partir, moi ! Hihihi, je dis ça mais ça m’arrive souvent d’oublier des trucs en partant, je suis plutôt du genre tête en l’air et ça m’amuse d’apprendre que Cara a parfois les mêmes problèmes que moi !

_____Après un rapide tour de l’île, Suji nous a proposé de nous présenter à sa famille qui allait sans doute accepter de nous héberger. Cara et moi avons prévu un budget pour cela et nous ne voulons pas forcément nous inviter mais moi je n’y vois pas d’inconvénients ! Au contraire, vivre chez l’habitant c’est le meilleur moyen de bien se rendre compte de comment est la vie ici, et nous aurons tout de suite des informations importantes, comme comment se rendre deux îles plus loin sans se faire emporter au loin par les courants, par exemple.

_____Après avoir consulté ma camarade du regard, je fais un grand sourire et je rejoins Suji en sautillant, lui demandant moult détails sur sa famille et son mode de vie. Il me parle beaucoup beaucoup beaucoup et je ne suis pas sûre d’avoir très bien suivi, en fait je crois que j’ai décroché au bout d’un moment. Je suis une personne capable d’écouter mais là c’est trop d’informations, je me noie ! Quoi qu’il en soit, nous arrivons face à une petite maison en bois. Bien qu’elle ne soit pas phosphorescente (apparemment, le bois d’ici nécessite d’être traité pour le devenir), elle est tout à fait charmante avec ses grandes vitres, ses pilotis et son colombage. Une enseigne annonce que nous sommes chez des bûcherons et Suji nous raconte d’ailleurs avec fierté que c’est en exerçant ce viril métier qu’il a développé sa si proéminente musculature et donc que c’est un métier noble qui forge à la fois l’esprit et le caractère en plus de modeler le corps et qu’on n’est vraiment un homme que quand on est capable de porter le tronc d’un arbre sur son dos. Il me dit que ce n’est pas grave si je n’en suis pas capable parce que moi je suis une femme mais il se reprend en disant que les femmes ne sont pas toujours moins forte que les hommes, c’est juste qu’on n’attend pas la même chose d’elle, et d’ailleurs une fois…

_____Bref, arrivé devant la porte de la maison qui l’a vu grandir, le moulin à paroles stoppe net son débit et tambourine violemment pour manifester sa présence. À ce moment précis, j’avoue que j’éprouve beaucoup d’appréhension quant à la famille de cet homme si particulier…
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_____Négocier, négocier, je ne pense pas qu’on soit en situation de négocier… Mais quoi ? Ne laisse pas tomber, Anatara ! Je sais que ta jambe te fait mal mais négocier c’est ta spécialité en principe, non ? Trouver un compromis, quelque chose qui rendrait tout le monde content, c’est le métier des marchands. Mais j’ai l’air de quoi, le cul à terre, la jambe en sang et les larmes aux yeux ? L’image c’est important quand on marchande et là je ne ressemble à rien. Bon. Récapitulons. Cette femme a tué quelqu’un… par accident, n’est-ce pas ? Et depuis elle fuit la justice, enchaîne les infractions et s’est mis en tête qu’un peu d’argent pourrait lui permettre de tout recommencer ? Mais… mais c’est n’importe quoi !

— Attendez, mais qu’est-ce qui vous dit que vous allez pouvoir tout arranger avec quelques berries ? L’honneur, ça ne s’achète pas avec de l’argent mais avec des actions.

_____Non, c’est vrai. Je n’ai jamais été une bonne marchande. Marchander, ça veut souvent dire tromper, séduire, vendre des objets plus chers que ce qu’ils valent et convaincre un client qu’il a absolument besoin de quelque chose qui ne lui servira jamais. Quand on doit négocier, il est de bon ton de savoir jusqu’où l’autre partie peut aller et de tirer dans sa direction au maximum et pourtant, pourtant ce n’est jamais ce que je fais. Chez moi, toutes les transactions sont des échanges équitables, chacun rendant un service équivalent à l’autre. Je donne de vrais conseils et je vends toujours au juste prix, en accord avec la concurrence et la valeur réelle de l’objet. Je ne mens presque jamais, tout simplement parce que j’en suis incapable, ou plus précisément parce que ça ne vient pas naturellement. Moi, je joue la carte de la sincérité, j’établis des relations de confiance. Et là, je ne peux tout simplement pas m’empêcher de dire ce que j’ai sur le cœur.

— Au contraire, vous ne faîtes que vous enfoncer d’avantage en multipliant les crimes et les injustices. Allez, quoi ! Dîtes-moi ! Qu’est-ce que vous allez faire avec ce trésor, hein ?

