Le Deal du moment : -17%
Apple MacBook Air 13” Puce M2 (2022) 256 Go
Voir le deal
999 €

Stonks !

Stonks ! Tumblr_oyuh8qz2re1w4ph5zo3_540

海 軍

∆ Feat. Zhihao ∆


Maintenant que le guano n'était plus, la situation sur West Blue était devenue préoccupante. Si une crise alimentaire générale menaçait s'éclater, toutes les îles sous le giron du GM dans la région ne semblaient pour autant pas toutes logées à la même enseigne. Poiscaille, célèbre pour sa production industrielle de poisson et ses pêcheurs prolifiques, avait tout de la petite veinarde. La malheur des uns faisant le bonheur des autres, il y avait de possibles nouveaux débouchés économiques pour l'île qui n'était clairement pas prête à laisser une telle occasion lui passer sous le nez. Tout le monde voulait s’enrichir sur le dos de cette potentielle famine à venir. La Marine, se fournissant elle aussi sur place, n'était pas disposée à laisser passer l'occasion. Il y avait beaucoup d'argent à faire, de nouveaux contrats à signer, des routes à ouvrir, en bref, il allait bien falloir gérer la situation. Alors dans la zone, la contre-amirale Gentry fut contactée directement par son grand-père, le commandeur suprême, qui lui demanda de se rendre sur place pour s'en occuper. En bon militaire et petite-fille respectueuse, Ambrosias accepta sans broncher. Après avoir terminé son enquête en mer et que le croiseur de la commandante Meng se soit joint à sa flotte, elle fit donc voile vers Poiscaille.

Après quelques jours d'une navigation particulièrement calme, même pour les blues, les deux bâtiments arrivèrent à destination. Les marins, comme c'était de coutume sur l'île, prirent la direction du port annexe qui leur était destiné. Bien que la venue de la membre de l'amirauté ait été annoncée, le lieutenant-colonel Décro Foin n'était pas présent pour accueillir sa supérieure. Cela s'expliquait par la grande distance qui séparait la base, située en ville, et le port annexe laissé aux bons soins des forces armées. Visiblement occupé, il n'en oublia cependant pas l'étiquette, et une comité d’accueil se trouvait tout de même bien en bas de la coupée quand Ambrosias la descendit en boitant, aidée de sa canne. Se mettant au garde à vous, un jeune lieutenant rendit les honneurs à la manchote une fois qu'elle se trouva face à lui.



« Contre-amirale, le Lieutenant-colonel vous présente ses plus plates excuses, il a eu un imprévu de dernière minute. Le gouverneur souhaitait le voir au plus vite.

- Repos. Je comprends parfaitement. Faites lui savoir que je souhaite m'entretenir avec lui. Ce soir, sur le Béluga, vingt heures pétantes.

- Oh, eh bien, je ne sais pas si...

- Il trouvera le temps de venir. C'est un ordre.

- Bien sûr. »



Pendant que les hommes terminaient de conclure les manœuvres d'accostage, Ambrosias quitta le lieutenant pour se rendre vers le croiseur de sa nouvelle subordonnée. Montant à bord, elle alla rejoindre Zhihao qui se trouvait sur le pont.


« Je ne vais pas quitter le port avant demain matin. Prenez quelques hommes et allez prendre la température en ville. Le lieutenant Lockwood viendra avec vous. Des questions ? »




© ciitroon
  • https://www.onepiece-requiem.net/t23698-fiche-technique-ambrosia
  • https://www.onepiece-requiem.net/t23692-ambrosias-proteger-servir-et-traquer#250544
Si la Contre-Amirale Gentry ne prit pas la peine d’informer Zhihao de la raison pour laquelle une pointure comme elle devait se rendre à Poiscaille, il ne fut cependant guère difficile de lire entre les lignes. Il n’y avait qu’à ouvrir les pages du journal, où figurait noir sur blanc le communiqué des hautes autorités de Marie-Joie prévenant du risque de famine à West Blue et annonçant que le Gouvernement Mondial faisait tout son possible pour trouver une solution au problème avant que celui-ci ne se concrétise. Dire qu’il suffisait que les gisements d’excréments d’oiseaux s’épuisent sur une seule île pour que les répercussions se fassent ressentir à l’échelle d’un océan entier… Cette histoire démontrait sans ambages à quel point leur monde pouvait être vulnérable, et par extension le rôle crucial de la Marine, sans laquelle les pirates seraient libres de s’en prendre aux routes commerciales et de provoquer d’innombrables crises similaires.

Devinant que sa supérieure se dirigeait vers une mission de la première importance, l’anguille électrique profita du voyage pour redoubler ses efforts visant à éradiquer la paresse et l’indiscipline minant son équipage. Elle était toutefois consciente qu’il y avait une limite à la vitesse à laquelle elle pouvait procéder si elle ne voulait pas se retrouver avec une mutinerie sur les bras. La présence du Béluga repoussait plus loin la limite en question, mais Zhihao préférait ne pas s’y habituer : ce moyen de pression n’était que temporaire après tout, et les soldats avaient la mémoire longue.

Ce fut par conséquent d’un degré de sévérité précisément calculé dont elle usa pour remettre de l’ordre dans son croiseur, en s’inspirant de l’exemple de plusieurs officiers qu’elle avait connus lors de sa carrière – sans jamais oublier toutefois qu’elle n’était ni Feng Han, ni Gustav von Falingen et ne pouvait se prévaloir de la même crédibilité. Les tire-au-flanc furent remis au travail, les trublions et rebelles à la manque – surtout ceux assez téméraires pour blaguer en sa présence sur leur destination, en disant que leur Commandante « rentrait rendre visite à de la famille » – furent punis comme il se doit, et elle emprunta des méthodes qui avaient fait leur preuve par le passé pour démontrer qu’elle avait mérité ses galons. Ce qui se traduisit par deux après-midi où elle affronta l’intégralité des membres de l’équipage, des matelots aux officiers. Deux cent marins motivés par la promesse d'une prime d'un mois de salaire se relayèrent ainsi pour tenter de la vaincre, un par un ou en petits groupes, alors qu’elle se battait à mains nues et les yeux bandés, pendant que leurs camarades regardaient en continuant de faire fonctionner le navire ou en attendant leur tour. Les ex-sous-officiers de la 28ème, familiers de ce genre d’exercices, vinrent prendre leur raclée sans discuter. Si elle ne ressortit pas totalement indemne de l'exercice, Zhihao pensait au moins avoir fait la preuve de ses capacités martiales, et ainsi coupé l'herbe sous le pied de ceux qui insinuaient qu'elle avait obtenu son grade par des moyens inappropriés.

Évidemment, la kanokunienne ne comptait pas employer uniquement le bâton, la carotte avait également sa place dans son approche. Elle instaura un système de récompenses mineures mais appréciables pour les soldats les plus efficaces et les plus diligents. Elle répéta une manœuvre qui l’avait aidée à se faire une place au sein de la 28ème – faisant de son mieux pour ignorer le pincement au cœur que cela lui inspira – en contribuant elle-même à leurs réserves de nourriture, les marins appréciant de pouvoir manger du poisson frais au lieu de devoir se contenter de rations. Elle n’eut même pas à demander à ses camarades des deux dernières années pour qu’ils se chargent de leur propre initiative d’essayer d’améliorer l’opinion des hommes à son égard. Enfin, même son petit kumite à deux cent hommes lui servirait à affirmer son autorité lorsqu’elle aurait assez de temps pour entraîner ses subordonnés en mettant à profit ce qu’elle avait appris de leurs forces et de leurs faiblesses.

Tout cela ne fut néanmoins pas suffisant pour lui permettre d’ignorer le malaise qu’elle ressentait la nuit, toute seule dans sa cabine alors qu’elle était accoutumée à dormir au milieu du bruit des autres soldats dans l’espace collectif du Himmelhorn. Schmidt ronflant dans son sommeil, Hauptmann cherchant éternellement une position plus confortable dans son hamac, Lanzfeld tournant les pages de son livre à la lueur de la lanterne, Vladescu aiguisant obsessivement ses lames… il avait fallu un moment pour qu’elle s’habitue à cette dernière chose et arrête d’avoir peur de la voydove. Ironiquement, la maniaque des objets tranchants était la seule du lot à avoir survécu et à avoir été affectée au Lampyris, mais Zhihao ne s’en plaignait pas : elle avait appris à la connaître, après tout.

