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[T]ime to play the game.

Rappel du premier message :

Combien de wagon ? Combien de train t'as raté ? Comment faire pour les rattraper ?

Les mains dans les poches, j’avançai doucement mais sûrement sous la neige et dans le froid. Les pieds dans mes bottes, le bonnet sur la tête et la capuche rabattue, je me lovais dans mon écharpe en essayant de garder ma chaleur. Difficile sur une ile hivernale comme Tequila Wolf, encore plus lorsqu’on n’a pas l’habitude des temps aussi frais. Le nez rougi, bougeant les doigts pour faire en sorte de ne pas les voir tomber, je ne voyais pas à trois mètres devant moi. Le brouillard n’aidait pas, le vent qui soulevait les flocons encore moins, sans parler de la nuit qui était tombée très tôt.
Je ne voulais pas m’éterniser ici, en partie à cause du temps, mais devant les évidences et la charge de travail que je n’arrivais pas à abattre, impossible pour l’instant de prendre le premier navire et de m’enfuir. Bee n’était pas non plus ravi de devoir se terrer ici, mais au moins, il avait su s’adapter beaucoup plus vite que moi. Son plumage avait doublé d’épaisseur en quelques jours, mais il n’osait pas mettre le bec dehors.

Faute au temps.
Faute à l’ambiance de l’ile.

Maitre Callahan m’avait plus ou moins prévenu en m’acceptant dans ses locaux. « Ma petite, ne sors pas sans une arme. Tu dois être la seule minette à des kilomètres à la ronde, et ça va se bousculer au portillon pour te causer. Et pas que pour te causer ». L’île n’était peuplé quasiment que d’hommes bourrus, chasseur-pécheur, des types proches de la neige, proche de la glace, encore plus de la mer. Mais plus des bêtes que des hommes en réalité.
« Si t’as le moindre problème, n’hésite pas à appeler Joe. C’est un bon gars qu’a ce qu’il faut à la maison pour savoir très bien se tenir en compagnie d’une demoiselle. Ou si tu cris assez fort, on pourra venir t’aider ». Bee regrettait à chaque fois de me voir partir vers la taverne la plus proche, lorsque j’allai pour me réchauffer, principalement parce qu’il devait terminer le travail que j’avais du mal à faire dans ces conditions.
Me sortant les pieds de la neige en grimpant sur un trottoir un poil moins recouvert que le reste du chemin, j’activai le pas jusqu’à l’endroit tant désiré. Passant la porte de la taverne, retirant mon écharpe, j’avançai doucement en me dévêtant de toutes les vestes que je pouvais porter. Mes longs cheveux roux tombèrent en cascade sur mes épaules, le visage à découvert, l’on pouvait admirer mes traits fins et mes joues rougies par le froid.

Tes mauvaises habitudes sont presque une fierté, tes défauts sont devenus ta personnalité.

La plupart se retourna vers moi, un petit éclat malicieux dans le regard de ceux que je croisais. Pas difficile de savoir ce qu’ils pouvaient penser. Tequila Wolf était un enfer pour moi, je ne m’étais jamais autant senti proche d’une côte de bœuf qu’ici. La chair fraiche semblait être le met préféré des messieurs du coin, et être apparenté à un plat bon à être dévoré me faisait froid dans le dos.
Je m’avançai vers le bar et me hissai sur un tabouret un peu trop haut pour ma petite taille. A peine installé qu’un des convives vint vers moi en s’adossant à l’endroit. C’était un type grand et plutôt baraqué, la barbe naissante et le crâne rasé sous son bonnet rouge. Plutôt du genre bucheron, il était en réalité un très bon pécheur, sinon le meilleur de l’île. Ce statut lui donnait le droit de m’adresser la parole, contrairement à ses petits camarades qui avaient seulement l'autorisation de me regarder. Depuis mon arrivée, j’étais la petite attraction locale : Sur cent hommes, ils devaient y avoir dix femmes. Sur ces dix femmes, la moitié était mariée. L’autre moitié n’était pas forcément plus fréquentable. Et surtout, aucune d’entre elles n’avait la capacité de faire le travail d’un homme ni ma crinière de feu.