_____Le combat s’est complètement arrêté. La femme me fait face, surveillée de près par Suji qui se tient prêt à intervenir au moindre mouvement. Cara, juste à côté de moi, se tient immobile et tente tant bien que mal de reprendre sa respiration après un combat qui l’a plus qu’épuisée. Désolée Cara, ce n’est peut-être pas ce que tu attendais de moi mais je dois le dire. Si elle est encore humaine, si elle a une once de bon sens et puisqu’elle semble si hésitante, elle nous écoutera. La voie du sabre n’est pas encore notre seule issue. Sans m’arrêter, je poursuis mon discours en évoquant l’exemple d’Émile, l’ancien pirate repenti que j’ai rencontré au bar à goujats :

— Moi j’ai rencontré un pirate qui avait tellement d’argent qu’il ne savait même plus quoi en faire… et est-ce que ça l’a rendu heureux ? Non ! La mort de ses anciens compagnons, et le regret de ses propres exactions, c’est tout ce qu’il avait sur le cœur ; et ça, il n’a jamais pu s’en débarrasser.

_____Notre adversaire me dévisage avec des yeux exorbités, comme si je venais de lui asséner la vérité qu’elle redoutait depuis toujours. La personne qu’elle a tuée, elle ne pourra jamais la ramener à la vie, quoi qu’elle fasse. Jamais. Dans son regard brillent l’intelligence, le regret et l’amertume. Je sens qu’elle écoute et que sa volonté faiblit. Avec un peu de chance, elle finira peut-être pas revenir à la raison et renoncera à nous voler le trésor !

— Des crimes, il en a commis. De son propre aveu, il a massacré des familles et il a même violé des filles !!! C’est une véritable raclure… Mais il regrette. Et avec tout l’argent qu’il avait, est-ce que vous croyez qu’il a pu se racheter ? Et bien non ! Son argent, il ne lui a servi à rien, à rien ! L’argent n’efface pas les actes. Il peut réparer les objets qu’on a cassés, mais pas les gens. Pas les blessures qu’on leur a infligées.

_____Cara me regarde un peu bizarrement, et je me sens subitement très gênée d’avoir autant parlé. J’ai l’impression d’avoir dire des bêtises et je me sens toute nulle. Tant pis, on ne peut pas défaire ce qu’on a fait, c’est même essentiellement ce que je viens de dire. Il faut faire avec, assumer, aller de l’avant. Je la regarde droit dans les yeux et rassemble le peu de fierté qu’il me reste. Oui, je pensais tout ce que j’ai dit et tant pis si ça ferme toute possibilité de négociation. De toute façon c’est fait, c’est fait.

_____Comme je m’y attendais, la belle brune ne renonce pas à notre trésor pour autant. Bien au contraire, elle semble se renfermer dans son erreur et nous fonce dessus l’épée en avant ! Mince !

— Il est trop tard pour renoncer !, s’écrit-elle en abattant son sabre.

_____Suji, bien plus imposant et puissant que la frêle jeune fille, se précipite sur son chemin et la force à sauter sur le côté pour éviter de se faire tacler.

— Vous aurez à faire à moi, maintenant !, réplique-t-il d’une voix ferme.

_____Il enchaîne sur une série de coups de poing qui rencontrent le vide et tente un deuxième plaquage, sans plus de succès. Son adversaire est rapide comme le vent, elle le surclasse en vitesse mais peine à lui porter des coups décisifs parce qu’il pare toutes ses attaques avec ses avant-bras, comme un boxeur. Furieuse, l’épéiste décide de tirer profit de son agilité et, d’un bond, saute par-dessus ses épaules pour amorcer un mouvement des plus dangereux : elle veut le frapper dans le dos ! Ah non, hein ! Ça ne se passera pas comme ça : bang !

_____Une nouvelle fois, mon coup de pistolet force Ashikoi à changer ses plans au dernier moment. La lame qu’elle destinait au corps de Suji lui sert à dévier la balle, ce qui perturbe grandement la trajectoire de son vol. Grâce à une magnifique pirouette, elle retombe sur ses pieds et plante ses yeux dans les miens. Le désespoir. Non, ce n’est pas de la détermination que je lis sur son visage. Elle a le regard de quelqu’un qui n’a plus rien à perdre, quelqu’un qui s’apprête à commettre une erreur de plus. Va-t-elle… s’est-elle décidée à nous tuer ? Je ne sais pas ce qu’il se passe dans sa tête, mais cette possibilité est présente. Clairement, ce n’était pas le dos de sa lame qu’elle voulait abattre sur celui de Suji !

_____Mourir… ça ne m’avait pas traversé l’esprit jusque-là, mais c’est vrai que c’est ce qui risque de nous arriver, là. Je suis bête : je n’aurais pas dû la provoquer… rah, j’aurais dû réfléchir un peu avant de parler ! Je devais négocier, négocier ! Il y a quoi que je n’ai pas compris dans ce mot ?! Mais bon, c’est trop tard et par ma faute, la voilà bien désespérée ; et qui sait ce que peut faire une femme désespérée ?

_____Je… ne veux pas mourir. Et je ne veux pas que mes compagnons meurent par ma faute ! Hors de question. Nos vies, c’est bien ce que nous avons de plus précieux. Alors Ana, relève-toi. Bats-toi. Mes derniers instants, je ne vais pas les passer sur le cul à regarder Suji puis Cara se faire massacrer ! Non, je vais me battre, et je me battrai jusqu’au bout ! Tant que mon cœur battra, tant que mes poumons respireront, je me battrai. Elle ne nous aura pas aussi facilement !