Entre remise en ordre et réminiscences, le croiseur finit par arriver à Poiscaille, précédant de peu le cuirassé. Il était curieux que le port annexe de la Marine soit situé aussi loin de la base qu’il était censé desservir ; n’importe où ailleurs, cela aurait représenté une vulnérabilité critique, rallongeant considérablement le délai de réponse des défenseurs de l’île en cas de raid. Toutefois, il y avait tellement de navires militaires dans les parages qu’il faudrait être fou pour vouloir attaquer la capitale occidentale de la pêche.

« Personne n’est à l’abri d’un Barents, ceci dit, ou simplement d’un flibustier plus audacieux que les autres. » se dit la femme-poisson tout en supervisant le travail de ses hommes, occupés à replier les voiles et à préparer le débarquement maintenant que le Lampyris était à quai. Leur vaisseau était entré dans le port avant celui de la dompteuse de monstres, cependant il y avait un protocole à respecter : c’était à Gentry de débarquer la première.

Lorsque le labeur de ses subalternes fut achevé, elle inspecta le résultat et, n’y trouvant rien à redire, leur commanda d’attendre que les prochaines instructions de sa supérieure leur soient délivrées, après quoi s’ils n’avaient rien de plus à faire, ils pourraient vaquer à leurs occupations et seraient autorisés à remonter un tonneau de bière de la cale, avec les précautions d’usage – renforcement positif, même si la pédagogie kanokunienne ne s’en servait que très peu. Il ne lui restait plus qu’à attendre le messager… Sauf qu’à sa grande surprise, ce fut Gentry en personne qui se présenta en claudiquant pour lui donner ses ordres.

« Une seule question, Contre-Amirale : y a-t-il des éléments auxquels vous voulez que je porte une attention particulière ? » répliqua Zhihao tout en sélectionnant mentalement les soldats qui l’accompagneraient dans cette petite expédition. Quant à Lockwood… c’était la blonde avec trois cicatrices parallèles au visage, si elle ne se trompait pas. Elle n’avait pas encore mémorisé tous les officiers auxquels elle aurait affaire tant qu’elle serait sous le commandement de la redoutable estropiée.


Dernière édition par Meng Zhihao le Mer 25 Sep 2024 - 21:28, édité 2 fois
  • https://www.onepiece-requiem.net/t28416-meng-zhihao-fiche-techni
  • https://www.onepiece-requiem.net/t28387-meng-zhihao-soldat-un-jour-soldat-toujours
Stonks ! Tumblr_oyuh8qz2re1w4ph5zo3_540

海 軍

∆ Feat. Zhihao ∆


De manière furtive, la gradée se contenta de secouer la tête de droite à gauche. Portant ensuite son regard vers la ville au loin, elle répondit.


« Pas vraiment. Vous avez carte blanche. »


Ce que la commandante ne pouvait pas savoir, c'était bien que la contre-amirale n'était pas disposée à rester gentiment passive avant son repas en compagnie du gradé en charge de la garnison locale. Forte de ses pouvoirs, elle allait se mettre en communication avec tous les oiseaux, poissons rongeurs, chats et chiens de l'île pour en faire autant de petits espions qui viendraient lui fournir directement une ribambelle d'informations. Il lui faudrait pour cela du temps et beaucoup de patience. En d'autres termes, le fait de devoir attendre était une très bonne chose pour elle. Faisant d'une pierre deux coups, elle allait laisser la quartier-maître du Béluga aux côtés de Meng, ce qui lui permettrait d'avoir un rapport sur la Kanokunienne quand elle n'était pas elle-même présente.

Ses ordres donnés, Ambrosias prit congé de sa subordonnée. Après son retour sur son propre navire, elle confia sa mission à Skye, qui ne tarda pas à quitter le Béluga. Sa veste marine sur le dos et son sabre à la ceinture et son pistolet dissimulée sur la gauche de sa poitrine, elle alla rejoindre Zhihao. Une cigarette déjà bien entamée aux lèvres, elle trouva la femme-poisson devant la coupée de son navire. Étant sa supérieure, Skye la salua avant de se détendre. Le regard vide, elle observa la commandante un instant.



« Prête à partir quand vous voulez. »





© ciitroon
  • https://www.onepiece-requiem.net/t23698-fiche-technique-ambrosia
  • https://www.onepiece-requiem.net/t23692-ambrosias-proteger-servir-et-traquer#250544
Zhihao n’était pas beaucoup plus avancée, sa supérieure n’ayant pas daigné expliciter davantage ses intentions. Ou peut-être Gentry ne souhaitait-elle pas biaiser la perception de sa subordonnée ? Qu’à cela ne tienne, elle n’aurait qu’à se montrer attentive à tout, et traiter la chose comme l'une des missions d'espionnage du Commodore. La dompteuse de monstres ne lui aurait pas donné une telle tâche sans raison, après tout.

Quelques minutes de marche plus tard, et la kanokunienne remonta sur le pont du croiseur, où elle se mit immédiatement à rassembler l’équipe qui la suivrait en ville. Le sergent-chef Vladescu lui servirait de second, et les quatre autres soldats furent tirés au sort parmi ceux qui n’avaient encore écopé d’aucun blâme. Elle aurait pu prendre d’autres sous-officiers de confiance avec elle, s’entourer de gens qu’elle connaissait et avec qui elle avait l’habitude de travailler, mais c’était là un autre piège dans lequel elle devait éviter de tomber : il faudrait bien qu’elle apprenne à composer avec le reste de ses soldats, qu’elle donne à ces derniers l’occasion de faire leurs preuves, et surtout qu’elle ne porte pas le flanc à de possibles accusations de favoritisme.

Cela faisait six marins du Lampyris en tout qui se rendraient en ville pour « prendre la température », comme le disait la Contre-Amirale. Les autres pourraient se reposer comme ils l’entendaient une fois leur besogne achevée, mais elle ordonna tout de même à ce qui lui tenait lieu d’état-major de se tenir eux-mêmes à l’écoute, et de faire passer la consigne à leurs soldats les plus dégourdis et les plus discrets ; elle ne savait pas précisément ce que cherchait l’estropiée, mais multiplier les oreilles ne pouvait qu’aider à l’atteinte de ses objectifs… du moment que les oreilles en question ne se faisaient pas repérer illico.

L’anguille électrique termina de s’organiser moins d’une minute avant que Lockwood ne se présente. Zhihao la rejoignit sur le quai et lui rendit son salut, même si cette situation lui parut quelque peu surréaliste. Il n’y a pas si longtemps, c’était elle qui saluait les lieutenants en premier, non l’inverse, et considérant le gouffre d’expérience qui les séparait probablement vu les mers dans lesquelles elles avaient coutume d’évoluer, cela aurait dû toujours être le cas.

« Nous pouvons y aller de suite. » répliqua la kanokunienne sans rien laisser paraître de ses pensées. Le petit groupe, comptant maintenant sept soldats au total, se mit alors en mouvement vers la ville. Un trajet inutilement long, qui ne faisait que compliquer l’aspect logistique du travail de la garnison locale. D’accord, les autochtones voulaient sans doute que leurs chalutiers puissent se mouvoir sans obstacles, mais au point de compromettre ainsi leur sécurité ? Qui avait bien pu avoir une idée pareille, et quel officier avait accepté de se plier à cette exigence farfelue ?

