Négociations musclées

Les négociations avec le roi d’Erbaff se sont bien passées, si l’on omet le fait qu’il veuille m’utiliser contre les Mangemondes et Kutroshinsky. Soit, ce n’était pas prévu mais je vais peut-être pouvoir rallier les Mangemondes à ma cause. J'ai passé un accord avec Erbaff et je compte bien leur prouver ma valeur.

J’ai d’abord fait un détour par Parisse pour y tester le stratagème que j’escompte user à ChâteauGéant. Et aussi parce que de Parisse, l’une des aiguilles du trilog pointerait sur ma destination.

Heureusement, le transport était plus simple depuis Parisse. Généralement il me suffisait d’un bâton plus ou moins long, auquel j’ajoutais la mouette de la gazette comme appât, et à l’eau. Je réitérais le processus en utilisant la nouvelle prise, à laquelle j’injectais des phéromones pour accélérer la pèche, comme appât jusqu’à obtenir une poiscaille suffisamment grande pour me transporter sans encombres, avec un regard royal pour le soumettre.

Mais sur Erbaff… Les oiseaux faisaient la taille d’une cabane, et une branche la taille d’un tronc. Je crois que c’est ce qu’on appelle la pèche au gros ? Qu’à cela ne tienne, mes hormones me permettaient d’adapter ma taille au décor. Tandis qu’à Parisse, la méthode traditionnelle était plus que suffisante.

Et ainsi me voilà à dos d’un serpent de mer géant qui me véhicule jusqu’aux Mangemondes.

Le voyage fût long. Heureusement que la gazette est toujours accompagnée d’une belle volaille. Ma monture changea par deux fois au cours du trajet : attaquée par un monstre marin plus fort, que j’ai domestiqué ensuite. Non sans profiter de la chair laissée par le perdant pour me remplir la panse. Qui a dit que l’océan est dangereux ? Il offre tout ce dont on a besoin pour y survivre.

Finalement, je suis arrivé à destination. J’ai demandé à Plouf Plouf, le monstre marin, de rester dans les parages au cas où je doive quitter l’île dans l’urgence sans prendre le temps de pécher. Je me suis ensuite assis sur ce rivage.

« Marc ? Tu m’entends ? Tu peux venir ? »

Je fis bien des rencontres pendant mon séjour à Parisse, et ma seconde sur Armada m’envoya des personnes dont les compétences devaient me plaire. Et bien testons les de suite !

Du petit miroir d’un pouce que je porte en médaillon autour du coup sortirent quelques mèches de cheveux noires. Elles formèrent un grand ovale devant moi où un miroir apparût. L’instant suivant, un vieil homme traversa le dit miroir.

« Bonjour Marc. »
« Capitaine. Ou dois-je t’appeler chef ? Patron peut être ? »
« En tant que pirate je dirais que capitaine est le plus approprié. Mais Reyson c’est bon aussi. »
« C’est noté capitaine. »
« Peux-tu cartographier cette île et me l’a montrer ? »

Le vieil homme acquiesça avant de s’asseoir , et devant lui une maquette en trois dimensions commençait à prendre forme sous l’apparence d’un hologramme, démarrant par ce rivage et se complétant petit à petit.

« Val ? Pendant ce temps est ce que tu peux aller observer les gens de ChâteauGéant pour analyser leur coutume vestimentaire depuis le monde miroir ? Je veux qu’à chaque fois que je changerai de quartier ou de lieu, j’ai la tenue appropriée pour passer inaperçu. »

Cette fois ce sont des cheveux châtains qui sortirent de mon médaillon pour prendre la forme d’une main au pouce levé, signifiant la confirmation de la demande. Des cheveux noirs succédèrent à la main et se configurèrent en un point d’interrogation.

« Je ne t’oublie pas Alice. Tu peux tâcher de trouver le point d’accès le plus près du dirigeant de cette île ? »

Nouvelle main de cheveux au pouce levé. Les directives étaient données, et pour la première fois je n’aurais pas à agir et récolter les informations seules. Elles me seront offertes sur un plateau, et ce sans risquer de se faire repérer. N’est-ce pas magique ? C’est probablement le début d’une belle et longue collaboration. La combinaison des fruits du miroir, de la cartographie, et des vêtements, avec mes pouvoirs hormonaux… J’ai tellement hâte que j’ai dû mal à contenir mon excitation, comme une pucelle à l’idée de son premier baiser. Les Mangemondes n’ont aucune idée de ce qui les attendent.