_____Là, nous ne nous battons plus pour le trésor. Nous nous battons pour des idées, nous nous battons pour nos vies. Debout ! Tant bien que mal, je parviens à me relever en m’appuyant sur mon épée. Fière de moi, je fais un sourire radieux à Cara qui ne semble pas vraiment approuver ma démarche, mais tant pis.

— Battons-nous, lui dis-je avec toute la confiance et l’énergie qu’il me reste.

_____À trois, nous pouvons encore triompher.
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Cher journal,

Je vois les hautes branches des arbres de la forêt danser au-dessus de ma tête. Loin au-delà de leurs cimes, le ciel n'apparaît que par de petites taches jaunes qui percent difficilement à travers le feuillage. Il me semble flou, terriblement loin, comme dans un rêve...

Nous n'avions pas la moindre chance contre Ashikoi. Pas dans notre état, pas alors que nous nous sommes permis de ne pas nous y mettre à trois contre elle dès le départ ! Enfin... je pourrais donner toutes les excuses que je veux, le fait est que je suis allongée sur le sol à bout de forces, tout mon corps endolori.
J'ignore si ce qu'elle a évoqué à propos de son histoire est vrai, mais le seul fait qu'elle se soit obstinée à nous frapper du plat de sa lame jusqu’à la fin du combat et que je sois encore en vie me laisse penser qu'il y a au moins une part de vérité dedans.

"- Relevez-vous, je sais que vous n'êtes pas morts."

L'ordre me ramène à la réalité, et mon cœur se met à battre à toute allure. J'étais prête à rester ici et à me faire oublier, à tout oublier à part ma douleur le temps que celle-ci disparaisse et que je reprenne des forces, mais la sabreuse ne compte pas en rester là ! Je tente de me relever ou au moins de me retourner mais, à bout de forces, j’en suis incapable. Impuissante, je ne peux que m’attendre au pire sans rien pouvoir y faire.

Une poigne ferme m’enlace sous les bras et me soulève. Je sens que l’on me traîne, et je regarde sol défiler comme si j’étais dans un rêve. Je reconnais la montagne de billets qui recouvre le palais, et on me guide dans l’ouverture que nous y avions creusée pour y pénétrer ; je comprend ce qui va m’arriver seulement quelques secondes avant de me faire jeter dans le trou. J’ai juste le temps de serrer les dents avant d’atterrir sur le sol recouvert de billets d’un autre âge complètement desséchés, un mètre plus bas ! Ouille !!! Je pensais que mon corps ne pouvait pas être plus douloureux, mais je viens d’avoir la preuve du contraire !
Je suis bientôt rejointe par Anatara et Suji, qui ne sont pas en meilleur état que moi mais qui ont l'avantageuse qualité d'être toujours en vie si je me fie aux gémissements qu’ils poussent eux aussi. Ashikoi penche à son tour la tête par l'ouverture et nous dit:

"- Vous m'avez causé assez d'ennuis comme ça. Vous allez rester ici, et je ne veux plus vous voir tant que je serais sur l'île. Il n'y a qu'un seul chemin pour s'en aller, celui que vous avez taillé. Si jamais j'y croise le moindre être vivant..." Elle tapote la garde de son sabre d'un geste éloquent. "J'attaquerai à vue, pour tuer."

La femme au regard triste tire ensuite sa lame, donne de larges coups dans la paroi et celle-ci s'effondre sur l’ouverture, nous plongeant dans le noir...

♦♦♦♦

Nous passons un long moment en silence dans l’obscurité, épuisés, douloureux et dépités. Lorsqu’enfin je recouvre quelques forces, je me redresse et m’allonge contre un tas de billets dur comme de la pierre et reste là, à fixer le vide. Je repense à notre combat. Je me demande quelles ont été nos erreurs, et ce que nous aurions pu faire pour mieux nous en sortir. Beaucoup d'idées me viennent, mais je ne pourrais jamais les essayer ; c'est facile de refaire l'histoire une fois que les évènements sont passés ! Et puis je repense à toute notre aventure, à notre arrivée sur la route de tous les périls et à tous les efforts que nous avons faits dans la jungle. A regretter d'avoir manqué de vigilance et de ne pas avoir su remarquer la présence d'une personne qui nous suivait en cachette.

Après un temps qui me semble interminable je finis par prendre la parole et demander:

"- Vous êtes blessés ?"
"- Mmmmpf..." Grogne Suji.
"- A part votre ego, je veux dire. Enfin ce qu'il nous en reste."
"- Mpf."

Notre ami a le souffle rauque, la voix éraillée, et je devine qu’il a beaucoup souffert. Le connaissant il a dû se battre jusqu’à sa dernière étincelle d’énergie.

"- Et toi Anatara ?"