« Salut chérie…
- Encore toi ? Mh, un grand chocolat chaud pour commencer, Joe, s’il te plait… »

J’attrapai mes cheveux, les relevant en un chignon parfait. Une mèche s’échappa dans ma nuque, chatouillant la peau nue de mon cou.

« Je me demandai si tu avais réfléchi à ma proposition…
- Mh ? »

Levant le sourcil, Joe m’apporta ma tasse en glissant un chocolat dans la petite assiette à côté. Je le remerciai doucement en plongeant mes lèvres dans le lait bouillant. C’était un petit bonheur. Le feu crépitait dans l’antre de la taverne, qui m’apparaissait presque comme un cocon douillet malgré les fréquentations.

« Ta proposition ? Repris-je sans le regarder. »

Il se pencha un peu vers moi et attrapa ma tasse des mains pour attirer mon attention. Son expression se voulait séduisante, sans vraiment l’être.

« Je me disais qu’on pouvait aller faire un tour sur mon bateau, juste toi et moi. »

Un rire m’échappa. J’en retins la fin en me plaquant la main contre la bouche mais mes yeux s’exprimèrent à la place de mes lèvres. Manquant de m’étouffer, j’eus du mal à récupérer mon sérieux, me tournant avec la larme au coin de l’œil en essayant d’être la plus gentille possible :

« Je ne suis pas intéressée, désolée.
- Mais…
- Non, vraiment. Ne complique pas la tâche et repars la tête haute avant que je te latte les cacahuètes. On évitera l’incident diplomatique. »

L’homme afficha une mine fâchée, se relevant du bar, il repartit en m’insultant dans sa barbe naissante.

Et moi, je replongeai mes lèvres dans ma tasse, savourant mon petit bonheur.


Dernière édition par Lilou B. Jacob le Mar 23 Oct 2012 - 22:47, édité 1 fois
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« Pas la peine de montrer les crocs, de jouer au lion avec moi. J’ai connu plus féroce. »

Je lâchai ça, sur sa tenue, sa position dominante, le regardant droit dans les yeux. Si lui était le prédateur, j’étais de toute évidence la proie. Mais très vite, les places ne me semblaient plus si bien définies. Parce que je ne me sentais pas non plus en position de faiblesse, que je savais lire le langage des traqueurs, et qu’en tant que proie, j’avais appris à les comprendre, à les anticiper, à les désamorcer. Et à les fuir. Pourtant, j’avais l’impression que chacun de mes mots ne faisaient que jeter de l’huile sur le feu qu’il y avait entre nous. A un point ou je ne savais plus si je le déstabilisai ou si je le contentai dans sa position de prédateur. Si je ne m’affichai pas en tant que proie, il n’aurait aucune raison de vouloir me chasser. Si je m’affirmai comme dominante, il voudrait me prouver que je ne suis pas de cette trempe. Et si j’étais sa proie… alors j’étais finie. Rien de plus. Rien de moins. Il n’y avait aucun gagnant derrière cette joute verbale qui n’en finissait pas. Et cet homme qui se cachait derrière ses grands mots pour ne pas admettre ce qu’il était : personne, a priori. Rien d’autre qu’un « rien » visible, qu’une ombre. Et qu’il n’en était sans doute pas si heureux que ça. Pour l’honneur, peut-être. Pour la cause, sûrement. Mais aucune cause de vaut sérieusement la peine de sacrifier des vies. Encore moins la sienne.

« Tu n’es qu’un lionceau effrayé qui veut être le roi de la jungle. »

Déclaration franche. C’était ce que je ressentais. Et ce que je savais pour le coup, le voyant mis à mal par une simple rencontre d’un soir pour des bêtises de séduction et de jeu. Un petit garçon qui grognait pour avoir le pouvoir, la considération des autres. Qui clamait après, sans savoir comment l’obtenir. Ou alors, parce que c’était moi, parce que j’étais trop brute, aussi explosive que ces volcans qui construisent des montagnes, que ces montagnes qui forgent des îles… Et trop au fait du mensonge, en finalité.