Je m’installe près de la carte holographique en cours de complétion et je laisse mon Empathie voyager sur l’île pour combler ce qui manque sur la carte : les êtres vivants. Je me rends compte bien vite, et à ma grande surprise, qu’il y a bien plus d’humains que de géants, et que ces derniers ne se comptent qu’en centaines. Le problème viendra-t-il plutôt des humains ? En recoupant la carte, la localisation des êtres vivants, leur niveau de puissance, … J’essaie de deviner où se trouve le grand chef, d’identifier les quartiers et bâtiments particuliers : caserne de la milice, palais, etc…

Une fois toutes les données en main, Marc retourna dans le monde miroir et je camouflai le miroir sous une fine couche de terre : assez épaisse pour qu’on ne voit plus le miroir, pas assez pour m’empêcher de quitter le monde miroir par là. Mon issue de secours était ainsi préparée, il ne me restait plus qu’à me lancer.

Les cheveux châtains de Val sortirent du médaillon tandis que je me dirigeais vers ChâteauGéant. Je lui donnais un petit caillou qu’il posa sur ma tête avec ses cheveux, et pof, l’instant d’après ma tenue avait changé. Je modifiai également mon corps grâce aux hormones en fonction des directives de Val : que je ne sois pas le seul blanc au milieu de noirs, ou le seul blond au milieu de roux par exemple.

Identique à n’importe quel locaux, j’entre par le quartier où je ressentais la plus grande concentration et les plus faibles humains.

ChâteauGéant est bien différente d’Erbaff. Là bas absolument tout était gigantesque, ici toutes les tailles coexistent ensemble et il est difficile d’y trouver une logique, même avec une carte de l’île. Certes le centre abrite les monuments les plus grands, et si je fais le lien avec le nombre de géants et leur force, le dirigeant doit se trouver par là bas. Mais pour ce qui est du reste… les demeures taille humaine et géante se succèdent et se chevauchent dans une anarchie déconcertantes. J’ai pu néanmoins noter que la proportion de bâtiments à taille humaine est plus grande lorsqu’on s’éloigne du centre, ce qui n’est pas étonnant du fait de leur hiérarchie mais aussi de leur nombre : plusieurs centaines de milliers !

Bon, si je viens de l’extérieur de la cité, ce serait plus louche que si je sortais d’une maison. A ma demande, les cheveux noirs d’Alice apparurent du médaillon pour former un miroir suffisamment grand par lequel je pouvais passer.

Me voici dans le monde miroir où mes nouveaux hommes attendent mes ordres. Cette mission est idéale pour tester leurs compétences et voir si je peux avoir confiance en eux. S’ils méritent de porter mes couleurs et commander en mon nom les nombreux sbires qui patientent derrière eux et qui sont venus me rejoindre sur Parisse, comme eux. Mia qui gère mon cadran à Armada m’a envoyé de belles pépites, j’espère seulement que ce n’est pas parce qu’elle a appris que je partais seul et qu’elle s’inquiétait pour moi. Face à moi, le vieil homme Marc est assis dans une chaise à bascule, projetant toujours la carte de l’île sous la forme d’hologramme qu’il étudie minutieusement. En train d’observer les miroirs proches de celui relié à mon médaillon, Val observe les gens qui peuplent ChâteauGéant. Il apprend leur tenue, leur mimiques, leur coutume, … lui qui aime se glisser dans de nouveaux personnages, le fruit des vêtements lui sied à merveille. Et juste là, droite et impatiente, le regard qui ne se détache pas une seconde moi, ma pièce maîtresse : une jeune fille appelée Alice qui possède le fruit des miroirs et qui nous permet tout ça. Et derrière eux, de nombreux autres hommes qui n’attendent que les ordres.

Moi qui pensais agir seul, je me retrouve finalement avec une armée en permanence sur moi. Ce qui n’est pas plus mal, bien que je m’interroge sur les intentions de cette Alice. Elle m’a dit être envoyée par Mia, comme les autres, mais ma seconde sur Armada a démenti cette assertion. Je ne l’ai pas encore confrontée : ses compétences sont intéressantes alors je vais l’étudier avant de la mettre aux pieds du mur. Autant que je profite d’elle tant que je le peux, et si elle prévoit de me piéger j’en saurais davantage sur ses capacités en plus d’être sur mes gardes.

Mais je digresse. Revenons à ChâteauGéant, il nous faut trouver un miroir qui donne sur une pièce à taille humaine et qui est vide. Voilà, cette salle de bain semble bien. J’y vais et… je sens qu’il y a deux humains dans la salle en dessous. Demi-tour, et on essaie un autre miroir jusqu’à trouver une maison vide. Nous sommes en pleine journée après tout.