Elle aussi ne me répond que par des gémissements et des sanglots. Je m’approche et m’assieds à côté d’elle pour l’enlacer et tenter de la réconforter...

En plus d'être contusionnés de partout nous avons tout perdu: notre trésor, notre équipement, et nous aurons de la chance si notre voleuse daigne nous laisser notre embarcation ! J'éprouve une sale impression, une honte que je ressens physiquement, comme un étau qui me serre tout le corps...
Mais il est hors de question d'abandonner maintenant ! Que diraient mon chef Yakutsuki Rei et mon cher journal si je baissais les bras ?!

"- Je comprendrais que vous ne vouliez pas insister. En fait, je préférerais même que vous restiez à l'abri. Mais si jamais vous voulez bien m’aider, j'ai encore un plan pour essayer sauver les meubles."

Je me relève en m'appuyant à tâtons sur le mur froid.

"- Même si elle est douée et qu'elle a surement des moyens que nous ignorons, il faudra obligatoirement que cette bonne femme fasse plusieurs allers-retours pour transporter tout notre trésor jusqu'à la côte."

D'ailleurs il aurait été plus sensé de sa part de nous attendre là-bas une fois que nous y aurions amené tout le trésor plutôt que de nous attaquer au milieu de la jungle. A moins qu'elle n'y ait été contrainte pour une raison ou une autre…? J'éprouve une maigre sensation de satisfaction à supposer que pour elle non plus tout ne s'est pas déroulé comme prévu !

"- Quand elle dit qu'il n'y a qu'un seul chemin, en vérité elle se trompe. Je dois t'avouer une chose Anatara: à un moment, pendant que tu étais en convalescence, Suji et moi on a avancé pendant presque deux jours dans la mauvaise direction. Quand on s'en est rendu compte, on s'est sentis tellement bêtes et on s'en voulait tellement qu'on est revenus sur nos pas, on a camouflé l'entrée du mauvais chemin, et on a continué à avancer ailleurs en faisant semblant de rien !"

Je ne peux m'empêcher de rire en pensant à cet enfantillage ! Et pourtant cette petite erreur pourrait bien nous servir finalement.

"- Cet endroit se trouve plus ou moins à mi-parcours entre ici et la bordure de l'île où commence le chemin. Si nous arrivons à nous y rendre sans nous faire voir et à nous y cacher, nous pourrions guetter les allées et venues de la voleuse et de notre trésor. Et lorsqu'elle en aura déplacé suffisamment..." J'ai un grand sourire qui doit se deviner même dans le noir. "Ce sera à son tour de se faire dépouiller !"
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_____Le sol est recouvert d’immondices dont je préfère ne pas connaître la nature. Mettant ma dignité de côté, je serre les dents et je rampe. Je dois atteindre la sortie, je dois faire… encore un effort. J’y suis, ça y est ! J’y vois rien. Je me griffe sur les gravats, ça fait mal. J’escalade les éboulis, je glisse, je me rattrape à quelque chose de gros et poisseux et je suis hissée vers le haut, tout doucement d’abord puis d’un seul coup.

— Vous allez bien ?

_____C’est la voix de Suji qui me parle. Il m’aide à me rétablir et m’assoie sur le côté, comme un père qui veillerait sur un enfant blessé. Hésitante, je réponds par l’affirmative et me cramponne à la paroi pour ne pas retomber, m’efforçant d’ignorer l’aspect repoussant de cette dernière.

_____Plongés dans l’obscurité, nous avons réussi à remonter jusqu’au mur qui nous bloque l’issue et nous nous sommes mis à dégager une sortie le plus discrètement possible, mais c’est plus facile à dire qu’à faire : à tâtons, ne sachant pas quel bloc est en-dessous et quel bloc est au-dessus, nous avons vite fait de provoquer des éboulements aussi dangereux que décourageants. Malheureusement, nous n’avons rien de mieux à faire et alors nous recommençons, encore et encore, avec pour seuls espoirs celui de revoir la lumière du jour et ce rêve éveillé que nous nourrissons de récupérer notre trésor.

_____Finalement, un rayon de lumière perce les ténèbres et nous indique que notre entreprise est presque terminée :

— Ça y est, s’écrit Suji : on y arrive !
— Que voyez-vous ?, lui demande Cara, toute excitée. Il reste des trésors ?
— Je… j’y vois rien !
— Fais voir !

_____J’essaie de ramper jusqu’à lui mais je n’arrive pas à atteindre l’ouverture qu’il a pratiquée dans le mur. Elle est si lointaine… on dirait presque un rêve. Suji se contorsionne et fait jouer de ses muscles pour agrandir l’ouverture et, dans un grand bruit sourd et menaçant, arrache un énorme morceau de pierre. Je pousse un cri de surprise, aussitôt interrompu par Suji qui réclame le silence :

— Chut ! Taisez-vous : il ne faut pas qu’elle nous entende !

_____Après une courte éternité de silence durant laquelle j’ai essayé de regarder par-dessus l’épaule de Suji, celui-ci se met à chuchoter qu’il reste trois sacs : tout n’est donc pas perdu ! Il ne nous reste plus qu’à attendre que la sabreuse se pointe, reparte, lui laisser suffisamment d’avance et sortir de là.

