Posté Dim 2 Mai 2021 - 17:43 par Gharr Hadoc
L'allumette sectionnée en plein vol par l'arme du Capitaine adversaire permit au moins de capter son attention. Les officiers du Flambeur faisaient pencher la balance, en dépit de leur nombre négligeable et de leur tactique très directe. La libération des prisonniers avait compliqué la tâche des soldats du Gouvernement et ces derniers ne bénéficiaient plus du tout de l'avantage du nombre. Fort heureusement, eux aussi possédaient des ressources, même en l'absence du commodore Smith.
La colère fit charger Dallas. Au vu du bonhomme, Gharr s'attendait à du combat à distance, mais l'ancien chasseur semblait pouvoir en remontrer sans même devoir user de son arsenal. De fait, il était doué. Les premiers assauts, ce fut le Ghost Dog qui dût reculer et encaisser quelques coups. La parade allait être compliquée pour ce combat. Hadoc avait secrètement espéré ne pas devoir y recourir car ses mains étaient toujours bandées, suite aux blessures face à Arhye. Il attaquait sans peine car il maniait habilement le sabre, mais chaque choc pour bloquer un coup lui donnait l'impression qu'une cisaille invisible tentait de lui écarter les métacarpes. La chance avait voulu que Clint aussi soit également blessé. Il bougeait bien, mais son épaule devait lui nourrir la rage autant qu'épuiser ses forces. Gharr devait l'user, alors il opta pour une tactique défensive le temps de trouver l'opportunité. Un sabre, laissé à l'abandon par un homme d'équipage vaincu, la lui offrit.
Dallas sentit un choc aigu aux jambes lorsque Gharr les faucha d'un balayage net. Au bout de son pied, tenue entre les lattes de ses sandales de bois, une lame maniée sans effort l'avait percuté comme une vague fouette un imprudent. De fait, le coup ne tranchait pas. Quelque chose avait ôté à l'arme son pouvoir de séparer les chairs pour lui offrir l'effet d'un lourd et douloureux bâton. Offert aux caprices de l'inertie, Clint vit Gharr caler un de ses fourreaux entre ses dents pour lui asséner un violent retour au plancher dans un bruit sourd et assez violent pour faire vibrer les lattes des alentours.
Le criminel au sol, malmené et sonné, il ne fallait plus qu'un coup à la tête pour le confier aux songes et arrêter le reste de son équipage. Gharr brandit le sabre tenu du pied pour l'abattre sur lui et conclure le combat. C'est alors qu'il vit que son adversaire avait profité de sa position pour assembler, dans l'ombre, un arc d'étrange facture, avec lequel le révolutionnaire décocha simultanément une flèche vers les entrailles du Marine. Gharr saisit in extrémis le projectile de sa paume, suffisante au vu de la faible tension de la corde dont avait pu bénéficier l'archer. Une décharge électrique lui parcourut le corps. Sa main qui tenait le projectile venait, en vérité, de se connecter à une batterie qui l'électrocutait à une telle puissance que l'officier n'eut pas une seconde pour réfléchir. Sa seule pensée fut de ne surtout pas saisir la flèche de l'autre bras, sous peine de diffuser le courant en boucle et de finir grillé sur place. Il décapita la pointe d'un coup de fourreau et vit un arc électrique en jaillir un bref instant comme une artère d'énergie se sectionne. Hors de danger immédiat, il dut se reprendre. Déjà Dallas s'était relevé et préparait sa flèche suivante, avec bien plus de force de tension cette fois.