Voilà, je sors d’une maison et me voici dans la grande cité de ChâteauGéant ! Je marche tranquillement dans la rue, volontairement proche des gens que je croise pour que mes longs cheveux puissent les effleurer et que certaines mèches leur injectent distraitement des hormones. Je demande à Marc de marquer ces personnes sur sa carte, que nous ayons un repère des gens infectés. Ce qu’ils ont ? Rien. Mais ils diffusent des hormones autour d’eux, à la manière des phéromones, sauf que ces hormones mettent le cœur à rude épreuve et provoquent des crises cardiaques. Sauf les trois premières personnes que j’ai contaminées : elles elles diffusent des hormones du sommeil dont la concentration montrera les premiers cas dans quelques heures. Ils serviront d’exemple. Quant aux autres diffuseurs, ce sont bien les hormones cardiaques qu’ils diffusent et les premières victimes de crise devraient survenir dans trois jours.

A la moindre personne qui me harangue, j’accélère le pas pour changer dans la rue suivante à la fois d’apparence et de tenue. Phénomène qui se produit également lorsque je change de quartier, Val choisissant les vêtements qui correspondent le mieux à l’endroit où je circule. Après avoir créée une dizaine de diffuseurs, je change généralement de quartier. Et pour étendre au maximum les zones touchées dans la ville, il m’arrive d’entrer dans des maisons vides ou des rues désertes pour profiter d’être seul afin de retourner dans le monde miroir et réapparaître à l’opposé de la cité.

Ainsi je me rapproche doucement vers le centre de ChâteauGéant avec mes arguments : j’en suis à 102 diffuseurs humains et quatre géants répartis ça et là dans la ville.

Je garde la cadence et je continue tandis que Val qui observe la vie dans ChâteauGéant commence à comprendre son fonctionnement avec un curieux mélange d’administration et de dégoût : les Mangemondes, les géants de cette île, se nourrissent d’humains. On pourrait croire que c’est surprenant, sachant qu’ils sont quelques centaines face à un demi million d’humains. Ils pourraient les renverser, s’échapper, n’importe quoi ! Mais ils n’en font rien. Cette situation convient aux humains. Pis encore ! Ils vivent autour de cette philosophie et déifient les Mangemondes ! Les humains semblent se diviser en différentes castes : il y a les serviteurs des géants qui sont au sommet socialement, les bâtisseurs qui construisent pour les géants, ceux qui servent de repas et acceptent ce destin sans broncher, ceux qui garantissent la bonne qualité de ces plats, ceux qui se reproduisent pour renouveler le stock, … Figurez vous que ceux qui gèrent la sécurité et l’application des lois sont aussi des humains ! A se demander ce que font les géants, à part profiter de la vie et manger ? Sont-ils vraiment apparentés aux grands guerriers d’Erbaff ?

De retour dans le monde miroir, je fais un bilan rapide avec Marc qui m’indique le nombre de repères qu’il a placé et qu’on voit bouger sur la carte holographique de l’île.

« Nous en sommes à 482 humains et 10 géants capitaine. Mais je te rappelle que je ne peux pas marquer plus de 500 personnes en même temps pour le moment. Déjà là, je dois rester concentré dessus pour pas les perdre… »
« C’est noté, il est temps d’aller proposer à leur dirigeant de sauver son peuple. »
« Et de ce que tu nous as dit, les premiers dormeurs arriveront dans la demi heure. »
« Parfait timing ! Alice, où est mon ticket d’entrée ? »

La jeune fille me montre un large miroir qui donne sur une salle de bain tout aussi gigantesque. C’est la demeure d’un géant à n’en point douter, d’ailleurs c’est même le palais central ! De la tête, je fais signe à Val qui pose une pierre sur ma tête. Je me rends alors dans la fameuse salle de bain où je change d’apparence et adapte ma taille au mobilier qui m’entoure. D’un pof, Val modifié ma tenue en conséquence, selon ce qu’il a pu observer des géants qui circulaient dans ce château. Les Mangemondes m’ont semblé plus petits que les géants d’Erbaff, et je fais la moitié d’un guerrier adulte de là bas. Mon déguisement devrait convenir.

