Mama n’était pas venue à bord du Cuisino de gaieté de cœur. Elle savait que tout l’énerverait ! Le principe même l’énervait ! Mais elle avait dû une faveur à sa timonière et ainsi elles se retrouvèrent ici.
D’abord, le désenchantement fut grand, pour plein de raisons.* Le ticket doré s’était révélé être un ticket en pyrite : la même couleur dorée, mais une délicieuse petite odeur d’œuf pourri en plus ! Le all inclusif ne faisait plus autant rêver. La cabine personnelle idéalisée s’était transformée en poste d'équipage. Mais pas n’importe lequel ! Non ! Celui des techniciens ! Ceux responsables de la salle des machines ! Et donc mitoyen à celle-ci afin qu’ils pussent intervenir à tout moment en cas de dysfonctionnement ! Il y faisait une chaleur insoutenable, même pour une originaire de Torino, et le brouhaha de la mécanique était incessant !
De ce fait, Mama et Sasha avaient davantage passé de temps ailleurs que dans leur poste d'équipage*, tant et si bien que quelqu’un qui ne connaissait pas leur situation aurait juré avoir devant lui ou elle de véritables petites fêtardes !
La bonne humeur en moins …
C’était pour cela que Mama se tenait devant cette porte, devant ce Pacifista à qui elle s’était présentée en tant que candidate. Grande protectrice de l’écologie et de la nature, elle exécrait la maltraitance animale. Et la détention pour le spectacle était un de ses pires piliers. Plus qu’un éventuel domptage, elle voulait montrer aux gens que si on leur foutait la paix, ils …
Le Pacifista avait ouvert la porte.
Elle s’avança et immédiatement une vague de chaleur vint lui coller à la peau, lui couper le souffle et lui touiller les intestins. La lumière était rouge tamisé, ce qui donnait à la pièce une allure inquiétante. Elle était partiellement recouverte de sable brun qui collait aux semelles et décorée de quelques arbres extrêmement noueux, visuellement morts mais aux larges feuilles vertes.
Mais plus important que ça ! Il y avait un horrible oiseau noir et décharné au milieu de celle-ci, enfermé dans une immense cache dans laquelle on la poussa en s’empressant de la refermer à clé derrière elle.
— Tout-Moche ?! C’est toi ?Non, ce n’était pas lui.
— KwéÉéÉé !Non, ce n’était définitivement pas lui. Même si Tout-Moche était, auparavant, effectivement moche. Il, ou plutôt elle, avait bien changé ... Et elle ne ressemblait certainement pas à ça ...
Il commença par s’envoler du plus qu’il pût avant de fondre sur Mama en la mitraillant de violents coups de bec sur lequel poussaient à-même des dents acérées. Elle les esquiva gauchement.
— OUAIS BEN CALME-TOI, MON VIEUX, HEIN ! SOUVIENS-TOI QUE QUAND ON AVAIT QUATRE ANS, TU FAISAIS MOINS LE MALIN SUR TORINO !Mais ce n’était toujours pas lui.
Il se réfugia dans un coin de la cage, de trois quarts face à Mama.
— Mais comment veux-tu que je montre à tous ces conn… à tous ces gens que c’est horrible de capturer des animaux sauvages si tu ne me laisses pas faire ?Et … non. Il ne la laissait pas faire. Il se rua sur elle, toujours de trois quarts face avant de pencher la tête perpendiculairement au ras du sol grâce à son long cou souple et d’ouvrir grand son bec !
Avec une grâce que personne ne lui aurait soupçonnée, même pas elle, Mama bondit par-dessus l’organe kératineux qui tenait davantage de la scie que du rasoir et vint lui coller une mandale sur le sommet du crâne !
— T’as appris ça où ? Tu le faisais pas à l’époque !Comme pour lui répondre parfaitement, il lui montra l’étendue de ses talents. Elle était désormais un peu excentrée par rapport à l’arrière de son flanc droit, il leva la patte droite. Elle pensait que c’était une manière un peu excentrique et peu fiable de monter la garde, mais elle se trompait.