« Mission de collecte de renseignements, donc ? » intervint Vladescu afin de mettre fin au silence pesant régnant entre les soldats. Les doigts de sa main droite tapotaient la garde d’un des falx passés à sa ceinture, alors que son regard s’attardait sur la forêt au bord de la route. « Vous avez l’habitude, Commandante, mais pour nous c’est la première fois. »

« Ce n’est pas comme ça que je procède, d’ordinaire. Si c’était le cas, nous ne serions pas en uniforme, ce qui n’aurait pas été une si mauvaise idée. Les gens ont tendance à surveiller ce qu’ils disent quand la Marine est dans les parages, à plus forte raison quand des officiers sont de la partie. » commenta Zhihao. « Toutefois, aucun de vous n’a été entraîné pour ce type de missions – sauf peut-être vous, lieutenant, j’ignore quelles sont vos compétences en la matière –, alors il vaut mieux éviter de vous faire passer pour ce que vous n’êtes pas. Vous n’auriez l’air que plus suspects. »

La majorité du cortège acquiesça à cette explication. Les soldats passèrent le reste du trajet à converser entre eux de sujets sans grande importance, jusqu’à ce qu’ils arrivent enfin en ville, où ils se remirent à se comporter comme des professionnels escortant leurs supérieures. La femme-poisson, elle, fit ce qui était attendu d’elle, observant sans en avoir l’air son environnement à la recherche d’informations qui pourraient intéresser Gentry. Elle était davantage formée à lire les gens que les lieux, mais au fond une ville n’était qu’une autre sorte d’organisme vivant : avec suffisamment de temps, il devenait possible de percevoir ses humeurs de la même façon que l’on pouvait appréhender celles d’une personne.

Après une bonne demi-heure passée à arpenter les rues de Poiscaille, unique localité donnant son nom à l’île, plusieurs éléments intrigants commencèrent à se dégager. Si l’endroit avait connu son lot de troubles, il n’en restait pas moins que presque chaque article de journal lui étant consacré mentionnait sa bonne santé économique, due à un commerce florissant en expansion quasi-constante. On aurait donc pu s’attendre à ce que toute cette richesse ruisselle et qu’avec la crise agricole se profilant à l’horizon, les habitants soient excités par la perspective d’une nouvelle manne financière.

Et pourtant, nombre de bâtiments étaient délabrés, des clochards faisaient la manche ou se terraient dans les petites allées loin des regards, et beaucoup des ouvriers croisés dans la rue avaient l’air de porter le poids du monde sur leurs épaules. Cela aurait pu être dû à un surcroît de travail imposé par leurs patrons en prévision des commandes supplémentaires qui ne manqueraient pas d’arriver en masse dans les semaines et les mois à venir, le temps d'embaucher plus de monde pour faire face à l'augmentation de la demande. Sauf que tous les symptômes qu’elle observait, les yeux cernés, les dos courbés, les marques laissées par l’alcoolisme, n’avaient rien d’afflictions récentes ou provoquées par une brève période de dur labeur ; leur démarche était celle d'individus accoutumés à être dans un tel état. Enfin, ça c’était avant que les locaux en question ne se rendent compte de leur présence, après quoi la plupart d’entre eux faisaient – mal – comme si de rien n’était.

« Wie zu Hause... » murmura Vladescu, ce qui faillit arracher un pincement de lèvres à l’anguille électrique. « Comme à la maison », en effet. Elle doutait que les autochtones se montrent très réceptifs si les Marines essayaient d’engager la conversation, ce qui était prévisible puisque leur organisation était le plus gros client de l’industrie éponyme de Poiscaille. Dans ce cas, il n’y avait plus qu’une chose à faire.

« Vous avez soif ? Je pense que si nous voulons des réponses, il faut plutôt nous mettre en quête d’un débit de boissons. »

« In vino veritas ? » devina la voydove, qui avait compris où elle voulait en venir.

« Précisément. »

L’alcool avait toujours eu le don de délier les langues, pour le meilleur et pour le pire...
  • https://www.onepiece-requiem.net/t28416-meng-zhihao-fiche-techni
  • https://www.onepiece-requiem.net/t28387-meng-zhihao-soldat-un-jour-soldat-toujours
Stonks ! Tumblr_oyuh8qz2re1w4ph5zo3_540

海 軍

∆ Feat. Zhihao ∆


Après avoir analysé brièvement l'établissement, Skye se contenta de hausser les épaules. Attrapant sa cigarette de la main droite, elle la jeta nonchalamment au sol avant qu'elle se soit entièrement consumée. Ce n'était pas très classe, ni particulièrement bien élevé, mais cela ne sembla guère la déranger. Emboîtant le pas aux autres, elle pénétra dans, le bar. Assez petit, quand on le comparait à ce qu'on pouvait voir par exemple sur Kikai no Shima, l'établissement était fort classique. Une odeur assez désagréable imprégnait les lieux, aussi la militaire plissa-t-elle du nez. Pour elle qui détestait l'alcool et n'en buvait jamais, ce n'était pas le genre d'endroit qu'elle avait l'habitude de fréquenter.


« Bienvenue à vous les mouettes. »


De derrière son comptoir, le patron, un quadragénaire gras et au crâne dégarni, leur offrit un large sourire et leur fit un signe de la main. Il n'y avait aucune méchanceté dans ses propres, et la présence d'un groupe de marins dans un coin témoignait du fait que l'endroit n'était pas hostile à la Marine. Les clients se tournèrent un instant verts le nouveaux venus, certains grimacèrent, mais ils retournèrent aussitôt à leur occupations.


« La contre-amirale interdit la consommation d'alcool en service. Vous en faites ce que vous voulez. »


Même si elle était là pour espionner la commandante et ses hommes et faire un rapport à son retour, elle ne comptait pas devenir la pire des balances pour autant. Elle respectait Ambrosias et ne lui mentirait pas ouvertement, en revanche une petite omission ici ou là ne serait pas si grave. De toute manière, Skye était convaincue qu'il était important pour les hommes du rang et les petits gradés dans on genre de faire front ensemble.


« Eh dites. »


Arrivant d'un pas décidé, un jeune mousse aux cheveux blond qui n'avait pas encore de poil au menton approcha le groupe après avoir quitté ses compères. Non armé, il ne travaillait visiblement pas.


« C'est vous les Incorruptibles ? On a appris la venue de la CA Gentry y'a quelques jours déjà. Puis je vous connais pas. Dites, c'est comment Grand Line ? »


Croisant les bras contre sa poitrine, Skye se contenta de rester en retrait et de laisser sa supérieure hiérarchique s'occuper du jeune homme.




© ciitroon
  • https://www.onepiece-requiem.net/t23698-fiche-technique-ambrosia
  • https://www.onepiece-requiem.net/t23692-ambrosias-proteger-servir-et-traquer#250544
Il fallut un peu de temps pour trouver l’estaminet correspondant à ce que Zhihao avait en tête, mais la tâche ne fut guère difficile. Son choix s’arrêta finalement sur un petit bar miteux à souhait, et elle sut en voyant les regards sceptiques de certains de ses subordonnés qu’elle avait pris la bonne décision. Certes, avec sa solde actuelle, elle aurait très bien pu opter pour un établissement plus haut de gamme, mais ceux-ci n’accueillaient généralement pas la bonne clientèle, ou en tout cas la clientèle en question ne s’y comportait pas de la façon qui l’intéressait. Elle irait peut-être plus tard, au cas où elle aurait besoin de faire la chasse à un autre genre de rumeurs, mais ce qu’elle voulait pour l’instant, c’était un bon gros pochtron s’exprimant sans filtre.

« Comment devons-nous procéder, Commandant ? » demanda Vladescu, qui se faisait la porte-parole de ses camarades.

« Très simplement : dans votre cas, faites ce que vous faites d’habitude quand vous êtes en permission et que vous cherchez à plumer quelqu’un aux cartes, ou à en tirer avantage d’une autre manière. La différence c’est qu’ici, votre objectif est de soutirer des informations. Sinon, ne forcez rien et restez naturelle. »

Le sergent-chef croisa les bras, baissa pensivement la tête puis la hocha pour montrer qu’elle avait compris. La kanokunienne ne s’inquiétait pas spécialement pour elle : même sans entraînement en la matière, elle avait déjà naturellement les bases pour une collecte de renseignements de ce niveau.