Je laisse le Haki perceptif localiser l’individu le plus fort de cet endroit et Marc m’indiquer l’itinéraire le plus court pour le rejoindre et m’informer sur le type de salle dans laquelle je vais le trouver : la salle du trône d’un château ça s’identifie sans mal sur une carte. Et je peux sentir s’il est seul, ou s’il est plutôt le guerrier le plus fort qui sert de garde du corps au souverain plus faible par exemple.

Les festivités vont pouvoir démarrer !

C’est là toute la difficulté d’infiltrer un lieu important : une apparence ne suffit plus, il faut une identité. J’ai hésité à copier l’apparence d’un des Mangemondes croisés, mais je garde cette possibilité sous le coude pour plus tard. J’ai déjà une idée d'alibi toute prête. Mais je m’interroge quand même : ils sont plus petits que les géants d’Erbaff ou je me trompe ?

Et ce qui devait finir par arriver arriva : on m’interroge. Et ce n’est pas n’importe qui : l’individu le plus fort de cette île. Le champion ou le dirigeant ? En tout cas je ne l’amadouerai pas d’un coup de Haki Royal. Non, lui peut être dangereux pour moi, et il n’est pas le seul ici d’ailleurs. Mais j’ai conscience que je n’ai pas la toute puissance de Red. Ma force à moi est ailleurs. Et surtout, j’ai ma tête :

« C’est normal, c’est ma première fois ici. Je suis une nouvelle recrue de Kutroshinsky, il m’envoie porter un message pour votre chef. »

Bingo ! Ils sont alliés non ? Tant qu’il n’aura pas vérifié l’information, il ne pourra rien me faire, sinon il prend le risque de se mettre son allié à dos.  

« Tu me montres le chemin ? Je m’y perds avec votre architecture. »

Ne pas lui laisser le temps de vérifier de son côté mais l’occuper avec moi. C’est une méthode. De toute façon s’il va vérifier, je serais déjà devenu quelqu’un d’autre lorsqu’il reviendra.

Une arène et d’autres Mangemondes ? Chouette ! Bon, ils ont verrouillé les entrées, mais je peux toujours m’échapper par le haut ! Ou via un miroir en dernier recours. Néanmoins il ne m’a pas attaqué, ou pas encore. Ce qui signifie que j’ai possibilité de m’en sortir sans combattre, à condition que je trouve les bons mots. D’ailleurs, comment sait-il que j’ai menti ? Est-ce un coup de bluff ? Il est préférable de changer de sujet. Lui montrer que j’ai menti risque d’être la raison qu’il attend pour me frapper. Non, portons plutôt son attention sur autre chose, mais pour ça il faut un sujet d’importance.

« Je suis la seule personne capable de sauver la totalité de votre peuple du mal qui l’affectera dans trois jours. »

Bien que je sois également la source de ce danger, mais ça ne retire en rien la véracité de mes propos : je sais qui sont les diffuseurs et je peux leur retirer ce phénomène, réduisant le nombre de victimes à zéro. Eux, même si par miracle ils parvenaient à identifier les diffuseurs, hormis les tuer ou les bannir, ils ne pourront résoudre le problème. Je suis donc la seule personne capable de les aider… comme je les ai condamnés.

« Je suis là pour négocier le prix de mon aide avec votre dirigeant. Et si vous ne me croyez pas, les premiers symptômes bénins, c’est-à-dire non mortels, devraient commencer à apparaître dans les minutes à venir. Dans trois jours, ce sera pareil mais d’une toute autre ampleur et les victimes y laisseront leur vie. »

Est-ce qu’il a compris tout ce que j’ai dit, ou aurais-je dû adapter mon vocabulaire ? Vous mourir dans trois jours si vous pas m’écouter ? Plus qu’à attendre le verdict en restant sur ses gardes.

Je retire ce que j’ai pu penser : qu’ils soient d’Erbaff ou d’ici, les géants sont tous les mêmes. Il faut d’abord faire une démonstration de force avant de pouvoir parler. Néanmoins ce ne sera pas aussi facile qu’à Erbaff. Mon adversaire est bien plus fort. Cependant : cette fois je ne suis pas seul.

« Des menaces ? »

Tandis que le géant s’avance, je me mets à rétrécir jusqu’à retrouver ma taille et mon apparence originelle. Ma réputation a-t-elle atteint cet endroit ? Mais je me doute qu’elle ne suffira pas. Alors montrons leur !