Le bras de Hadoc se macula d'une flaque rouge sombre qui se répandait sur sa peau. Comme une puissante hémorragie interne sous une peau de verre, les canaux sanguins irriguèrent la teinte et envahirent chaque parcelle de sa peau, jusqu'à ce que tout son bras prenne la couleur du renfort au haki dont il se servait comme une cuirasse. Il para de l'avant-bas la première flèche de Dallas, sans en craindre le choc électrique. La pointe, sitôt enfoncée contre la peau cramoisie du Marine, déclencha un puissante explosion qui le projeta au sol. Des débris s'étaient enfoncés là où le haki ne le protégeait pas et l'onde de choc, couplée au traitement précédent et à l'était fiévreux du commodore, lui donnèrent l'impression d'être passé dans une centrifugeuse. Il se releva, désorienté, et protégea son corps comme il le pouvait, d'un assaut incertain. Malgré sa protection qui lui assombrissait la peau, le dos de sa veste et de son kimono explosèrent à l'impact et il trottina trois pas pour ne pas retomber. Au moins, il savait où était Dallas. Aussi vite qu'il le put, il se mit à courir vers le milieu du pont. Des explosions firent voler en éclats tonneaux et rambardes alentours, traqué qu'il était par un ancien chasseur de primes nostalgique de ses précédents contrats. Hadoc devait se reposer un instant, alors il alla là où il savait que Clint n'oserait pas tirer: derrière le mât du Flambeur, toujours imbibé d'alcool et prêt à brûler à la moindre étincelle. Adossé au pilier, les yeux toujours agars et les oreilles sifflantes, le Marine reprit son souffle et entendit à peine ce que son adversaire lui disait.
Tu crois que tu peux te planquer là ? Allez, sors, que je t'offre au moins une mort digne.
Gharr enleva son kimono en lambeau des lombaires aux omoplates. D'une rapide inspection de son corps, à l'oeil et à la palpation, il sentit les morceaux de flèches figés dans sa chair et évalua les mouvement s qu'il devrait éviter pour ne pas empirer la situation. Son sang battait dans son crane comme un tambour et la sueur lui chatouillait le bout du nez. Mais la véritable mauvaise nouvelle, c'était que son propre arc, lui aussi dissimulé dans sa veste, avait été bousillé par les explosions. Il fallait un plan B pour casser la distance car tant que Dallas couvrait le terrain, il dominait le combat.
Hadoc baissa la tête pour éviter le rasoir du boomerang que Clint lui avait envoyé en reconnaissance. Le chasseur de primes avait souffert des deux coups de sabre; il savait que le Marine pouvait le vaincre assez rapidement au contact. C'est pourquoi il évitait soigneusement de s'approcher et harcelait sa proie en attendant qu'elle soit obligée de quitter son couvert. Les chasseurs de primes étaient très patients.
En moins d'une trentaine de secondes, Gharr avait bandé ses plaies les plus urgentes et récupéré ses esprits. Par ironie, il pris le temps d'ouvrir le flacon du docteur de Dallas et avala un cachet anti-fièvre, comme s'il allait le soulager immédiatement. En méditation, il commanda à son corps de se calmer, à la douleur de moins lui harceler le jugement et lança son esprit à la recherche d'une solution. Elle lui vint littéralement en tête, lorsque le boomerang lui frappa la tempe sans l'endommager, avant de rouler au sol. Gharr le ramassa et l'inspecta. Avec une pointe de couteau et un peu de haki, il créa à la hâte des encoches sans faire voler en éclats le matériau. Avec un morceau de corde du mât, il finit son petit arc improvisé. Les flèches manquaient encore, mais là encore Dallas pourvut à tous ses besoins.
Une pluie de projectiles tombés des cieux, comme un appel aux prières entendu. Elle se fichèrent autour du commodore sans exploser, sans même lui imposer un mouvement d'esquive. Bien entendu, Gharr n'était pas idiot. Il savait que rien n'était trop facile avec cet adversaire. Alors, par instinct, il s'éloigna tout de même de la zone en employant le pas léger, au cas où les pointes étaient programmées pour déclencher leur piège à la vibration de proximité.
Ce n'était pas le cas. En revanche, toutes les flèches crachèrent un épais gaz peu avant que Hadoc en quitte la zone d'effet. Enfumer le terrier, bien sûr ! Le chasseur connaissait son affaire. Tout comme il devait savoir que soit Gharr était piégé du gaz, soit il s'en était éloigné pour se trouver là où lui était à cet instant précis. Nulle doute que Clint pouvait tirer à l'aveuglette avec une précision redoutable. Si le Marine voulait inverser la tendance, il devait devenir le prédateur. Il fallait donc l'arme adaptée et le terrain favorable. Le révolutionnaire ne s'attendrait probablement pas à ce que sa proie se jette volontairement dans son piège.