« Les autres, n’essayez pas de la jouer fine, et évitez les mensonges si possible. Mêlez-vous au reste de la clientèle, payez quelques coups aux autres – n’ayez crainte, vous serez remboursés – et restez à l’écoute, sans plus. Si vous avez vraiment besoin d’établir un rapport, plaignez-vous de vos supérieurs, c’est à dire de moi. »

La consigne fut accueillie par des postures gênées et des regards fuyants, les hommes se rappelant leurs propres commérages des jours précédents, et les mesures prises par la femme-poisson pour y remédier. Ils devraient être heureux, ils avaient son autorisation cette fois-ci ; après tout, râler au sujet de la hiérarchie était un passe-temps commun à tous les domaines professionnels, et une excellente façon de tisser des liens avec de nouvelles connaissances.

« Je croyais que c’était plus compliqué d’espionner les gens. » déclara Vladescu, donnant derechef voix au sentiment de ses subalternes.

« Il faut savoir adapter ses méthodes à la mission et aux outils à disposition. Dans le cas présent, il serait contre-productif d’introduire des complexités inutiles. »

S’étant assurée que tout le monde avait bien pigé, Zhihao se prépara mentalement à devoir jouer la comédie puis reprit la tête du groupe, qui traversa la rue et pénétra dans l’établissement. Ajustant son langage corporel pour le rendre moins confiant et plus incertain, elle rendit son salut au patron, nota la présence d’autres Marines – il faudrait qu’elle apprenne s’ils faisaient partie de la garnison locale, auquel cas il était probable qu’ils soient natifs de l’île, et donc une source d’informations potentielle – et acquiesça en entendant l’avertissement de Lockwood.

« Aucun problème, nous avons la même règle. »

Une règle héritée de la 28ème, même s’il n’avait pas toujours été facile de la faire appliquer auprès de certaines parties de l’équipage. À chaque fois que la flotte recevait de nouvelles recrues d’origine troïkane, ce n’était qu’une question de temps avant que les soldats en question ne fassent la queue devant l’infirmerie, suppliant le docteur de leur faire une note les autorisant à maintenir leur taux habituel d’éthanol dans le sang pour raisons médicales.

La militaire était en train d’écouter le tenancier lister ses boissons sans alcool lorsqu’un jeune mousse se leva de table, prenant son courage à deux mains puis la parole pour leur demander, des étoiles plein les yeux, s’ils faisaient partie de l’une des flottes les plus renommées de la Marine et s’ils pouvaient lui parler de Grand Line. Si Lockwood – qui pour le coup faisait bel et bien partie des fameux Incorruptibles – resta de marbre, l’anguille électrique, elle, remercia intérieurement sa bonne fortune. Non seulement son discours laissait attendre qu’il s’agissait bien d’un local et non d’un marin de passage, mais en plus il brisait la glace lui-même, ce qui lui évitait d’avoir à trouver un moyen de s’immiscer dans la conversation de l’autre groupe de soldats.

« Le lieutenant ici-présent en est une. Nous, par contre, nous venons tout juste d’être mis sous les ordres de la Contre-Amirale. » répliqua Zhihao, qui n’avait aucune envie de s’arroger un crédit qui ne lui revenait pas et fit donc le choix de l’honnêteté. Elle indiqua ensuite au patron de lui apporter une limonade, avant de répondre à la seconde question du jeune homme. « C’est difficile de décrire Grand Line à quelqu’un qui n’y est jamais allé. C’est un endroit dangereux oui, imprévisible dans le bon comme dans le mauvais sens du terme, mais ces mots sont très en-deça de la réalité. Le bon sens des Blues n’y a pas cours : la boussole ne marche pas, la météo n’a aucun sens, la faune et la flore sont complètement improbables… Ce n’est pas pour les petites natures. »

La femme-poisson remarqua la façon dont les visages des autres marins se décrispèrent lorsqu’elle consentit à satisfaire la curiosité de l’adolescent au lieu de l’envoyer paître. Cela lui valut d’être la cible d’un torrent de questions auxquelles elle répondit patiemment, à la recherche d’une ouverture. Elle était en train de narrer une anecdote sur la fois où le Commodore avait combattu un bernard-l’hermite géant voulant faire de leur cuirassé sa nouvelle coquille quand l’un des vétérans attablés héla le moulin à paroles, lui rappelant qu’elle était toujours debout et qu’il n’était pas très poli qu’il l’empêche ainsi de se reposer. Saisissant l’opportunité au vol, la kanokunienne le défendit en disant que ce n’était rien de grave, qu’elle n’avait pas de problème avec le fait de lui raconter quelques histoires, et de fil en aiguille se retrouva assise avec eux, les autochtones ayant poussé un peu leurs chaises pour lui faire de la place. Sans doute parce qu’eux aussi voulaient entendre parler de Grand Line, même s’ils étaient trop soucieux de leur image pour l’aborder comme l’avait fait leur confrère.

À partir de là, Zhihao répondit sans se faire prier aux interrogations du groupe. D’autres anecdotes furent demandées et délivrées, mais elle n’intervint pas davantage dans un premier temps : à la place, elle observa la dynamique de ses voisins, cataloguant leurs paroles, gestes et attitudes pour se faire une idée des personnalités en présence. Après un peu plus d’une dizaine de minutes de ce manège agrémenté de petits gestes pour la faire entrer dans leurs bonne grâces – se servir d'un arc électrique pour allumer la cigarette de l'éternel étourdi du groupe, qui avait une fois de plus oublié son briquet, par exemple, ce qui les amusa beaucoup –  l’un d’eux eut l’idée de lui demander ce qu’elle faisait ici plutôt que dans un bar plus prestigieux. Elle répliqua qu’elle ne s’y serait sans doute pas sentie à sa place, désignant d’abord la couleur de peau qui la marquait comme non-humaine, puis le manteau blanc sur ses épaules.

La référence à une possible discrimination planta une graine de sympathie, qu’elle comptait bien arroser pour faire croître un sentiment de solidarité face aux élites de l’île, tandis que la mention de son rang attisa leur curiosité. Pourquoi en effet une gradée – si l’on mettait ses origines de côté – ne se sentirait-elle pas la bienvenue dans un établissement plus chic ? Elle n’eut pas à attendre bien longtemps pour que le jeune mousse se dévoue pour aborder le sujet, ce qui lui donna l’occasion d’expliquer qu’elle n’avait été promue que très récemment, ne se sentait pas prête et avait peur de faire figure d’imposteur comparée à de « vrais » galonnés. Pas tout à fait un mensonge, comme elle l’avait conseillé à ses subordonnés – il valait mieux ne pas y avoir recours quand il n’y avait pas le temps de préparer une couverture crédible et de peaufiner son histoire pour éviter les contradictions ou les lapsus –, mais tout de même un petit arrangement avec la réalité. Si l’anguille électrique ressentait effectivement le poids de ses nouvelles responsabilités et aurait préféré ne pas avoir à les exercer si tôt ou en de telles circonstances, elle se préparait néanmoins depuis des années à endosser le rôle d’un officier, ce qui lui avait permis de garder le contrôle au lieu de céder à la panique. Elle présenta cependant un visage bien moins assuré à son public, mal à l’aise dans son lourd manteau blanc et très éloigné de la sévérité qu’elle affectait d’ordinaire.

Cet aveu partiellement factice de vulnérabilité signala le début de l’étape suivante du plan. Zhihao n’employa pas la flatterie pour continuer de les mettre en confiance, n’ayant pas besoin de se servir de quelque chose d’aussi flagrant. Elle avait suffisamment observé ces hommes pour pouvoir commencer à appuyer sur leurs cordes sensibles : après avoir achevé de les convaincre qu’elle était toujours un sous-officier dans l’âme plutôt qu’une grande méchante gradée, ils se persuadèrent tout seuls qu’elle serait reconnaissante pour leur aide. Le mousse, au caractère semblable à celui d’un chiot et sans doute désireux de l’impressionner, entreprit de la rassurer sur ses capacités, tandis que les soldats plus âgés la gratifièrent de leur savoir né de l’expérience. Elle fit mine de se raccrocher à leurs paroles comme une naufragée à une bouée de sauvetage, jouant en fonction de l’interlocuteur sur leur orgueil et sentiment de supériorité, leur altruisme ou leur propre désir de reconnaissance.