« Je ne menace que ceux qui sont à ma taille. Les insectes, je les avertis.
Vous êtes avertis. »

La seconde qui suit, mes cheveux poussent et se déploient dans toutes les directions pour toucher les Mangemondes qui nous entourent. Une seule mèche qui les atteint, et ils recevront une dose d’hormone du sommeil assez forte pour dormir trois jours sans discontinuité. Quant au colosse me faisant face, ce sont mes dix ongles qui l’assaillent, certains visant les jambes, d’autres les bras ou encore le buste. Pour lui, nulle hormone soporifique. Je le veux conscient, qu’il soit le témoin de ma suprématie. En plus au vu de sa taille, il est encore plus aisé de l’atteindre. Au moindre contact, il deviendra cardiaque, ses os se fragiliseront, poreux, ses muscles fondront, sa taille diminuera, il deviendra rachitique, méconnaissable, et le cocktail sera accompagné d’une émotion particulière : la peur.

L’ensemble de mon corps, de mes cheveux jusqu’au bout des ongles, est couvert de la couleur noire de l’armement. Quant à la lame du colosse ? Je n'en ferais rien. Je ne bougerai pas et je n’ai pas dégainé ma dague non plus. Ma défense sera assurée par quelqu’un d’autre : du médaillon miroir que je porte sortent des cheveux noirs qui se répandent autour de moi, dessinant des cercles et portant des miroirs l’instant qui suit. De simples miroirs qui servent d’yeux supplémentaires pour Alice et qui miroitent autour de moi ? Non, pas seulement. Un de ces miroirs se place sur la trajectoire de l’arme du géant, et bien qu’il fasse pâle figure face au tranchant noir, le miroir comme ses congénères ont une particularité : ils renvoient les attaques.

J’ai l’attaque ultime qui fait fie de la force et l’endurance de l’ennemi, même du nombre. Aussi puissants soient ils, leur organisme demeurent sujet à mes hormones. Ma forme porc épic pour l’assaut, et la danse des miroirs autour de moi comme une forteresse imprenable.

Voilà le nouveau Reyson D. Anstis.
Entendez mon avertissement, insectes que vous êtes !

Spoiler:

Le miroir s’est brisé. Je n’ai pas le temps de récupérer ma dague, sa lame s’enfoncerait dans mon épaule au moment où je toucherai le pommeau. Je lève alors le bras vers la menace, le Haki noir de l’armement s’entrechoque entre ma paume et la lame. Le tranchant se rapproche malgré tout, prêt à fendre mon bras en deux, mais mon but n’était pas de le repousser. Juste de gagner assez de temps : de mon bras qui tient bon, des poils croissent sur le côté, s’enrobent de noir et impactent la lame par le flan. L’épée déviée poursuit sa chute en longeant mon bras et ma jambe si près que mes vêtements sont coupés par endroits et que du sang perle sur la chair qui se montre.

Lui, je ne dois clairement pas le sous estimer. Et pourquoi mes ongles ne l’ont pas pénétré ? Ce n’est pas la première fois, mais il ne ressemble clairement pas à un pacifista. Serait-il un cyborg malgré tout ? Ou porte-t-il des plaques de métal sous ses vêtements ?

Comme les Mangemondes autour ne se lancent pas dans la bataille, je peux me concentrer sur mon unique adversaire. Mes cheveux rejoignent chacun des miroirs qui lévitent autour de moi et les enrobent de l’armement. A ce sujet, nous sommes sur un pied d’égalité : ses assauts ne briseront plus les miroirs.

D’ailleurs, des divers morceaux de miroirs éparpillés entre nous sortent les cheveux d’Alice qui viennent former d’autres miroirs sur le champ de bataille. Plus le temps passe, plus le terrain sera à mon avantage. Il me suffit d’ailleurs d’un bond pour m’enfuir et disparaître, mais ce n’est pas mon souhait. Ce combat fait partie intégrante de la négociation. J’utilise généralement la ruse dans mes affrontements, mais eux estiment davantage la force brute. Soit, je ne demanderais donc pas à Alice de refléter mon apparence sur l’un des Mangemondes autour. Néanmoins, la ruse invisible reste de la force, tout comme on peut difficilement savoir que ce combat est un deux contre un, Alice n’étant pas visible et ses miroirs fonctionnant grâce à des cheveux alors que je contrôle moi-même les miens. Dans ce même principe, l’injection directe n’est pas ma seule méthode pour toucher : d’une rapide piqûre sur moi, mon corps se met à diffuser les hormones nocives que j’ai tenté d’inoculer au géant avant, à la manière de phéromones. Le temps est clairement de mon côté, et je souris tandis que ma main droite dégaine ma dague.