— …

_____L’attente est insupportable. J’ai l’impression que ça fait des heures que ça dure ! Je suis mal installée, j’ai des courbatures, j’ai froid, je veux sortir. Heureusement, cette petite lumière qui nous parvient depuis l’extérieur nous dit que nous sommes encore vivants et qu’il existe un moyen de sortir de cet enfer. On va sortir de là, on va sortir de là, on va sortir de là… Je me répète cette phrase en boucle, comme un mantra destiné à me préserver de la folie.

— Elle est là !

_____Nous nous figeons. C’est là que tout va se jouer : va-t-elle se rendre compte de l’ouverture que nous avons percée dans le mur ? Et, dans ce cas, comment va-t-elle réagir ? Peut-être qu’elle va juste la tolérer parce qu’après tout, nous avons bien le droit à un peu d’air et de lumière… et puis de toute façon elle pense que nous sommes bloqués dans cette clairière donc elle ne devrait pas trop s’alarmer, même si elle sait que nous nous apprêtons à sortir. Mais bon, le moins elle en sait, le plus notre plan a de chances de fonctionner. Il ne faut pas qu’elle sache quoi que ce soit.

— Alors ?

_____« Minute ! », s’énerve Suji, ce qui me rend honteuse de ma propre question. « Il faut la laisser s’éloigner. », rajoute-il. Je compte trois minutes dans ma tête puis, n’en pouvant plus, je craque :

— J’en peux plus, sortons d’ici !

_____Sans se le faire dire deux fois, Suji donne deux gros coups de pieds qui nous dégagent pour de bon une ouverture, brraoum ! Toute contente, je me précipite à l’air libre et je brûle d’envie de sauter dans tous les sens tellement je suis heureuse d’être sortie de ce trou. Ouf, nous sommes sauvés ! Il reste trois sacs, ce qui indique qu’Ashikoi va sans doute faire deux autres allers-retours. Nous aurions pu attendre encore un peu pour qu’elle déplace gentiment le dernier sac jusqu’au bateau mais bon… y’en a marre ! De toute façon les derniers sacs se sont les plus encombrants, à savoirs ceux dans lesquels on a mis les morceaux de bateau. Franchement, même s’ils sont peints en or, je ne pense pas qu’ils aient une grande valeur à la vente : ce qui fait le coût d’un navire ce n’est pas la matière première mais le travail et le savoir-faire nécessaire à l’assemblage !

— Il n’y a rien d’intéressant, confirme Cara qui a pris la peine de jeter un coup d’œil dans ce qu’il reste du butin.
— Bien ! Ne perdons pas de temps !

_____Joignant le geste à la parole, je me dépêche de partir en direction de la clairière parce qu’il faut arriver au chemin caché avant qu’Ashikoi ne revienne. Allons, dépêchons-nous… Vite. Je marche. Un pas, deux pas, trois pas. Ça me semble insurmontable. Je n’ai plus de force, j’ai mal partout et j’ai l’impression que ma cuisse va exploser. Je crois que je vais me faire disputer par le docteur en rentrant…

— Anatara ?
— Oui, Suji ?
— Vous voulez que je vous porte ?

_____À ce moment, je me rends compte que mes compagnons ont bien cent mètres d’avance sur moi et que je fais du surplace à côté d’eux. Un peu gênée, j’acquiesce et je laisse Suji m’installer sur son dos si large et si épais qu’il en est presque confortable. Bien que lui-même fatigué voire au bout de ses forces, Suji n’en montre rien et se donne un malin plaisir à aller plus vite que Caramélie, si bien que les deux finissent par se faire la course sans vraiment le dire, chacun essayant de marcher plus vite et plus élégamment que l’autre.

_____Au bout d’une bonne demi-heure, alors que nous nous sommes déjà bien enfoncés dans la forêt, il me vient soudainement une question des plus importantes à l’esprit.

— Mais dîtes-moi : vous m’avez bien dit que vous avez camouflé le chemin, non ?
— Euh, oui pourquoi ?, me répond Cara.
— Mais, du coup. Comment on va faire pour le retrouver ?
— Ne t’inquiète pas pour ça, me dit Cara toute fière d’elle : j’ai un point de repère.

_____Apparemment, cette fameuse fausse piste a été ouverte juste à côté d’un immense roncier par-dessus lequel un tronc d’arbre dessine une arche ou une sorte de pont. D’après elle, impossible de le rater. Personnellement, j’aurais bien été incapable de le retrouver mais puisqu’elle le dit… et en effet, une fois sur place, nous n’avons pas eu de mal à retrouver ce passage secret.

_____Habillement camouflé par des branches cassées, des feuilles qui recouvrent les traces de pas et une fougère géante qui a été déracinée et replantée ici. Franchement, connaissant Suji je sais que ça ne leur a pris que quelques minutes de faire tout ça, mais ça me fait sourire de voir qu’ils ont été aussi loin pour dissimuler leur erreur… et c’est même ça qui nous sauve la mise : ils peuvent être fiers de leur erreur !