Il fallut un bon moment pour compléter toutes ces manœuvres, et il faudrait certainement qu’elle remercie le lieutenant pour sa patience lorsqu’elles ressortiraient, mais les résultats parlaient d’eux-mêmes : la kanokunienne s’était fait une place au sein du groupe, qui ne la traitait désormais plus comme une étrangère. Même les tables voisines, dont les occupants avaient tendu l’oreille pour l’écouter parler de ses voyages, puis de ses doutes, intervenaient de temps en temps. Leur méfiance étant endormie, ils cessèrent progressivement de surveiller ce qu’ils disaient, et elle put enfin en arriver à ce qui l’intéressait réellement.

Quelques minutes de plus confirmèrent que tout n’était pas rose à Poiscaille, alors que plusieurs clients du bar se confiaient à elle comme elle avait feint de se confier à eux, ou se lançaient dans de véritables logorrhées pour les plus avinés d’entre eux. Ailleurs dans le débit de boissons, ses soldats faisaient la fête avec un équipage de pêcheurs, avec du cola à la place de l’alcool, tandis que  Vladescu menait sa propre offensive de charme de son côté – ce qui dans son cas voulait dire écluser verre après verre de jus de tomate tout en participant à une partie de strip-poker. Heureusement pour la dignité de la Marine, elle gagnait plus qu’elle ne perdait, et avait de toute façon plus d’habits à retirer que ses adversaires, puisqu’elle portait elle aussi son armure de sous-officier de la 28ème.
  • https://www.onepiece-requiem.net/t28416-meng-zhihao-fiche-techni
  • https://www.onepiece-requiem.net/t28387-meng-zhihao-soldat-un-jour-soldat-toujours
HRP : du fait de l'absence d'Ambro et jusqu'à son retour, je poursuis en solo avec son autorisation.

Il fallut un peu de temps à Zhihao pour faire le tri dans ce que lui disaient ses compagnons de table désinhibés par la boisson, mais l’un dans l’autre elle obtint une assez bonne image de ce qu’il se passait à Poiscaille et des principaux acteurs impliqués. Il devint ainsi clair que l’autorité du gouverneur de l’île n’était que très théorique, et que le pouvoir résidait en réalité entre les mains d’un trio de magnats rivaux de l’industrie de la pêche, néanmoins prêts à s’associer face à toute force extérieure qui pourrait réduire leur influence. Les deux plus puissants, à la tête des familles Portdragon et Keudver, avaient la réputation d’être des individus particulièrement déplaisants, tandis que le troisième, un certain Cédric Malsouin, subissait toujours les affres de la chute de son paternel – à l’occasion d’un scandale de corruption qui avait également fait tomber l’ancien commandant de la Marine locale – et avait fait cause commune avec nombre de petits producteurs dans le but de remonter la pente.

Cette situation avait donné lieu à une culture singulière et pour tout dire assez malsaine dont les employés du duopole dominant faisaient régulièrement les frais, ce qui expliquait pourquoi la population n’était pas aussi prospère qu’elle devrait l’être. Salaires bas, dureté des conditions de travail, rapports antagonistes entre ouvriers et patronat… autant de problèmes dont la kanokunienne fut informée par ses interlocuteurs qui, même en faisant partie de la Marine plutôt que de l’industrie en question, entendaient tous les jours leurs familles, amis ou voisins se plaindre de cet état de fait.

Après près de trois heures passées dans l’établissement, les militaires prirent congé de leurs sources et se regroupèrent. Sur le chemin du retour, la femme-poisson ne tarda pas à un sortir un calepin de sa poche, où elle nota scrupuleusement ce qu’elle avait appris lors de cette édifiante discussion, avant d’ordonner à ses subordonnés de rapporter ce qu’ils avaient eux-mêmes pu glaner. Leurs renseignements corroborèrent largement les siens et les complétèrent occasionnellement, ajoutant de la nuance au tableau. Il ne restait plus qu’à espérer que Gentry serait satisfaite de leur récolte.

« J’aurais aimé pouvoir me balader en civile, ou écouter les gens sans qu’ils ne se rendent compte de ma présence, mais ce n’est pas un mauvais résultat pour aujourd’hui. » estima-t-elle en achevant de retranscrire le témoignage du dernier soldat, peu avant d’arriver au port où les attendait leur supérieure. « La Contre-Amirale en tirera ses propres conclusions, toutefois je ne pense pas que nous pourrons compter sur le bon cœur de Keudver ou Portdragon pour qu’ils nous fassent un rabais. Pour Malsouin, cela reste à voir, mais cela ne ferait pas une grande différence vu la faiblesse de sa production par-rapport aux deux autres. »

De toute façon, même s’il consentait à leur faire un prix, il s’exposerait alors à des représailles de la part de ses puissants homologues, que celles-ci soient directes ou indirectes. Le simple fait que Portdragon, avec sa mainmise sur les douanes, ou Keudver avec son emprise sur le système de santé refusent de coopérer avec lui représenterait un obstacle de taille. Les trois géants de la poissonnerie avaient donc tout intérêt à se comporter comme un cartel monolithique afin de signer le contrat le plus avantageux possible avec le Gouvernement Mondial.

Zhihao congédia ses subordonnés avant de remonter à bord du Béluga, Lockwood toujours sur ses talons et toujours aussi réservée. Les deux femmes n’eurent ensuite à patienter que quelques minutes dans l’antichambre de l’estropiée avant d’être de nouveau en sa présence. Les mains entrelacées devant son visage et le calepin posé devant elle, la Contre-Amirale ne laissa rien transparaître de ses pensées alors qu’elle écoutait le rapport de l’anguille électrique.

« Je vois. » répondit laconiquement Gentry. « J’ai à faire avec le lieutenant-colonel Foin ce soir, j’aurai de nouveaux ordres pour vous demain matin. Vous pouvez partir, vous êtes libre pour le moment. Lieutenant Lockwood, restez je vous prie. »

La femme-poisson salua et se retira, laissant les Incorruptibles à leur conversation. Une qui la concernait certainement, autrement la blonde qui l’avait accompagnée une bonne partie de la journée aurait fait son rapport à sa suite, mais ce ne serait pas en s’en préoccupant qu’elle changerait ce que Lockwood avait à dire sur elle.

Le lendemain matin et en attendant que la Contre-Amirale se manifeste – que ce soit en personne ou par le biais d’un messager –, Zhihao organisa une nouvelle série de combats d’entraînement sur le pont du Lampyris, car ce n’était pas parce qu’ils étaient à quai qu’ils devaient se tourner les pouces, bien au contraire. Les hommes grognèrent et râlèrent, mais s’exécutèrent, et les premiers signes de progrès commencèrent déjà à apparaître. Bon, ils n’y étaient clairement pas arrivés tout seuls : Vladescu avait pris ses cadets en pitié et leur avait révélé que l’un des deux handicaps que la Commandante s’était imposé n’en était pas un. En effet, avoir les yeux bandés n’était guère un problème pour le combat rapproché quand elle pouvait compter sur d’autres sens plus développés que la moyenne pour compenser, et en particulier sur son électroperception.

Ses soldats l’avaient sous-estimée les fois précédentes, croyant ironiquement qu’elle faisait preuve d’arrogance. À cause de leur inexpérience, ils ne mesuraient pas l’avantage qu’un non-humain pouvait tirer de ses particularités biologiques, et ignoraient jusqu’à quel point le Commodore avait poussé ses subordonnés à développer leur endurance, une désagréable surprise pour ceux qui comptaient sur la fatigue pour l’affaiblir. La kanokunienne aurait préféré qu’ils s’en rendent compte par eux-mêmes, un bon sens de l’observation étant crucial pour faire face à un combattant d’élite, mais il était sans doute encore un peu trop tôt pour cela ; Marie-Joie ne s’était pas faite en un jour, après tout. Au moins, l’aide de la voydove devrait contribuer au rapprochement entre ses hommes et leurs sous-officiers, renforçant la cohésion de l’unité.