« Il va falloir faire mieux que ça pour m’avoir… Je te laisse l’honneur : tu ploieras le genou sans que je n’ai à t’attaquer. »

S’il attaque, les miroirs lui renverront ses assauts tandis que le temps qui passe augmentera les effets des hormones sur son organisme. Il en a forcément un : je l’aurais senti sinon. Ou plutôt j’aurais remarqué son absence avec le mantra.

Quelques uns des poils de mon torse passent par le médaillon à mon cou pour injecter des hormones à Alice dans le monde miroir avec des effets inverses à ceux que je diffuse pour qu’elle n’en patisse pas. Par contre, les Mangemondes qui nous entourent subiront. C’est le défaut de ma méthode : je ne choisis pas.

Il me suffit de tenir suffisamment longtemps.

Bien que les chaînes m’affaiblissent à ma grande surprise, ce n’est pas le cas d’Alice qui me protège d’un mur miroir réfléchissant la lame d’air tandis que de l’autre côté j’emploie le Haki de l’armement pour fragiliser et me libérer des chaînes.

« Dôme ! »

Immédiatement après cette consigne, les cheveux d’Alice m’ont encerclé pour former plusieurs miroirs me recouvrant totalement à la manière d’une tente ou d’une pyramide. Je devrais peut être changer le mot d’ordre, mais c’est tout de même plus rapide à dire qu’un parallélépipède triangle ou que sais je encore. Je ne suis pas architecte.

En tout cas, cet abri me protège et me permet un temps de répit salutaire. Ce Mangemonde est un effroyable combattant. Qu’il parvienne à repousser mes phéromones ne me dérange pas : je n’ai rien à faire tandis qu’il doit y consacrer une main en permanence. Néanmoins il m’oblige à ne pas tenir parole : je vais sans doute devoir attaquer.

Heureusement pour moi je suis parvenu à un niveau où je peux me défaire du granit marin, sans cela j’aurais déjà perdu. Ai-je pris ma route solitaire trop tôt ? Vais-je perdre ici ? C’est impensable. Pas lorsque j’agis enfin pour moi-même ! Les géants autour encore valides semblent demeurer spectateurs. Je n’ai donc qu’un adverse.

« Je reconnais que tu es redoutable. »

A l’intérieur de ma pyramide complète – je suis assis en tailleur sur un miroir également – je tiens dans mes mains un miroir de la forme d’une assiette dans lequel mes cheveux plongent, tandis que quelques mèches restent pour solidifier mon abri qui réfléchit les attaques du noir de mon Haki.

« J’aurais préféré ne pas avoir à utiliser cette carte, mais tu ne me laisses pas le choix. »

Des éclats de miroirs éparpillés un peu partout sur le sol sortent mes cheveux et s’élèvent lentement, annonçant ce qui va arriver. Même coupés, ils repoussent et sont remplacés tandis qu’ils sortent de bouts de miroirs trop petits même pour les chaînes du géant. Et s’il compte tirer sur les cheveux, j’y suis attentif avec ma dague en main, prêt à trancher le lien de mon côté.

Les mèches s’amoncellent et encerclent le redoutable Mangemonde avant de fendre sur lui de toute part, de toute hauteur, dans l’intention de chercher n’importe quelle parcelle de chair pour s’y immiscer et injecter les terribles hormones dont le géant s’est admirablement défendu jusque là. Des cheveux, des fils qui exploreront son corps jusqu’à trouver n’importe quel interstice dans son armure pour l’atteindre. Tandis que je suis assis, à l’abri dans ma pyramide réfléchissante et solidifiée avec mon Haki.

Une technique de lâche ? Peut être. Pour moi seule la victoire compte. Et toi, terrible guerrier noyé et subjugué par de simples poils ?

Le Mangemonde était mon parfait antagoniste. Invincible à toutes mes tentatives et d’une puissance brute effroyable. Je dois bien l’avouer : il me surpasse. Si j’avais été seul, j’aurais déjà trouvé la mort. Et pour être totalement honnête : il m’a vaincu. Je ne me souviens pas d’un instant. J’ai perdu connaissance. Combien de temps ? Je l’ignore. Je me rappelle avoir eu l’impression que la foudre me traversait tandis que je me sentais faible comme en pleine mer, puis plus rien.