« Qu’un idiot qui me parle de tempérance alors qu’il ne sait pas ce que ça veut dire. Un forcené qui me bave sur la vérité alors qu’il ne prend même pas la peine de la regarder en face. En fait… Qu’est-ce que tu connais, toi, et tes grands maux, à la vérité ? Et qu’est-ce que tu vas faire, maintenant ? Me fuir ? Me frapper ? Me faire taire ? »

Crescendo, encore, dans ce que j’envisageai. Quelle option choisir ? La troisième, peut-être ? Comme si je pouvais sérieusement peser sur sa conscience et sur son jeu. Comme si j’étais vraiment capable de l’empêcher de faire. Je n’étais rien sur sa route, surtout pas une embuche. Même pas un caillou trop insurmontable pour qu’il ne poursuive sa voie. Et pourtant, c’était sur moi qu’il butait, à présent. Et c’était devant moi qu’il montrait les crocs en se voulant terrifiant. C’était moi qu’il voulait dominer, alors que je n’étais personne. Encore moi qu’il souhaitait soumettre, à faire tressaillir de peur rien qu’en songeant à lui. Mais la peur était ma sœur, le manque ma meilleure amie. La mort, une personne si familière que je ne la craignais pas vraiment.
A tort, ou a raison. Qu’importait.

« Qu’est-ce que tu attends ? »
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C'était si simple. Tendre le bras, laisser la dague coulisser hors de sa gaine et la planter. Remonter le long de l'abdomen, cisaillant chair et boyaux. Si simple et si difficile à la fois. Et le pire, c'était qu'elle avait raison. Pourquoi toutes ces mises en scène ? N'aurait-il pas été plus simple de trouver ses cibles dans la nuit entre deux portes, de les tuer d'une dague bien placée ? Pourquoi ce besoin de jouer la comédie, de s'enticher de cette femme ? Se prouver qu'il était humain, qu'il n'était pas qu'une dague dans la nuit ? Elle avait raison, il n'était qu'un lionceaux, qu'un imbécile qui se refusait à se cantonner à son propre rôle. Un incapable qui n'arrangeait pas les choses. Si les contacts humains n'étaient pas tolérés, ce n'était pas pour rien. Et pourtant, il se refusait à abandonner. Elle était farouche. Indomptable. C'était distrayant. Plaisant. Il ne se laissa pas impressionner. Il en connaissait beaucoup qui lui crachaient dessus à l'orée de la mort, qui le traitaient de tous les noms. Lui savait ce qu'il était, et dans la majeure partie des cas, cela suffisait. Mais ce soir, non. Il avait envie qu'elle sache. Il désirait que quelqu'un, au moins, soit au courant. Pourquoi elle ? Le hasard, certainement, une lubie adolescente était plus probable. Refuser de se cantonner à son rôle était le dernier refuge pour lui. La probabilité qu'il soit encore maître de son destin, et non pas condamné à tuer jusqu'à ce qu'il soit lui même tué.

Rafael encaissa les paroles de Lilou sans broncher. Elle parlait sans savoir, mais à qui la faute ? Elle ne faisait qu'avec ce qu'elle voyait, ne comprenait pas où il voulait en venir. La rouquine avait fait vibrer une corde en lui, une corde qui ne répondait pas à ce plaisir insolent du jeu de la manipulation. Bien sûr, tout était parti de là, mais après il avait perdu pied. Lorsqu'on éprouvait une indifférence totale à nettoyer ses habits maculés du sang de dizaines de personnes, comment s'imaginer pouvoir frayer avec les autres humains sans les dénigrer ? La mort était devenue quotidienne, et sa tâche lui interdisait l'attachement. L'amour menait à la peur. La peur menait à la haine. Et la haine ... Peu importait. Il cheminait sans peur ni regrets, ou presque. Il leva sa main gauche, et la glissa sur la joue de la jeune femme, toujours en la regardant droit dans les yeux. Il ouvrit les doigts de sa main gauche, prenant une grande inspiration. Il glissa sa main jusqu'à sa nuque, tout en maintenant le contact, puis raffermit sa prise et l'embrassa. Baiser fugace, glacé. Pourtant, il se retira avec un sourire énigmatique, empreint de mélancolie.