Contrairement à ce que la Contre-Amirale avait dit, aucun message ne lui fut transmis avant la fin du repas de midi. Zhihao s’était attendue à être interrompue pendant l’exercice, mais il n’en fut rien. Lorsqu’elle fut finalement convoquée par sa supérieure, elle se demanda ce qui avait bien pu causer ce délai. Une fois de retour dans le bureau de la vétérinaire, accueillant également plusieurs autres officiers de la flotte des Incorruptibles, elle eut bien vite la réponse.

« Portdragon, Keudver et Malsouin nous mènent en bateau, sans mauvais jeu de mots. » leur dit la manchote en désignant une flopée de courriers et retranscriptions de commissions escargophoniques posés sur son bureau. « Ils étaient prévenus avant même notre arrivée, nous leur avons envoyé plusieurs messages pour fixer un rendez-vous au plus vite, et ils nous font lanterner. Ils nous baladent d’assistant en secrétaire, prétextent d’être occupés, de ne pas avoir le temps de nous parler… toutes les excuses sont bonnes. »

Ils n’avaient pas le temps de leur parler ? Quelles affaires pouvaient bien être si urgentes ou importantes, au point de faire attendre une Contre-Amirale dépêchée par les plus hautes autorités de Marie-Joie pour négocier ce qui serait probablement le contrat le plus lucratif de leur vie ? La réponse était évidente, et n’échappa pas aux présents : aucunes. En bons requins des affaires, les trois magnats mentaient effrontément dans le but de prendre l’ascendant lors des échanges futurs. C’était l’une des plus vieilles techniques de négociation qui soient : faire croire que l’on avait mieux à faire que de discuter avec l’autre partie, se mettre en position de force en l’obligeant à patienter, et si possible la pousser à commettre un faux-pas lors des tractations, que ce soit à cause de l’énervement ou de la pression provoquée par l’approche de la date-limite.

« Quel culot, vraiment… et surtout quelle inconscience. » songea la militaire. La gravité et l’imminence de la crise étaient suffisantes pour pousser le Gouvernement Mondial à tout simplement réquisitionner leur production s’il le jugeait nécessaire. Ils seraient évidemment rétribués, mais seulement au prix du marché, et non à celui qu’ils auraient pu obtenir en signant un contrat en bonne et due forme. Ironiquement, leur propre avidité pourrait fort bien être ce qui leur ferait perdre des bénéfices record.

« Vous imaginez sans peine les conséquences s’ils continuent de jouer les obstructionnistes. Toutefois, il vaut mieux n’invoquer nos prérogatives qu’en dernier recours, si nous voulons que les choses se passent sans accroc. Ceci ne veut cependant pas dire que je compte les laisser s’en tirer à si bon compte. »

La blonde releva les yeux, fixant ses subordonnés du regard.

« La rencontre aura lieu dans une semaine. D’autres affaires réclament mon attention dans l’intervalle, ainsi que celle de la plupart d’entre vous. Je ne pourrai donc pas tenir la main des autres pendant ce temps, mais en prévision de ce jour, votre objectif est simple : bétonnez-moi notre argumentaire. Je veux que nous les battions sur leur propre terrain lorsque nous serons finalement assis face à eux : je veux les remettre à leur place, et m’assurer que le Gouvernement Mondial n’aura pas à débourser un berry de plus que nécessaire. Est-ce bien compris ? »

Un salut et une affirmation collectifs lui répondirent. Gentry hocha légèrement la tête, et commença à distribuer les rôles à ses subalternes. Lorsque ce fut enfin au tour de Zhihao, elle fut surprise d'apprendre que dans son infinie sagesse, la Contre-Amirale avait décidé qu’elle serait l’une des meneuses des préparatifs en vue des négociations, rien que ça. Tout de suite dans le grand bain.
  • https://www.onepiece-requiem.net/t28416-meng-zhihao-fiche-techni
  • https://www.onepiece-requiem.net/t28387-meng-zhihao-soldat-un-jour-soldat-toujours
La femme-poisson avait reçu ses instructions, il ne lui restait maintenant plus qu’à les mettre en œuvre. Plus facile à dire qu’à faire certes, mais le point positif était que la Contre-Amirale avait pour ainsi dire donné carte blanche à ses subordonnés chargés de fourbir ses armes avant le jour J. Ils n’étaient peut-être guère nombreux, la majorité de l’état-major du Béluga devant assister l’estropiée dans ses propres tâches, cependant ils avaient accès à de vastes ressources… et pour ce qui était plus précisément des ressources humaines (et assimilées), ce n’était pas comme s’ils devaient se contenter des officiers expressément désignés par la grande patronne.

Le pouvoir de la délégation ne devant pas être sous-estimé, Zhihao et ses homologues – même si elle était la plus haute gradée du lot en dépit de son âge – se mirent en quête de tous les sous-officiers et marins détenteurs de connaissances mercantiles ou administratives. Ceux du Béluga trouvèrent l’ordre curieux, mais s’y plièrent sans discuter ; dans le cas de l’équipage du Lampyris par contre, la kanokunienne eut à se fendre d’une explication pour remédier à l’incompréhension de la bleusaille.

« Non, le staff de la Contre-Amirale ne peut pas s’en occuper, ils ont d’autres choses à faire. Travailler à renforcer les défenses de l’île, par exemple : si ce contrat est signé, Poiscaille gagnera énormément en importance, ce qui en fera une cible de choix pour les pirates ou les révolutionnaires. Et si le flux de marchandises est interrompu, les conséquences ne se limiteront pas à la famine : nous aurons une crise économique, sociale et politique majeure sur les bras, et là encore ceux qui en sont victimes ou souhaitent en tirer profit iront grossir les rangs de la piraterie ou des mécontents de la Révolution. Il est donc impératif que la Contre-Amirale puisse se concentrer pleinement sur sa tâche, et que nous nous acquittions sans faillir de la nôtre. Je ne veux pas voir de mauvais esprit ou de tirage au flanc : si vous participez, vous devrez tout donner. Si vous manquez toujours de motivation, dites-vous que c’est l’occasion parfaite de prouver que vous savez vous servir de votre tête et pas seulement de vos muscles, ce dont vous aurez besoin si vous voulez monter en grade. »

Aucun de ses soldats n’était allé jusqu’à émettre une objection en l’entendant leur dire ce que Gentry attendait d’eux, toutefois il était clair qu’ils pensaient ne pas avoir signé pour ça. Reformulé de cette façon par contre, ils comprirent en quoi cette besogne était une extension de leur devoir de militaires ; une extension peu orthodoxe certes, mais qui pourrait faire bien sur leur dossier et les aider à se distinguer de leurs camarades. Ce n’était pas tous les jours que la Marine se livrait à ce genre d’exercice, après tout.