Et me voici là, allongé dans un monde parallèle et entouré de mes alliés. Je comprends à leur posture et à la douleur sur mon torse qu’ils viennent de me faire un massage cardiaque. Mon cœur s’est arrêté de battre ? A côté, Alice est elle aussi allongée et Marc, le vieil homme cartographe, est en plein massage pour la réanimer. Encore étourdi, j’essaie de tendre le bras vers elle. Val, celui qui s’est occupé de moi, comprend mon intention et m’aide à l’atteindre. Du bout des doigts je lui injecte une dose d’adrénaline qui, couplé au massage, fait reprendre conscience à Alice.

J’ai perdu toute notion de temps pendant ma convalescence. S’agit il de minutes ou d’heures ? En tout cas, les premiers symptômes du fléau dont j’ai affublé ChâteauGéant ont dû se produire. Et tandis que mes acolytes m’expliquent ce qui s’est passé, mon regard fixe ces miroirs où je vois l’invincible Mangemonde toujours debout au centre de l’arène. Marc me dit que l’électricité du géant m’a atteint via mes cheveux et que je suis tombé inconscient. Val ajouté qu’Alice m’a aussitôt fait traversé le miroir sur lequel j’étais pour me secourir, mais qu’elle s’est prise à son tour la décharge lié à la première attaque du colosse sur le dôme de miroir. Le Titan s’est donc retrouvé devant des miroirs brisés tandis qu’ici, dans ce monde de poche, nous étions deux vaincus.

On devrait s’enfuir et revenir avec des renforts, conseille Marc en pensant à Red et Izya. Val suggère simplement d’éviter ce géant, d’attendre que tout son peuple agonise sous l’effet de mes hormones et de reprendre la conversation à ce moment. Alice ne dit rien, elle récupère tout en me regardant. Discrète, elle se demande comment l’homme qu’elle a observé toute sa vie va réagir. Ou plutôt : elle le sait déjà, et c’est pour ça qu’elle se concentre sur sa récupération plutôt que se fatiguer à parler.

« Il est toujours là. » dis-je simplement.

Lui, le parfait antagoniste, le géant qui m’a battu. Il est toujours là debout au milieu de l’arène. Un duel ne peut se terminer par la disparition de l’autre, il faut un corps. Le combat n’est pas terminé pour lui… et il ne l’est pas non plus pour moi.

Marc a raison, je pourrais fuir cette île et revenir avec Red. C’est une solution qui fonctionne. Mais que dira-t-on de moi ? Le grand pirate métamorphe qui se cache sous les jupons de l'Empereur au moindre accroc ?

Val a aussi raison : je pourrais attendre que le fléau ait frappé le peuple de ChâteauGéant et utiliser tous ces otages. Même s’il ne discute pas, la rage qu’il ressentira en me traitant de lâche provoquera des ouvertures dans sa garde. Je peux effectivement le faire, mais me suivra-t-on ensuite ? Moi le lâche qui a été vaincu à la loyale par un géant ?

Non et non. Je dois battre ce guerrier. Pour soumettre ce peuple mais surtout pour moi-même : pour me prouver que je suis à la hauteur de mes ambitions. Après tout mon ennemi est le gouvernement mondial, comment pourrais je parvenir à mes fins si je ne suis même pas capable de battre un seul Mangemonde ?

Oh, j’utiliserai ma tête malgré tout, je ne suis pas de ces barbares qui placent la force brute au dessus de tout. J’emploierai toutes les capacités à ma disposition pour le battre, et les alliés qui m’entourent actuellement et dont les pouvoirs sont complémentaires aux miens en font parti.

« Tu es prête Alice ? »

Son souffle trahit sa fatigue, mais son regard luit d’une détermination sans faille alors qu’elle hoche la tête positivement.

« Bien, alors voilà ce qu’on va faire… »

…

Dans l’arène de ChâteauGéant, tout autour du colosse, du brouillard s’élève doucement des divers débris de miroir. Marc Page emploie son harmonica et sa science du climat tact à partir du monde miroir. Pourtant le géant n'a toujours pas bronché alors que sa vue s’est recouverte. Au contraire, peut être sourit il à l’idée de pouvoir terminer le combat qu’il a démarré ? Le brouillard est certes limité pour quelqu’un qui possède le mantra, mais les miroirs eux sont bien masqués, et le mantra ne permet pas de voir d’un monde à l’autre.

A l’abri des regards, des miroirs assez grands pour un humain adulte se forment autour du géant, grâce aux cheveux d’Alice. J’apparais soudainement d’un côté du titan et l’assaille aussitôt : ma dague rencontre sans surprise sa lame sur le chemin. De ma tête, mes cheveux cherchent à envelopper ses poignets et son cou pour l’immobiliser. Le granit marin et l’électricité ? Val m’a fait une tenue épaisse et isolante qui recouvre l’intégralité de mon corps grâce à son fruit. Et à la moindre faille il peut la reconstituer : je ne toucherai plus le granit et je supporterai le courant, d’autant plus avec la dose d’adrénaline que je me suis injecté juste avant.