_____Nous nous glissons donc de l’autre côté où les troncs sectionnés nous permettent de nous abriter et nous attendons. Franchement, notre plan est risqué. L’existence de ce chemin nous avantage, certes, mais nous aurions très bien pu nous en créer un autre et le dissimuler de la même manière… Comme nous n’avons plus nos outils, il aurait fallu le faire à mains nues, et tout ça avant qu’elle revienne. Étant donné comment les arbres sont résistants, c’est à la limite de l’impossible mais ça m’étonne que notre ennemie, après nous avoir observés aussi longtemps, ne nous pense pas capables d’un tel exploit.

_____Peut-être qu’elle a sous-estimé nos capacités de recouvrement et qu’elle s’est dit que le temps qu’on reprenne connaissance, qu’on imagine cette possibilité et qu’on mette ce plan à exécution, elle aurait largement eu le temps de tout piller. Ou peut-être qu’elle a un moyen de nous repérer facilement, même cachés derrière les feuillages.

_____De nouveau, l’attente met ma patience à rude épreuve. Elle exacerbe tout. Les bruits environnants, notre respiration, ma douleur. J’ai mal à la tête, j’ai mal à la jambe, je suis fatiguée, j’ai faim. Je crois que je vais m’évanouir, je… Hein, quoi ? Ah, oui. Rester concentrée. Elle arrive ! La voilà ! Elle se rapproche, elle ne nous a pas vus. Elle aussi, elle semble à bout de forces mais elle est bien déterminée à prendre tout le trésor… et bien cela causera sa perte !

_____Elle nous a vus ? Non, pitié… dîtes-moi qu’elle ne nous a pas vus ! Elle nous regarde. Elle peut nous voir, c’est sûr ! Non, c’est moi qui me fait des idées, elle est juste en train de passer son chemin. De toute façon elle ne peut pas nous voir, c’est impossible… elle ne peut pas nous voir, n’est-ce pas ?

— Qui va là ?

_____Aucune réponse. Nous nous sommes figés, à l’affut du moindre bruit. Nous nous préparons au pire. Nous prions. Soudain, un bruissement. Nous comprenons qu’Ashikoi est en train d’inspecter les fougères avec son épée, nous sommes foutus, nous sommes…

Mwaaaaaouh !
— Ah, vilain chat !
Miaawooooo !
— Sale bête ! Va-t-en !
Grrrrrrr ! Kssss-ksss ! Rrrrrrrr !
— Oui, c’est bon, je m’en vais !
Ron-ron-rrr.

_____Nous attendons quelques minutes, pas très sûrs d’avoir compris ce qui vient de se passer.

— Euh. C’est moi ou le tapis-chat vient de nous sauver ?

_____Nous nous regardons les uns les autres, comme pour nous assurer mutuellement que nous n’avons pas rêvé. Finalement, Cara fait un sourire à la fois innocent et espiègle et me confirme que j’ai bien entendu :

— Oui. Il faut croire qu’il nous aime bien !
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  • https://www.onepiece-requiem.net/t14890-anatara"
Cher journal,

Ce cher Gargamel ! Si ce n'était pas aussi dangereux je lui sauterais au cou ! Bien sûr quand on y réfléchit c'est complètement à cause de lui et de ses congénères si nous avons eu autant d'ennuis et si Anatara a été affaiblie au moment le plus crucial, mais il se rattrape plutôt bien ! Et puis écoute-le avec ses "Ksss-ksss" tout mignons, sa voix grave et ronronnante... Dommage que je n'aie plus rien à manger, il n'aurait pas volé son morceau de viande cette fois-ci !

Nous attendons quelques longues minutes en silence le temps que l'épéiste s'éloigne. Le temps passe horriblement lentement dans ce genre de moments ! Je compte les secondes qui mettent tout leur temps à arriver jusqu'à trois cent, puis finalement nous n'y tenons plus et nous sortons.
Il n'y a plus âme qui vive en vue, ni humaine ni féline. Ashikoi en a pour plusieurs heures le temps de faire l'aller-retour entre le palais enseveli et ici, surtout avec son chargement, ce qui nous laisse largement le temps d'arriver jusqu'à destination et de filer ! Malgré ça nous marchons aussi vite que nous le pouvons ; Suji essaie toujours de montrer qu'il peut aller plus vite que moi malgré son chargement, mais je ne me prête pas à ce genre de petit jeu puéril. D'ailleurs c'est tout de même moi la plus rapide, et la plus élégante également, quand bien même notre ami profite de la moindre lueur qui émane des plantes, ou des rayons du soleil qui arrivent à passer à travers les trous dans le tunnel de verdure qui nous recouvre, pour faire luire sa musculature avec des jeux de contrastes savamment étudiés qui en font ressortir les moindres aspérités !