Gharr obtint des yeux couleur sang et fondit en silence total dans le nuage de gaz. Sans se permettre de respirer, il tâtonna pour trouver les flèches plantées au plancher et en récupéra une poignée, qu'ils aligna toutes sur la même corde de son arc. Lui aussi était archer. Il était même la raison pour laquelle une division entière de la Marine ne se servait plus d'armes à poudre. Et même s'il n'avait pu identifier précisément l'emplacement de l'autre franc-tireur, il avait assez de projectile pour percer toutes les possibilités.
De son point de vue, Dallas ne vit qu'une salve de flèches sortir de son nuage toxique, comme si un peloton entier l'avait tenu en joue. Des flèches trop rapides pour appartenir à un simple arc. Il dût à ses réflexe son salut, surtout lorsqu'il vit que les flèches traversaient la coque comme du papier. Néanmoins, deux passèrent pour lui traverser une cuisse et le flanc. A son tour de ressentir la douleur d'un corps percé et la peur primale de l'être qui ne veut pas mourir. Car sans l'aide de son médecin de bord sans un futur assez proche, il mourrait avant même que les plaies s'infectent.
L'arc du révolutionnaire abandonna son projet de tuer le commodore. Clint voulut décamper, ignorant si une autre salve allait suivre, mais fut bien vite rattrapé par Gharr qui lui fêla le talon en y plantant la pointe électrifiée qu'il avait reçue auparavant. Le dernier soubresaut électrique du projectile suffit à immobiliser l'archer au stetson. Et si cela n'avait pas été le cas, Gharr le braquait et était prêt à le clouer à son propre navire dès la prochaine fourberie.
C'est pour ça, que vous avez trahi, Monsieur Clint ? Pour une vie courte et sans gloire ?
Epargne tes sermons et achève-moi, si t'en as. Je ne finirai pas au bout d'une corde.
Individualiste et autocentré. Vous avez plus du pirate que du révolutionnaire. Ce n'était pas avisé de tuer Monsieur Jones. Vous pensiez que nous n'avions pas compris qu'il cherchait à couvrir les siens en se rendant ? Qu'il n'a pas déjà été interrogé par nos services avant d'être emmené à l'échafaud ? Que sa condamnation n'était pas la meilleure solution pour tout le monde ? Tout ce que vous avez gagné, en menant votre petit opération d'assassinat, c'est que vous venez de confirmer au Gouvernement Mondial qu'il y a bien une cellule plus vaste de révolutionnaires à la Nouvelle Ohara. Vous venez peut-être de condamner vos propres alliés à une purge bien plus radicale encore. A défaut de vous sermonner, permettez-moi au moins de vous féliciter, Monsieur Clint.
Vous savez c'est avant tout un travail d'équipe.
Hadoc le rejoignit et l'observa un instant. Dallas était surpris des révélations, aucun doute là-dessus. Cela ressemblait encore à une histoire de pantins employés par des révolutionnaires qui prétendaient agir pour le peuple. Il agissaient surtout par lui. Constatant que son adversaire était hors de combat, Hadoc sortit ses menottes pour l'arrêter et en finir avec cette mascarade.
Alors, je suis désolé pour vous. L'un des vôtres s'est servi de vous pour faire une sale besogne. Vos mains, Monsieur Clint.
Le commodore s'apprêta à lui passer les pinces, quand des pas de course derrière lui l'avertirent du danger. Il esquissa un mouvement de son boomerang sans quitter Dallas du regard, qui lui vit la lame d'air creuser un sillon dans le plancher et briser net tous les os de la cage thoracique du membre du Lotus Pourpre. Toujours vivant, mais incapable du moindre mouvement, la femme armée d'un sabre de la Marine s'écroula, inconsciente avant l'impact. D'autres soldats de la Triade avaient investi le Flambeur, seul moyen pour eux de tenter la fuite. Malheureusement pour eux , le cerbère de la Marine n'allait pas tolérer qu'un seul d'entre eux rejoigne le monde des libres.