Quant à Alice, vêtue de la même tenue que moi, ses cheveux serpentent le sol pour entourer les pieds du géant et former un miroir portail sous chacune de ses jambes : que ses membres s’enfoncent dans le monde miroir et battent dans le vide. Deux portails assez grands pour chaque pied, mais pas pour ses hanches.

Elle immobilise le bas, moi le haut, et je continue de diffuser des hormones néfastes à la façon de phéromones. S’il parvient à récupérer la mobilité pour utiliser sa lame comme une hélice encore une fois, qu’est ce qui empêchera ma dague de poursuivre sa route ?

Tu m’as battu, grand guerrier, je ne le nie pas. Mais ce round ci sera le mien. Il doit l’être !

Tout s’est passé si vite, et le résultat n’est apparu qu’au coup de vent provoqué par la lame du géant et qui a balayé le brouillard ambiant : un résultat effroyable. Marc, Val et Alice, enchaînés et à la merci de Mangemondes. Même nos capacités combinées n’ont pas suffi à faire ployer le genou du colosse invincible.

Je peux encore me battre, et il me reste quelques cartes à jouer, mais à quel prix ? Dois-je poursuivre le combat en sacrifiant mes camarades ? Je veux avancer, me battre pour mon but, mais cela vaut-il le coût si je dois y perdre les autres ? Je ne les connais pas encore très bien, mais je me connais moi : j’aurais dû mal à me regarder dans la glace et même si je venais à l’emporter, ça n’aurait rien d’une victoire pour moi. Je ne sais que trop bien le goût du deuil.

Je lâche ma dague mais je demeure debout et soutiens le regard du géant en colère. J’abandonne la voie de la force, elle ne me sied pas. Mais, en usant de la carte des otages, il m’a rappelé ma carte maîtresse.

« Tue les, ou tue moi, et se faisant tu condamneras la totalité de ton peuple. »

Je promets que s’ils leur font le moindre mal, je laisserais le fléau hormonal s’abattre sur ChâteauGéant. Au jeu des ôtages, je le surpasse.

Heureusement, le géant n’est pas demeuré au point de nous tuer sous la colère. Il n’a blessé aucun d’entre nous, se contenant de nous porter jusqu’au véritable dirigeant. J’ai peut être perdu le duel, saucissonné par du granite marin et laissé tomber au sol comme un vulgaire déchet avant de ne garder que mes mains prisonnières, mais ils m’ont laissé mon arme la plus dévastatrice : les mots.

« Je suis venu vous montrer un meilleur choix que Kutroshinsky, en commençant par ses limites : votre peuple est frappé d’un fléau singulier dont je suis le seul à pouvoir l’endiguer.
Les premiers symptômes ont déjà dû apparaître : à divers endroits, des hommes, femmes et enfants ont dû tomber de sommeil.
Ce n’est qu’un préambule : dans les jours qui viennent apparaîtront des symptômes plus mortels sans que ni vous ni Kutroshinsky ne puissent y faire quelque chose.
Mais moi si, et je préfère le dire tout de suite mais me tuer n’y changera rien. »

J’ai peut être l’air pitoyable, un avorton comme il dit, mais il m’a reconnu. Et s’il a pris la peine de retenir mon nom, suis-je vraiment un petit avorton ? Oh j’ai perdu face au géant, mais mon argumentation ne se base pas sur ma puissance. Et même si c’était le cas, qu’est ce qui m’empêcherait de dire que cette défaite faisait partie de mon plan pour atteindre le chef ? Que je ne m’étais pas donné à fond dans le combat ?

Les mots sont des serpents qui peuvent prendre toutes sortes de formes et redéfinir l’histoire.

« Si nous trouvons un terrain d’entente, je peux sauver ChâteauGéant. Mais j’irai même plus loin : je vous ai montré les limites de Kutroshinsky ; si vous me dites ce qu’il vous apporte je suis certain de pouvoir vous donner davantage.
Vous l’aurez compris, je vous propose de changer de partenariat et de porter mes couleurs à la place. »

Oui, le pirate défait et capturé parle comme s’il était en position de force.
Mais peut être parce qu’il sait très bien ce qu’il peut apporter, et tout ce qu’il peut prendre, qu’importe sa situation.