Il nous faut environ deux heures pour atteindre la fameuse clairière du tapischat où nous avons vécues nos premières déconvenues, et encore une poignée de minutes pour rejoindre le lieu où se trouve notre barque. Là, nous faisons face à un autre problème: nous ne trouvons aucune trace du trésor, ni de l'embarcation de notre voleuse !

"- Elle est forcément quelque part tout près ! Cherchons la !"

Ce serait trop bête de ne pas la retrouver ! Le trésor ne peut pas nous échapper, pas maintenant... pas après tous ces efforts... ! La côte est trop abrupte et trop envahie de végétation pour pouvoir simplement la contourner à pied, mais je l'inspecte malgré tout en m'aidant de mon geppou pour passer les larges obstacles. Elle a forcément dû passer par quelque part, et s'il y a une ouverture ou une petite crique je la trouverai ! Suji et Anatara, eux, retournent à l'intérieur de la forêt et essaient de trouver un chemin de traverse qui nous aurait échappé.

Je vais aussi vite que je peux, manquant même plusieurs fois de tomber à l'eau en me faisant accrocher par des branches ! Cela fait combien de temps qu'Ashikoi est passée devant notre cachette ? Trois heures ? Plus ? Combien de temps nous reste-t-il ?
Je finis par admettre que je perds mon temps et reviens sur mes pas aériens, décidant de faire le tour dans l'autre sens en allant plus doucement. Mais tout se ressemble ici et je ne vois rien d'autre que des arbres, des végétaux extrêmement touffus, des lianes, des ronces par endroits, et des fleurs lumineuses qui m'éblouissent d'une lueur joyeuse.

Je ne suis pas très loin de mon point de départ lorsque j'entends le bruit de branchages que l'on écarte et que l'on casse. C'est trop brutal pour être l’œuvre d'un tapischat ou d'un autre animal, il s'agit certainement d'un humain. J'appelle:

"- Anatara ? Suji ? C'est vous ?"

Après quelques secondes le bruit s'interrompt. J'insiste:

"- Ana' ? Suji ?
"- Cara, on est ici ! On l'a retrouvé, tout est là ! On essaie de se frayer un chemin."
"- J'arrive !"

N'arrivant pas à déterminer par où je pourrais rentrer dans cet amas de végétation dense, je fais le tour et retourne vers la petite crique artificielle où est rangée notre barque. J'y retrouve Anatara qui est venue m'y rejoindre et qui me mène, toujours boitillante mais toute enjouée, un peu plus loin dans le chemin de verdure.

"- Elle avait aménagé un passage en hauteur, c'est pour ça qu'on ne s'est aperçu de rien ! Si Suji ne m'avait pas portée sur ses épaules je ne l'aurais jamais trouvé !"

En parlant de notre compagnon, ce dernier apparaît à travers une ouverture végétale trois bons mètres au-dessus de nous, portant un de nos sacs sur le dos. Il nous fait joyeusement signe et nous annonce:

"- J'ai retrouvé sa barque en bas, mais elle est toute empêtrée dans la végétation qui a déjà commencé à repousser par dessus. Je vous apporte les sacs ?

Grâce à un sommaire mais ingénieux système de corde et de poulie que notre ami a aménagé en moins de trois minutes, nous organisons le rapatriement des sacs remplis de richesses. Suji les récupère et les apporte, Anatara, perchée dans un arbre à un endroit où elle peut se passer de sa jambe, fait la jonction et les attache à la corde, puis elle me les fait descendre et je m'empresse de les apporter dans notre barque.

Une fois tout notre butin au complet (si l’on oublie les trois derniers sacs qui resteront à jamais aux mains de la voleuse… snif !) et entassé sur notre embarcation, Suji la pousse jusque dans l'eau et nous embarquons. Juste avant de grimper, j'ai un dernier regard vers la jungle où j'ai vécu tant de choses. Je ne la regretterai clairement pas, ce climat n'est vraiment pas fait pour moi, mais...
Alors que je scrute la forêt, je remarque un bruissement entre les branches. Je sens une présence qui se déplace furtivement, à pas de velours. L'espace d'un instant je peux apercevoir un grand oeil jaune qui m'observe à travers la végétation.

"- Adieu Gargamel."
"- Tu as dit quelque chose Cara ?"
"- Hm ? Non, pas du tout."

Je monte dans la barque, m'installe entre deux sacs remplis d'objets précieux et ne me retourne plus.

♦♦♦♦

Cher journal,

Nous avons rapporté notre butin sur l'île principale, le transport ayant été assez discret à la faveur de la nuit. Non pas que ça change grand-chose question visibilité ici, mais au moins la plupart des gens sont chez eux à cette heure et n'ont pas vu ce drôle de cortège d'aventuriers hirsutes et exténués portant sur leurs dos de gros sacs faisant "clingling, cling" ! Tout le trésor est entreposé chez la famille de Suji en qui nous avons toute confiance, et notre ami leur a présenté triomphalement sa statue dorée qui lui a valu l'admiration des siens ! Fuji a applaudi de toutes ses forces, faisant trembler la maison, les yeux de Jumanji lançaient des étoiles, et son père en avait les larmes aux yeux !
Nous avons tous besoin de repos, et quand nous irons mieux nous pourrons prendre le temps d'inventorier notre trésor et estimer combien nous pourrons en tirer. La couronne d'émeraude à elle seule doit valoir une fortune ! Malgré tout, il nous restait assez d'énergie pour fêter l'événement en compagnie de nos hôtes et pour nous faire faire ingurgiter de force les meilleurs petits plats de maman-Suji !

