Rappel du premier message :
À l’aube de cette nouvelle journée, le vent se fit toujours autant glacial. La vie reprit plus ou moins son cours depuis la grande bataille opposant la flotte du Malvoulant. Red et sa flotte, accompagnés de Jeska, partirent pour régler certains préparatifs essentiels. Quant à Yukikuraï, il dut également s’en aller afin de mettre de l’ordre dans certaines affaires personnelles. Ragnar n’en demanda pas plus. Il faisait entièrement confiance à ses hommes, ils le lui rendaient plutôt bien. Mais ses hommes, justement, mourraient de froid. Entraînés à vivre dans des conditions difficiles, celles-ci devenaient bien trop pesantes.
En effet, le lendemain de ce chaos, les prêtres décidèrent de passer à l’offensive en accusant cette coalition d’avoir attirée l’armée de l’empereur Teach. Les plus crédules semblaient y croire, tandis que les plus éclairés se remémoraient ces derniers mois de feu et de sang. Apache n’était pas venue pour la première et serait très certainement revenue d’autres fois encore, elle connaissait bien le chemin. Mais la Révolution, ou disons Ragnar, posait problème avec ces manières... brutales ? Il donnait un pouvoir au roi qu’il n’avait, d’après les lois de ce pays, pas acquis malgré les liens du sang avec le défunt couple royal.
Depuis lors, l’armée révolutionnaire dut quitter le palais et avait un droit de séjour sur Granita, port principal où la température n’était pas la plus fraîche, mais pas la plus agréable non plus. Alors oui, les hommes râlaient, se disputaient, commençaient même à s’affamer. Les graisses maintenaient le corps à une température acceptable, mais il fallait en contrepartie alimenter ce corps. Ragnar, lui, dans sa tête, était jusqu’ici resté enfermé à méditer. Il ne sortait de sa jambe que de rares instants pour se dégourdir les jambes et vider sa vessie. Il ne répondait à aucune question, n’échangeait de mots avec personne. Enfermé dans sa tente, il méditait. Simplement.
Kardelya et Suelto furent les plus bousculés. Alors que le commandant était en train de dépérir dans sa tente, la jeune Excuse devait gérer l’armée présente, calmer les ardeurs des uns, rassurer les craintes des autres... ce qui, quelque part, faisait partie de ses fonctions quand Ragnar n’était pas en mesure de les assurer. Cependant, il n’était ni mort, ni malade, ni atteint de démence, bien que l’on pût se réserver pour la dernière option. Un beau jour, quand la situation lui sembla insoutenable, Suelto Visconti prit son courage à deux mains et pénétra les loges de son chef sans avoir la permission.
À l’intérieur, il tomba des nus. Ragnar était méconnaissable. L'odeur qu’il dégageait était immonde, mais son apparence tout autant épouvantable. Frêle, sale, le visage creusé et l’air mort. Pourtant, il pouvait palper cette aura qui se répandait autour de lui. C’était en raison de cette puissance contrôlée qu’il ne prit aucune pincette en s’adressant à l’Empereur révolutionnaire.
- À quoi joues-tu, Ragnar ? Ton armée se meurt, exactement à ton image, mais tu restes ici les yeux fermés. Je te savais fêlé, tout en parvenant à te comprendre un tant soit peu, sauf que là...
- Ils arrivent, coupa sèchement l’Atout.
- Hm ? De qui parles-tu ?
- Des premiers soldats révolutionnaires assignés à résidence à Winter Island.
Un silence peu cordial s’installa.
- Tu ne comptes tout de même pas instaurer de force un QG révolutionnaire ? Et regarde-moi quand je te parle, s’agaça le bras gauche de Ragnar.
Il ouvrit les yeux et sembla gêné par luminosité, comme s’il n’avait pas vu la lumière depuis des jours.
- Pardonne-moi, Suelto. J’ai tellement usé de mes sens que j’ai perdu l’habitude d’utiliser mes yeux. Je t’expliquerai tout plus tard. Il est temps de nous mettre en marche. Le prince nous attend.
Il se leva avec difficulté, tapota l’épaule de son camarade et sortit de la tente. Suelto le suivit.
- Avant ça, je crois qu’une toilette s’impose.