"Je me demandais si j'avais encore une âme." répondit-il, relâchant son étreinte.

Quelque fut la réponse à cette question, il la garda pour lui. Dans les entrelacs mécaniques de sa poitrine, un grondement sourd et régulier lui répondait. Et comme pour toute chose, la vérité n'était jamais une chose agréable à entendre. Il sentait l'ironie lui vriller les tympans, lui qui mettait en garde Lilou contre sa question quelques secondes auparavant.


"Je ne connais pas la vérité. Je connais seulement son envers et les maux que cela engendre, les dégâts que de simples mots peuvent faire. Mais aujourd'hui ce n'est pas ce que je suis venu chercher. Je sais à présent pourquoi je me suis arrêté sur toi." lui confia-t-il avec un sourire un peu plus reluisant.

Qu'elle l'ait démasqué ou non n'aurait que peu d'incidence. Callahan venait de gagner un sursis, un simple avertissement en lieu d'une mort brutale et inexpliquée. Un sursis pour ne pas se compromettre. Bien qu'il ne devait pas se compromettre, enfreindre cette règle s'était révélé lucratif, en un sens. Mais la situation venait simplement de prendre une tournure encore plus étrange que précédemment. Le jeu du chat et de la souris était terminé. Les masques étaient tombés, et l'assassin avait abandonné l'idée de garder le secret sur sa réelle nature. Autant jouer franc jeu, ce n'était plus l'heure des grandes manipulations. Mais quant à savoir si se lâcher, en quelque sorte, était sage, c'était une autre histoire. Pour l'heure, un étrange frisson lui parcourait l'échine, ainsi qu'une certitude qui venait de s'ancrer en lui. Il ne savait s'il devait remercier la providence ou la maudire pour une telle soirée, mais toute expérience était bonne à prendre. Il était faillible, ce qui faisait de lui quelque chose de plus qu'une simple dague. Le propre de l'homme était l'ensemble de ses forces et de ses faiblesses. Ses doutes et ses certitudes. Mais ce soir, il savait qu'il possédait bien un semblant d'âme. Pourtant, avec cette découverte venait un sombre constat. S'il possédait encore une âme, voilà bien longtemps qu'il l'avait abandonné aux ténèbres.
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J’avais senti ses lèvres sur les miennes, pression simple, contre lui, les mains posées sur son torse sous la surprise de son geste. Mais je m’étais laissée faire, sans réussir à fermer les yeux, à le quitter un instant. Fascinée, étonnée, il s’était reculé après ce fugace échange. Fugace, mais bien réel, me laissant un temps démuni de tous moyens de répliquer. Encore moins de comprendre. De me protéger. De quoi ? De lui. De ce qu’il faisait naitre, connaitre, comprendre. Me protéger ce qu’il y avait au fond et qui s’agitait avec cette rencontre. Je le fixai toujours, le cerveau sur pause, avec une mine improbable. Un peu pantoise, oui. Voilà. Comme s’il venait de me donner ce que j’attendais depuis un long moment. Comme si j’obtenais ce que je voulais, mais qu’après coup, il m’en fallait plus. Et c’était terrifiant. Honnêtement effrayant.
Mais sa voix teinta dans le silence comme une clochette au milieu d’un désert. Et il s’interrogea. Plus ou moins sur lui, sur son passé, sur ses choix. Sur les décisions passées qui l’avaient amené à être ce qu’il était aujourd’hui. A se demander s’il avait encore une âme. Au fond… Oui, certainement. Comme tous les monstres. Simplement oubliée, étouffée, mais bien présente. Peut-être trop laissée à l’écart pour être encore palpable. Mais ce n’était pas à moi de répondre à Rafael, parce que je n’avais rien à lui dire de plus. Rien à lui glisser, aucun jugement à porter. Nous n’étions qu’une rencontre d’un soir, et il était peu probable que nos chemins se recroisent un jour.