Après tout ça, j'avais besoin d'un peu d'air frais. Trop de musculature et d'énergie à revendre dans l'air, je pense ! Mes pas m'ont menée dans le carré d'herbe derrière la demeure des bûcherons, et mon attention se trouve attirée par un son:

Pulup pulup. Pulup pulup. Pulup pulup.

Attends, mais cet escargophone...
Je me précipite:

"- Dinosaure, tu es toujours là ! J'ai bien failli t'abandonner mon pauvre !"

Je retrouve mon escargophone préféré, toujours enfermé dans le petit clapier où je l'avais installé pour mieux ignorer les appels de mes supérieurs. La famille de Suji a eu la gentillesse de le nourrir en mon absence et d'ignorer les nuisances sonores, et il a l'air en pleine forme !

"- Bonsoir, agent d'Isigny."
"- Bonsoir, d'Isigny."

Un frisson glacé me parcourt l’échine. Je me retourne brusquement, déjà prête à me défendre malgré mon état qui ne le permet clairement pas, et me retrouve face à deux silhouettes disproportionnés que je connais bien: un petit gros et un grand baraqué, cagoulés en toutes circonstances et toujours accompagnés de cette odeur de cuisine...

"- Les frères "Soupe aux Choux" ?! Mais qu'est-ce que..." Je me reprends: pas question d'avouer qu'ils m'ont prise au dépourvu ! "... que me vaut le plaisir chers collègues ?"

"- On est venus vous chercher. Quand un de nos agents disparaît, le CP5 s'inquiète."
"- On a vraiment imaginé le pire."
"- Comme un accident ?"
"- Ou comme une désertion !"

Oh oui, je connais bien ce genre de mission pour en avoir déjà effectuée moi-même. On ne laisse jamais un agent sans contact que ce soit sur le terrain ou en dehors, et lorsqu'un collègue disparaît sans prévenir on s'efforce aussitôt d'en connaître la raison et de prendre des mesures en conséquence. En général en lui faisant un petit numéro assorti d'un chapelet de menaces sous-entendues, et on finit la plupart du temps par déboucher sur une explication qui convient à tout le monde. C'est de bonne guerre si je dois subir ça j'imagine.

"- Le chef était très contrarié que vous ne répondiez pas à ses appels !
"- Oh ça oui ! Il se demande vraiment pourquoi son agent ne revient pas de ses deux semaines de RTT qui ont duré un mois !"
"- Un mois de RTT ? Il y a vraiment des agents qui sont mieux traités que les autres ! Ça remonte à quand la dernière fois qu'on a eu des vacances ?"
"- L'été dernier, on a passé trois jours à Suna Land tu te souviens ?"
"- Non ça c'était pour une mission. Rappelles-toi, c'est quand on a démasqué la bande des Pieds Nickels."
"- Tu es sûr ? Moi je me suis tellement amusé là-bas que j'ai cru que c'étaient des vacances."

J'affiche un sourire radieux auquel même deux gugusses mal dégrossis comme eux ne pourront pas résister:

"- Je suis tellement soulagée que vous soyez venus me chercher ! Moi qui me demandais comment j'allais me sortir de là !"

Je semble prise du besoin de m'appuyer sur le clapier, tant je suis une faible femme à bout de forces qui a subi un horrible calvaire, et je leur lance un intense regard éperdu:

"- Cela faisait des semaine que j'étais coincée dans cette jungle, attaquée par des animaux, des félins horribles ! Et cette chaleur, vous n'imaginez même pas quel effet..."

Enfin si, je suppose qu'ils en souffrent même particulièrement actuellement avec leurs cagoules censées les rendre incognito et qui doivent transformer leurs têtes en de véritables saunas !

"- ... et alors que je m'en sors enfin, je me retrouve coincée sur cette île à peine civilisée sans savoir quand le prochain navire passera. Vous êtes vraiment la providence !"

Les deux frères se regardent, l'air de se demander si mon bobard sera suffisamment convainquant pour passer sur leur rapport de mission. De mon côté, je décide d'abuser un peu de ma chance:

"- Mais puisque vous êtes là et que vous allez pouvoir me ramener à la maison, auriez-vous de la place pour une passagère supplémentaire et quelques bagages qui voudraient rentrer vers East Blue ?"

Comment pourraient-ils refuser une demande faite avec un aussi joli sourire ?
  • https://www.onepiece-requiem.net/t21492-l-envers-du-journal#2313
  • https://www.onepiece-requiem.net/t21479-caramelie-la-critiqueuse
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