Une fois leurs collaborateurs sélectionnés, la coterie d’officiers et de subordonnés se dirigea à nouveau vers la ville. Là, ils investirent plusieurs salles de réunion du palais du gouverneur, qui ne servaient d’ordinaire pas à grand-chose dans la mesure où l’essentiel des décisions étaient prises par le trio de magnats. L’endroit n’avait pas été choisi au hasard, car sa localisation était la meilleure pour avoir rapidement accès aux différentes archives qu’il leur faudrait consulter : celle du bâtiment administratif lui-même, mais aussi celles de la base locale de la Marine, celles des douanes et de la capitainerie du port…

Les membres de leur think tank improvisé se mirent aussitôt au travail après s’être répartis les tâches, et elles étaient nombreuses. Il allait non seulement falloir anticiper les tactiques et arguments de négociation de leurs interlocuteurs, mais aussi préparer une riposte à chacun d’entre eux. Pour cela, il leur faudrait éplucher toutes sortes de documents sortis des archives locales mais aussi visiter les usines, les entrepôts et les quais. Il faudrait ensuite se servir des informations ainsi récoltées pour produire une estimation des capacités maximales de production de l’île, ainsi que du trafic que le port pouvait supporter, ce afin de savoir s’il était possible de fournir et d’acheminer les quantités de nourriture indiquées dans le document de mission envoyé par Marie-Joie. Et surtout, il faudrait savoir quel serait le coût du processus s’ils voulaient éviter de se faire gruger quand les rois de la pêche saisiraient toutes les excuses possibles pour faire gonfler leur marge bénéficiaire, et donc le prix que le Gouvernement Mondial devrait payer. Et en parlant de ne pas se faire gruger, il y avait une autre possibilité dont ils devaient tenir compte et se prémunir…

« Je ne crois pas que ce délai d’une semaine nous ait été imposé juste pour nous agacer ou parce que Keudver, Portdragon et Malsouin aiment se donner l’air important. » fit-elle remarquer aux subalternes de Gentry, faisant de son mieux pour parler sans se laisser démonter face à ces officiers autrement plus expérimentés qu’elle. Heureusement, Lockwood conseilla à ses camarades d’écouter ce qu’elle avait à dire. « Un bon businessman sait faire d’une pierre deux coups et quoi que nous puissions penser de leur personnalité, ce sont d’excellents businessmen. Je pense qu’ils comptent profiter de cet intervalle pour contacter leurs acheteurs hors de West Blue, et leur faire savoir que nous sommes là pour acheter la marchandise qui devrait normalement leur revenir. Cela aurait pour but de pousser leurs partenaires à proposer un prix plus élevé pour continuer d’être approvisionnés. Un montant dont ils pourraient ensuite se réclamer lors des négociations avec nous, en arguant que ce serait du vol si le Gouvernement Mondial achetait à un prix inférieur, diminuant leurs profits. »

« Un peu comme une vente aux enchères. Ils savent pertinemment qu’aucun autre pays ne peut payer davantage que le Gouvernement Mondial, mais ils peuvent toujours se servir d’eux pour nous faire payer plus que nécessaire. » résuma la blonde, comprenant où elle voulait en venir.

« Exactement, mais si nous pouvons prouver qu’ils conspirent dans notre dos alors qu’ils savent très bien pourquoi nous sommes là, les empêchant de se servir de leur supposée ignorance comme défense, la tactique se retournera contre eux. »

« Cela tient un peu du chantage, mais dans la mesure où ces vautours essayent de nous mettre la pression alors que des vies innocentes sont en jeu, je suis d’accord. » opina un autre officier.

Les chefs du groupe étant tous sur la même longueur d’onde, il fut convenu d’espionner les ondes en question. Les hommes et les femmes affectés aux communications, demandant informations et documents à des contacts situés sur des îles lointaines au moyen de leurs fidèles escargophones, se virent donc confier une responsabilité supplémentaire, celle de mettre les trois magnats sur écoutes. Des gastéropodes télépathes noirs rejoignirent donc leurs congénères plus classiques ou postaux, et les Incorruptibles commencèrent à laisser traîner leurs grandes oreilles.

Ceci fait, Zhihao prit place à côté de Vladescu, en larmes face aux véritables édifices de papier qui se dressaient sur la table : la première fournée de documents venait d’arriver des archives, et il fallait se mettre à la décortiquer.

« Moi qui espérais ne plus jamais avoir à faire ça… » se lamenta la voydove alors que l’anguille électrique s’emparait de deux liasses de papier, une pour chaque femme. Il faudrait pourtant que sa subordonnée s’y fasse : les anciennes membres de la 28ème étaient plus qualifiées pour cette tâche que presque n’importe qui d’autre sur le Lampyris, et même que la majorité de l’équipage du Béluga. Après tout, le Commodore exigeait de ses soldats qu’ils aient des bases solides dans l’ensemble des métiers contribuant au fonctionnement de la flotte, y compris les boulots administratifs, une force de près de 1500 Marines produisant une quantité considérable de paperasse. Logistique, comptabilité, gestion des ressources humaines (ou humanoïdes)… ils y étaient tous passés, ce qui avait de plus permis à leur ancien supérieur de repérer de potentiels nouveaux officiers – ce n’était pas pour rien qu’elle avait employé un argument similaire dans son petit discours aux troupes. Quoi qu’il en soit, cette expérience leur serait maintenant d’une aide précieuse.

Tout cela, Vladescu le savait déjà, aussi Zhihao ne perdit-elle pas de temps pour lui dire d’arrêter de se plaindre : « On se tait et on épluche, sergent-chef. »

« Oui, mon Commandant. »
  • https://www.onepiece-requiem.net/t28416-meng-zhihao-fiche-techni
  • https://www.onepiece-requiem.net/t28387-meng-zhihao-soldat-un-jour-soldat-toujours
« Alors, vous avez bientôt terminé ? »

Vladescu dévisagea sans ciller l’officier du Béluga venu s’enquérir des progrès du think tank. Puis, elle détourna lentement les yeux pour promener son regard sur ses camarades occupant la salle de réunion. L’endroit sentait la sueur, le renfermé et le café bon marché. Les soldats hagards étaient pris au piège, assiégés par des monticules de paperasse. Leur tenue était négligée, leurs yeux cernés, et plus d’un homme arborait une barbe de trois jours. Ayant complété son évaluation, elle fit de nouveau face au gradé et délivra sa réponse d’une voix exténuée :

« Revenez dans un ou deux hectolitres de café et ça devrait être bon, mon lieutenant. »

L’homme cligna des yeux en entendant cette façon particulière de mesurer le passage du temps, mais décida très sagement de ne pas insister. Il repartit en fermant la porte derrière lui, et après quelques secondes pendant lesquelles elle resta planquée comme un piquet, la voydove revint s’installer à côté de sa supérieure d’un pas de zombie.

« Tu ne trouves pas que tu exagères un peu ? » interrogea Zhihao sans lever le nez de sa besogne, la pointe de son stylo dansant à toute vitesse à la surface du papier.

« Tu es la seule à tenir aussi bien le coup. Nous autres, on a plus de caféine que de sang dans les veines, et je n’aime même pas le café. » rétorqua le sergent-chef en inspectant sa propre feuille pour retrouver l’endroit où elle s’était arrêtée.

« Moi non plus je n’aime pas ça, mais je m’en accommode quand même. »

Les deux femmes étaient revenues au tutoiement au milieu de leur première journée de turbin, un relâchement temporaire dû au caractère informel de leur cadre de travail. Cela rendait la communication plus aisée, surtout pour Vladescu qui trouvait bizarre de vouvoyer quelqu’un qui avait intégré la 28ème plus d’un an après elle, et qu’elle avait eu sous ses ordres avant que Zhihao ne la rattrape en grade, puis ne la surpasse.

Cela faisait maintenant trois jours que leur groupe s’échinait à décortiquer des montagnes de documents pour en extraire la substantifique moelle, à la combiner aux données récoltées lors d’une série d’entretiens et de leurs propres observations sur le terrain – le nom de Gentry ouvrait bien des portes de ce côté-là –, plus les renseignements émanant de la mise sur écoutes des magnats de Poiscaille. Comptabilité des entreprises appartenant aux magnats, manifestes des navires marchands indiquant la quantité de poisson de transportée, recensement des habitats de l’île… la moindre bribe d’information avait été disséquée et analysée sous toutes les coutures, synthétisée, contextualisée et avait servi à alimenter arguments et contre-arguments au cours de nombreux débats visant à simuler les futures négociations. Une variété de stratégies avaient été envisagées et testées, des ripostes préparées, et une abondante documentation compilée pour étayer les positions de la Contre-Amirale.