Son sourire se fit plus sincère. Ou du moins, je le supposai comme tel. Plus beau, aussi. Différent, surtout. Sur ce masque austère et froid, après ce baiser qui nous avait rendus si proche, si distant à la fois. Rafael n’était pas en demi-mesure, ni en demi-ton. Il était une couleur à part entière, que je n’aurais su définir. Sombre. Comme les ténèbres. Mais saisissant, qui prenait le cœur, qui arrachait les tripes. Glaçant comme cette île, rêche comme le bois, brute comme la pierre. Un peu comme un diamant qui n’attendrait que d’être poli. Encore un peu. Pour être comme tous les autres. Sa voix s’éleva encore, une nouvelle déclaration. Il me fallait réagir. Un peu. Dire quelque chose :

« Pourquoi ? »

Je me surpris. Moi, dire cela ? C’était inconscient, un lapsus s’immisçant entre nous à mon insu. J’aurais pu rougir, mais je me ravisai presque immédiatement, retirant mes mots en balbutiant un peu :

« Non, laisse. »

Honteuse, je fis tout de même face. Pourquoi ? C’était une bonne question. Mais ce n’était pas le propos. Ce n’était que de l’égocentrisme, du narcissisme. De la curiosité, comme toujours. A la fois, savoir pourquoi moi, c’était la seule question que j’avais à lui poser. Alors, au lieu de continuer cette conversation, qui ne changerait rien, ni pour lui, ni pour moi, je me mis sur la pointe des pieds et lui offris, à nouveau, un baiser. Aussi court que le sien. Plus timide, probablement. Plus simple, aussi. Plus chaud, surtout.

« Je ne te retiendrai pas. Demain, quand tu partiras, tu reprendras ton déguisement là où tu l’as laissé ce soir. Comme s’il ne s’était rien passé. Je ne dirais rien, à personne. Je n’ai rien à dire. Et tu n’auras qu’à partir de Tequila Wolf sans te sentir inquiéter de quoique ce soit. »

Me remettant à sa hauteur se m’étendant, sur la pointe des pieds, je passai mes bras autour de son cou, passant les doigts dans ses cheveux délicatement. Regard tendre, je lui fis un sourire, m’avançant de son visage doucement :

« Mais là… On n’abandonne pas ce qu’on a. On ne revient pas en arrière. Pas encore. »

Et je l’embrassai. A nouveau, lascivement, me perdant moi-même dans ce que j’offrai. Mais ce perdre, ou se retrouver, entre l’être et l’avoir, pour une nuit, ce n’était pas grave. Tant que ce n’était que pour une nuit, que ça n’allait pas plus loin. Qu’il n’y avait pas de « demain ». Seulement un « maintenant ». Et qu’on ne se compromettait que pour l’occasion. Alors, ce soir, je n’abandonnai pas. Ce soir, j’étais avec lui. J’étais à lui. Et j’avais l’inconnu. Je l’avais, lui.

J’avais Rafael.
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Pourquoi chercher à feinter, à se dérober alors que la vérité était la plus simple des choses. À se vêtir de mensonges, on en oubliait que les mots ... n'étaient bien souvent que des mots. Que quelqu'un se moquât de son identité, de ce qu'il était et de ce qu'il représentait, c'était déroutant, rassurant. Elle n'était là que pour un soir, et déjà il se sentait plus vrai qu'il ne l'avait jamais été. Il se sentait humain, réel. Assassin. Un tout qui se mélangeait, dans chacun de ses mensonges il y avait assez de vérité. Et pourtant, ce n'était jamais assez. Juste là, en cet instant, il était complet. Bas les masques, finie la comédie. Rien de plus simple qu'un contact humain, que les lèvres d'une femme. Mais lorsque cette femme vous regardait droit dans les yeux, perçant le déguisement sans se détourner, c'était différent. Plaisant, dangereux et palpitant. Il y avait entre cette distance laissée par les questions de Lilou et la vérité sur l'assassin. Pourtant, c'était ce qui les rapprochait en cet instant. Accepter que cela ne durerait pas, profiter de l'instant présent sans passé ni futur. Quoi de plus réconfortant que d'oublier le monde pendant une nuit ? Il aurait bien pu prendre feu, l'assassin déposait les armes. Il serra le poing, baissa son bras. Ses pulsions n'étaient pas encore maîtresses de lui, pas toutes. