Rappel du premier message :
Combien de wagon ? Combien de train t'as raté ? Comment faire pour les rattraper ?
Les mains dans les poches, j’avançai doucement mais sûrement sous la neige et dans le froid. Les pieds dans mes bottes, le bonnet sur la tête et la capuche rabattue, je me lovais dans mon écharpe en essayant de garder ma chaleur. Difficile sur une ile hivernale comme Tequila Wolf, encore plus lorsqu’on n’a pas l’habitude des temps aussi frais. Le nez rougi, bougeant les doigts pour faire en sorte de ne pas les voir tomber, je ne voyais pas à trois mètres devant moi. Le brouillard n’aidait pas, le vent qui soulevait les flocons encore moins, sans parler de la nuit qui était tombée très tôt.
Je ne voulais pas m’éterniser ici, en partie à cause du temps, mais devant les évidences et la charge de travail que je n’arrivais pas à abattre, impossible pour l’instant de prendre le premier navire et de m’enfuir. Bee n’était pas non plus ravi de devoir se terrer ici, mais au moins, il avait su s’adapter beaucoup plus vite que moi. Son plumage avait doublé d’épaisseur en quelques jours, mais il n’osait pas mettre le bec dehors.
Faute au temps.
Faute à l’ambiance de l’ile.
Maitre Callahan m’avait plus ou moins prévenu en m’acceptant dans ses locaux. « Ma petite, ne sors pas sans une arme. Tu dois être la seule minette à des kilomètres à la ronde, et ça va se bousculer au portillon pour te causer. Et pas que pour te causer ». L’île n’était peuplé quasiment que d’hommes bourrus, chasseur-pécheur, des types proches de la neige, proche de la glace, encore plus de la mer. Mais plus des bêtes que des hommes en réalité.
« Si t’as le moindre problème, n’hésite pas à appeler Joe. C’est un bon gars qu’a ce qu’il faut à la maison pour savoir très bien se tenir en compagnie d’une demoiselle. Ou si tu cris assez fort, on pourra venir t’aider ». Bee regrettait à chaque fois de me voir partir vers la taverne la plus proche, lorsque j’allai pour me réchauffer, principalement parce qu’il devait terminer le travail que j’avais du mal à faire dans ces conditions.
Me sortant les pieds de la neige en grimpant sur un trottoir un poil moins recouvert que le reste du chemin, j’activai le pas jusqu’à l’endroit tant désiré. Passant la porte de la taverne, retirant mon écharpe, j’avançai doucement en me dévêtant de toutes les vestes que je pouvais porter. Mes longs cheveux roux tombèrent en cascade sur mes épaules, le visage à découvert, l’on pouvait admirer mes traits fins et mes joues rougies par le froid.Tes mauvaises habitudes sont presque une fierté, tes défauts sont devenus ta personnalité.
La plupart se retourna vers moi, un petit éclat malicieux dans le regard de ceux que je croisais. Pas difficile de savoir ce qu’ils pouvaient penser. Tequila Wolf était un enfer pour moi, je ne m’étais jamais autant senti proche d’une côte de bœuf qu’ici. La chair fraiche semblait être le met préféré des messieurs du coin, et être apparenté à un plat bon à être dévoré me faisait froid dans le dos.
Je m’avançai vers le bar et me hissai sur un tabouret un peu trop haut pour ma petite taille. A peine installé qu’un des convives vint vers moi en s’adossant à l’endroit. C’était un type grand et plutôt baraqué, la barbe naissante et le crâne rasé sous son bonnet rouge. Plutôt du genre bucheron, il était en réalité un très bon pécheur, sinon le meilleur de l’île. Ce statut lui donnait le droit de m’adresser la parole, contrairement à ses petits camarades qui avaient seulement l'autorisation de me regarder. Depuis mon arrivée, j’étais la petite attraction locale : Sur cent hommes, ils devaient y avoir dix femmes. Sur ces dix femmes, la moitié était mariée. L’autre moitié n’était pas forcément plus fréquentable. Et surtout, aucune d’entre elles n’avait la capacité de faire le travail d’un homme ni ma crinière de feu.
« Salut chérie…
- Encore toi ? Mh, un grand chocolat chaud pour commencer, Joe, s’il te plait… »
J’attrapai mes cheveux, les relevant en un chignon parfait. Une mèche s’échappa dans ma nuque, chatouillant la peau nue de mon cou.
« Je me demandai si tu avais réfléchi à ma proposition…
- Mh ? »
Levant le sourcil, Joe m’apporta ma tasse en glissant un chocolat dans la petite assiette à côté. Je le remerciai doucement en plongeant mes lèvres dans le lait bouillant. C’était un petit bonheur. Le feu crépitait dans l’antre de la taverne, qui m’apparaissait presque comme un cocon douillet malgré les fréquentations.
« Ta proposition ? Repris-je sans le regarder. »
Il se pencha un peu vers moi et attrapa ma tasse des mains pour attirer mon attention. Son expression se voulait séduisante, sans vraiment l’être.
« Je me disais qu’on pouvait aller faire un tour sur mon bateau, juste toi et moi. »
Un rire m’échappa. J’en retins la fin en me plaquant la main contre la bouche mais mes yeux s’exprimèrent à la place de mes lèvres. Manquant de m’étouffer, j’eus du mal à récupérer mon sérieux, me tournant avec la larme au coin de l’œil en essayant d’être la plus gentille possible :
« Je ne suis pas intéressée, désolée.
- Mais…
- Non, vraiment. Ne complique pas la tâche et repars la tête haute avant que je te latte les cacahuètes. On évitera l’incident diplomatique. »
L’homme afficha une mine fâchée, se relevant du bar, il repartit en m’insultant dans sa barbe naissante.
Et moi, je replongeai mes lèvres dans ma tasse, savourant mon petit bonheur.
Dernière édition par Lilou B. Jacob le Mar 23 Oct 2012 - 22:47, édité 1 fois