Posté Mar 27 Nov 2012, 17:08 par Rafaelo
Le feu. C'était si attrayant. Une envie irrésistible de plonger ses doigts dans les flammes. Mais au désir se substituait la raison. Implacable et frigide logique. C'était elle qui nous dictait de ne pas céder à la tentation, car le feu rongeait, le feu détruisait. Et pourtant, l'homme ne pouvait s'empêcher de contempler ce bûcher, qui pourrait sonner son glas. C'était le risque du jeu, quant à savoir s'il en valait la chandelle, il en avait son propre avis là dessus. Tout jeu en valait la chandelle, surtout ceux dont le défi dépassait ses aptitudes. Il n'y avait qu'en frôlant l'insondable qu'on se sentait vivre, exister. Paradoxalement, cela s'accordait à merveille avec le risque de mort. Pourtant, en cette soirée, ce n'était pas la mort qu'il redoutait. Non, il redoutait son humanité, il redoutait de pouvoir sortir de ces flammes un de ces jours. Il se retourna, la contempla, reprit son souffle. Il murait ses appréhensions sous la folie de son ego. Elle n'était qu'une femme. Lui, il était Il Assassino, maître de la Confrérie, Assassin du Peuple. Destiné à changer le cours de la Révolution, du moins c'était là son désir. Un savant mélange de vengeance et d'orgueil. Alors il ne pouvait se brûler les ailes à voler aussi haut, non ? Bien sûr que non. Rester à déterminer si elle n'était qu'une simple femme. Il réfléchissait trop. Trop loin. Et cela le ramenait toujours à la même conclusion, mieux valait profiter de l'instant présent. Savourer ce moment d'Eden qui se succèderait à coup sûr à une époque de sang et de douleur. Comme toujours.
Son sourire était provocateur. Il le sentait, elle entrait dans le jeu. Ou elle lui faisait une place dans le sien. Il n'aurait su le dire. Voilà qui amenait le défi à une autre hauteur. Voilà qui rendait les enjeux plus ... attrayants. Un léger sourire se dessina sur le coin des lèvres de l'assassin. Elle ne se trompait pas. Et sa mimique lui renvoyait un indice de plus sur la façon d'être de la jeune femme. Ses propos n'étaient pas dangereux, il était difficile de lui faire imaginer qu'il n'était qu'un godelureau comme les autres après la scène à laquelle elle avait failli assister. Mais il ne savait ce qu'elle sous-entendait réellement par ces mots. Il ne la pensait pas sotte au point de lancer des appâts aussi facilement à la mer. Elle cherchait à le faire flancher ? Ou le perturber. C'était chose faite, ses propos avaient piqué la curiosité de l'assassin. Non, elle n'était pas une simple femme. Il essayait de se raccrocher à cette idée, mais c'était pure folie : ne l'avait-il pas vu depuis son arrivée ? Une simple femme ne pouvait avoir une telle aura. Et n'aurait pas engendré autant de dégâts par un seul clignement de cils. Hum. C'était perturbant. Cela dépassait le cadre du jeu. Retour sur terre, Rafael. Tu es venu tuer Callahan, te rappelles-tu ? Bien sûr que ...... Habile de mes mains ? Ce fut à son tour d'être perplexe. Il plissa les yeux et lui répondit par un sourire carnassier. Il se montrait beau joueur, mais la posture et les mots de Lilou étaient une toile savamment tissée. Voilà donc ce qui se cachait sous la glace ? Ses sens lui criaient de se méfier d'elle. Elle retournait ses armes contre lui avec une simplicité déconcertante. Elle l'empêchait de réfléchir et de garder la distance qu'il s'était imposée. C'était déconcertant de sentir qu'on perdait peu à peu ses moyens. De voir qu'on ne savait quoi répondre. Il ne s'attendait pas à entendre de telles paroles sortir de ses lèvres, autant de franchise mêlée à une telle candeur. Non, ce n'était pas de la candeur, c'était ... et merde, au diable les conclusions hasardeuses ! Il la scruta du regard. Elle venait de lui faire perdre le fil de ses pensées, de le détourner de sa mission. Comment avait-elle réussi ? Il affronta ses yeux avec méfiance, tentant de garder son sang-froid. Mais Lilou s'arrêta soudainement puis posa les mains sur ses hanches.
James Bond ?! Bordel de ... Non. C'était ... Argh !
Le regard méfiant de Rafael se fondit en un masque de froideur. Comment pouvait-elle ? Venait-il de se faire confondre ? Sa main glissa sur la commande actionnant sa dague secrète. Il avança d'un pas, prêt à commettre l'impensable. Toute nuisance à sa mission devait être supprimée. Mais ... elle n'était qu'une civile. Pas une meurtrière. Au diable les préceptes ! Elle ne pouvait pas l'avoir percé à jour. C'était certainement une boutade, ou alors elle était suffisamment sûre d'elle. Elle l'avait amené ici pour garder une longueur d'avance ? Tout ceci ne tenait pas la route. Il n'arrivait pas à cerner Lilou, il n'arrivait pas à la comprendre. Il se partageait entre son envie de la garder en vie ou de la tuer, pour qu'elle n'entrave pas sa mission. La tuer était solution de facilité, et il ne le désirait pas. Il se devait de conserver son aplomb, de faire comme si elle plaisantait, de rire à sa bonne blague, de poursuivre le mensonge. Après tout, James Bond lui-même ne faisait que peu de cas de sa réelle identité. Alors qu'elle le prenne pour lui, ce n'était rien de grave. Du moins il l'espérait. Soudain, une petite boule de cheveux vint frôler ses jambes, rompant le silence gêné qui venait de s'installer, lui sauvant probablement la mise. Lui apprenant, par ailleurs, que sa cible n'allait pas tarder. Hum. Parfait. Il lui faudrait se débarrasser de Lilou avant cela. Ou en trouver un autre usage. Toujours cette fameuse troisième solution qui lui restait sous le coude ...
"Non, ce n'est rien. Cela m'a surpris : je n'aurais jamais pensé avoir quelque chose de commun avec James Bond." répondit-il, avec une voix amusée feinte.
Ce faisant, il posa sa main sur l'épaule de la jeune femme, lui offrant un timide sourire. Il fallait la remettre en confiance.
"J'ai cru que tu essayais de me faire peur, m'amener chez toi, mettre en avant mes ... talents pour mieux m'abuser. Voilà qui ressemble beaucoup à une tactique de ces fameuses 'James Bond Girl', tu ne trouves pas ?" continua-t-il sur le ton de l'humour, ignorant la réflexion sur Callahan pour l'instant.
Rafael caressa la joue de Lilou du bout des doigts, lui relevant le visage. La question sur sa cible tombait au mauvais moment. Cherchait-elle à en savoir plus, ou lui prêtait-il des intentions qu'elle n'avait pas ? Il tenta de conserver le rôle qu'il s'était créé, le personnage qui possédait bien plus de Rafael qu'il n'aurait voulu l'admettre. Il lui offrit un sourire sincère, ne sachant s'il était sage de continuer dans ce sens. Ce jeu commençait à lui plaire un peu trop, et tout autre que lui aurait cessé la comédie avant d'aller plus loin. Mêler sa mission et sa couverture était ... risqué. Mais c'était là un défi palpitant.
"Tu es indiscrète, oui. Mais il serait sot de ma part de nier que j'ai à faire avec Callahan." répondit-il, fronçant légèrement les sourcils.
Indiscrète, ou autre chose. Il se méfiait d'elle sans avoir le courage d'abandonner le jeu. S'il avait failli se mélanger les pinceaux quelques secondes plus tôt, il se tenait sur ses gardes à présent. Il n'arrivait pas encore à savoir si elle ne savait réellement rien ou si elle essayait de l'amener à parler. C'était chose perturbante, mais il avait l'habitude de frayer avec ce second type de personne. Il ne la pensait pas stupide, loin de là. Ainsi se gardait-il de lui livrer le moindre indice. Il n'énonçait que ce qui pourrait passer pour une évidence. Mais la méfiance restait là. Ce qui n'était pas en désaccord avec ses motivations récréatives.