Son cou décharné ondula, faisant claquer toutes ses vertèbres, et vint se glisser sous la patte levée pour tenter de mordre frénétiquement la révolutionnaire ! Alors qu’elle s’était mise à tourner autour de lui pour éviter ses coups, il tendit les extrémités de sa patte gauche avant de les réunir en un seul point pour se percher dessus et de se laisser pivoter grâce à son élan, comme une vraie danseuse étoile !
— C’est peut-être pas toi alors …Quand elle le comprit enfin, les choses sérieuses commencèrent.
Elle se détala dans le coin opposé de la cage, tendit bassement ses mains, paumes bien en évidence, les doigts pointant vers le sol.
— Je ne te veux pas de mal ! Je ne suis pas ton connard de maître !Ses yeux caves et mornes frétillaient de stress dans leur orbite. Il émit des grognements de méfiance qui ressemblaient davantage à des ronronnements de gros félins.
— Là ! Tu vois ? Je ne te veux aucun mal ! Je te demande simplement de me laisser te caresser, rien de plus.Elle lui parlait d’une voix lente et rassurante, et même un peu plus aiguë. Elle ne savaient pas pourquoi, mais cela avait tendance à rassurer les animaux.
Pour toute réponse, il étouffa des cris qui cette fois ressemblaient à des aboiements de canidés sauvages.
Elle fit quand même quelques pas vers lui.
Il béa grand son bec, fit claquer sa langue dans l’air et ouvrit ses ailes pour se faire impressionnant. Mais peu après, il s’ébroua. Mama, surprise, trésaillit légèrement.
— C’est rien mon grand, tu m’as juste fait un peu peur ! C’est pas grave !Il se mit prudemment de côté pour l’observer d’un seul oeil. Elle continuait d’avancer.
— Je vais arriver, et je vais te toucher. N’aie pas peur ! Je vais juste te flatter.Peut-être que Mama lui parlait autant qu’elle se parlait à elle-même, pour les rassurer tous les deux. Dans cette situation, il n’arrivait rien à perdre, mais elle, elle tenait à son bras.
Ses doigts effleurèrent enfin ses plumes rêches et noires.
— Kwéééé … ! cracha-t-il, sur ses gardes.
— C’est bien, grand ! Je vais encore m’approcher, hein ?Alors qu’elle était enfin parvenue à le caresser un peu plus franchement, son regard fier s’ouvrit enfin à tout le reste qui l’entourait.
Alors qu’elle était enfin parvenue à le caresser un peu plus franchement, elle entendit le présentateur clamer :
— Candidate Mama Boutanche, éliminée ! Veuillez rejoindre l’équipage de Sainte Adela Otero Nibal y Milcar, s’il vous plaît !Soudainement, elle adopta le même regard que l’animal : noir, cave, et morne. Ses yeux balayèrent la salle. Elle l’avait estimée plus petite que cela en entrant ! Elle n’avait pas vu la foule, ni même … une seconde cage ?
Une seconde cage dans laquelle il y avait le même type d’oiseau ! Une seconde cage dans laquelle il y avait une dompteuse qui avait visiblement joué de son fouet sur l’animal martyrisé. Malgré son plumage inégal et horrible, du sang sourdait clairement de bandes de chair à vif. La pauvre bête répondait docilement, de peur, à tous les tours qu’elle lui imposait, devant les applaudissements des spectateurs émerveillés.
A part elle-même, elle maugréa :
— Si c’est elle ta maîtresse, bouffe-la, la prochaine fois.On lui ouvrit enfin la cage et elle en sortit. Elle pestait encore dans sa barbe inexistante, sans même un regard pour qui que ce fût.
— Sasha, ma fille, tu vas me le payer ! Je voulais pas venir là, moi, à la base !(* tout ceci viendra en RP en temps voulu)