Une telle charge de travail pesait lourd sur les épaules des Marines, surtout avec les délais auxquels ils étaient tenus : pas question de remettre le résultat de leur labeur à la dompteuse de monstres cinq minutes avant le début des tractations, non, il fallait lui donner bien à l’avance pour qu’elle ait le temps de lire ce qu’ils avaient écrit et de faire ses propres remarques. Si elle n’était pas satisfaite, ils auraient bien besoin du temps restant pour rectifier ce qui n’allait pas. Les chefs du groupe s’assuraient toutefois que leurs subordonnés prennent des pauses régulières, et avaient organisé une rotation pour qu’ils puissent sortir se dégourdir les jambes et s’aérer le cerveau en allant sur le terrain. Mieux valait en effet limiter le surmenage : à trop se précipiter, ils augmentaient le risque d’erreurs qu’il leur faudrait corriger ensuite, une perte de temps qui ne ferait que prolonger leur tourment davantage que s’ils avaient œuvré à une allure plus modérée.

Évidemment, même avec ces gardes-fous, ils restaient en sous-effectif pour une besogne d’une telle ampleur, et certains s’en sortaient mieux que d’autres. La femme-poisson avait ainsi dû intervenir plus d’une fois au début pour rappeler à certains de ses subalternes qu’ils devaient écrire dans la langue internationale, et non en schwarzwaldien, s’ils voulaient être sûrs d’être compris. Vladescu n’avait heureusement pas commis de telle bourde ; elle n’aimait peut-être pas rester assise à lire jusqu’à en avoir mal aux yeux et à écrire jusqu’à avoir des crampes au poignet, mais elle était suffisamment consciencieuse pour bien faire son travail.

L’anguille électrique, elle, supportait mieux le rythme ; il fallait dire qu’elle avait été préparée très tôt à ce genre d’exercice, elle qui ne pouvait compter sur ses connexions pour entrer à l’académie militaire de son pays natal, contrairement aux descendants de la noblesse. Elle était donc parfaitement au fait de l’importance des tâches administratives et de la logistique : « une armée marche avec son estomac », comme disait jadis un célèbre général… La voydove l’avait regardée bizarrement lorsqu’elle lui avait expliqué d’où lui venait son aisance relative, avant de s’en retourner à ses documents en marmonnant un « Bien contente de ne jamais avoir eu droit à l’éducation kanokunienne ».

Quoi qu’il en soit, ils arrivaient enfin au bout du tunnel. Au cours de leur quête, ils étaient parvenus à deux grands constats ; le premier fut une confirmation de ce qu’ils soupçonnaient déjà, à savoir qu’il ne suffirait pas de dire à Keudver, Portdragon et Malsouin d’augmenter leur production pour répondre à la demande du Gouvernement Mondial. En effet, ils avaient identifié plusieurs goulots d’étranglement qui empêchaient d’accélérer le processus au-delà d’un certain niveau : le nombre de bateaux et de travailleurs disponibles, l’infrastructure… Ce qui voulait dire que s’ils voulaient se procurer de quoi nourrir tout West Blue, ils seraient obligés de s’accaparer la marchandise normalement destinée à d’autres acheteurs. D’où le stratagème de la « vente aux enchères » que les trois magnats comptaient effectivement employer, à en croire leurs communications escargophoniques.

Sachant que le Gouvernement Mondial, comme son nom l’indiquait, représentait également les nations qui seraient lésées par ce rachat, les militaires avaient tenté de trouver une solution qui conviendrait à tout le monde. Zhihao avait là encore eu l’idée d’exploiter les ressources humaines à sa disposition, car l’équipage du Lampyris était en grande majorité schwarzwaldien, comme l’avait été celui de la défunte 28ème. Cela voulait dire que ses soldats venaient d’un royaume hautement industrialisé, où les usines appartenaient à des centaines d’aristocrates ambitieux et perpétuellement désireux de prendre l’ascendant sur leurs rivaux, qui avaient donc naturellement développé une kyrielle de méthodes pour rendre leurs ouvriers aussi productifs que possible. Une situation bien différente de celle de Poiscaille, dominée depuis des générations par un oligopole dont les trois piliers avaient plus souvent tendance à trouver de petits arrangements entre eux qu’à se faire sérieusement concurrence. Les innovations issues de Schwarzwald ne pourraient pas toutes être transposées à l’industrie de la pêche, mais il y aurait tout de même de quoi optimiser certaines étapes et relaxer quelque peu deux ou trois goulots d’étranglement… ceci dit, il ne fallait pas s’attendre à autre chose qu’une amélioration marginale dans l’immédiat. Pas d’augmentation massive de la production qui permettrait au Gouvernement Mondial d’acquérir de grandes quantités de poissons à bas prix en perspective, donc.

Le second constat né de leur travail s’était imposé alors qu’ils discutaient de la mise en place de ces fameuses innovations. Leur petite opération d’espionnage leur avais beaucoup appris sur le genre d’individus auquel ils avaient affaire, et ils furent bien obligés de reconnaître qu’à moins qu’on ne surveille la façon dont ils répondraient à la commande des autorités de Marie-Joie, le trio de ploutocrates saisirait la moindre excuse pour alourdir la note en réclamant des frais supplémentaires. Ils procéderaient d’une manière délibérément inefficiente, inventeraient de faux problèmes, des manques qui ne pourraient être comblés que si on les payait davantage sous peine de retards de production… tout pour faire cracher plus d’argent à leur commanditaire.

Il n’y avait pas trente-six solutions pour résoudre cette difficulté. S’il pourrait être tentant de faire appel au Cipher Pol, pour que leur souffle chaud dans la nuque des capitalistes motive ces derniers à respecter leurs engagements sans entourloupe, les agents secrets en question étaient aussi très demandés ailleurs, entre autres problèmes qui compliquaient le recours à cette méthode. Ils étaient d’avis de privilégier une approche moins agressive, qui parviendrait au même résultat en livrant à leurs futurs associés un « plan clé en main », détaillant très exactement la manière dont le Gouvernement voulait que sa requête soit satisfaite. Une feuille de route qu’ils n’auraient qu’à suivre, avec une réponse prévue à l’avance pour tout un éventail de scénarios, assortie d’un estimatif des coûts aussi précis que possible. Il serait beaucoup plus difficile pour les maîtres de Poiscaille de gruger les autorités si celles-ci disposaient d’un document exhaustif auquel elles pourraient se référer pour contester leurs excuses.

C’étaient ces deux constats qui avaient drastiquement compliqué la tâche du think tank, rallongeant considérablement leur travail en les obligeant à revoir entièrement leur copie. Mais ils arrivaient enfin au bout de leur peine : alors que le soleil commençait à décliner à l’horizon, ils apportèrent ce qu’ils espéraient être les touches finales à leur document mis au propre, d’où dépassaient de multiples marques-pages pour aider la Contre-Amirale à mieux s’y repérer. Un argumentaire complet, étayé et sourcé, un plan ayant prévu les éventualités les plus improbables pour que les signataires du contrat ne puissent pas invoquer la clause de circonstances exceptionnelles. Et à côté, un résumé de quelques pages, parce que la première chose qu’on apprenait dans ce métier c’était que les officiers supérieurs avaient rarement le temps de se farcir des rapports de plusieurs dizaines, voire centaines de pages ; mieux valait leur donner les grandes lignes, et les laisser consulter la version complète sur les points qu’ils jugeaient bon d’approfondir.

« On a fini... J’arrive pas à y croire... » murmura un soldat, les larmes aux yeux.

« Moi non plus... » soupira Vladescu, avant de tomber à genoux, les mains jointes en position de prière. « Alléluiah ! »

Zhihao leva les yeux au ciel devant une réaction aussi surjouée, mais s’abstint de rabrouer sa subordonnée. Ils avaient bien mérité de se détendre un peu, après avoir autant bossé sur quelque chose qui s’éloignait à ce point de leurs devoirs habituels.

« C’est bon, allez vous reposer. » ordonna-t-elle. « Je me charge d’apporter ça à la Contre-Amirale. S’il y a des modifications à apporter, ça attendra demain. »

Les hourras furent assourdissants lorsqu'elle sortit enfin de la salle pour se diriger vers le Béluga.
  • https://www.onepiece-requiem.net/t28416-meng-zhihao-fiche-techni
  • https://www.onepiece-requiem.net/t28387-meng-zhihao-soldat-un-jour-soldat-toujours