"Et il serait dommage que tu décides de te taire ..." continua-t-il, avec la même lueur dans le regard qu'auparavant.
Elle était plus que jolie avec la rougeur qui s'emparait de ses joues. Elle n'en semblait que plus sincère, et un drôle de frisson parcourut l'échine de l'assassin. Une telle innocence dans la voix de la jeune femme. Ses soupçons restèrent en suspens, mais il n'arrivait presque plus à lui prêter de mauvaises intentions. Ainsi, lorsqu'elle lui fit signe de la suivre au fond de la pièce, il s'accomplit avec une révérence l'invitant à le précéder, comme tout galant homme l'aurait fait. Elle avait vraiment un sourire charmant. Peut être qu'en d'autres occasions, il aurait pu vendre corps et âmes pour une femme de cette envergure. Ou plutôt dans une autre vie. Il n'était malheureusement pas l'homme d'une seule femme, mais l'homme d'une cause. Le fond de la pièce semblait plus propice à la détente, une sorte d'endroit pour se reposer entre deux sessions de travail. Il y avait là quelques biscuits et boissons, auxquelles il ne se risqua pas à goûter. Il préférait ne pas risquer de se faire avoir par excès de confiance. Que ce soit par elle ou par Callahan qui aurait pu le devancer.
"Le Bartitsu, hein ?" minauda-t-il, croisant les bras sur sa poitrine.
"Et bien, c'est plutôt compliqué de faire une démonstration sans partenaire. Ce n'est pas vraiment un art de combat, plus de défense, vois-tu." commença-t-il, éludant l'aspect meurtrier des contre-attaques que les assassins avaient développé sur la base de ce savoir.
"Cela implique, avant tout, de savoir 'regarder'." continua l'assassin, faisant un pas vers la jeune femme.
Il gagna sa proximité, et posa ses deux mains sur ses épaules, plantant de nouveau son regard océan dans ses pupilles. Il sentit un plaisir étrange à cette proximité, mais il ne se laissa pas distraire. Il joignit l'index et le majeur de sa main gauche et les fit courir sur l'arcade et la tempe de Lilou.
"Tout ce qui se passe dans ta tête se voit sur l'ensemble de ton corps. Que ce soit la colère ..." fit-il en passant sur son front et ses sourcils.
" ... la peur ..." poursuivit Rafael, frôlant ses pommettes.
" ... et autres." termina-t-il, glissant ses doigts sur le reste de sa joue, la quittant à quelques millimètres de ses lèvres.
Il faillit s'égarer une seconde dans le regard de la jeune femme mais tint bon. Il rompit le contact, plus difficilement qu'il ne l'avait fait la première fois. Il se recula de deux pas, respirant un grand coup tout en essayant de ne pas se laisser amadouer.
"Lorsque je t'observe, je te vois comme un tout. Que ce soit tes yeux, tes mains. Le mouvement de ton corps dans son ensemble. La façon dont tu poses tes mains sur tes hanches, dont tu relèves la mèche rebelle qui s'égare sur ton visage. Tout cela me renseigne sur toi." lui révéla-t-il, ne sachant si c'était réellement une bonne idée ou non, évidemment, les mots étaient choisis avec soin.
L'assassin écarta les bras, invitant Lilou à l'étudier.
"Tu dois être capable de faire de même avec moi avant d'envisager utiliser les techniques du Bartitsu. Deviner mes intentions avant que je ne les réalise. Me devancer. Tout se passe, avant tout, dans ta tête. Mais une démonstration vaut mieux qu'un long discours." expliqua Rafael, se mettant alors en garde.
"Attaque-moi." ordonna-t-il, un léger sourire sur le coin des lèvres.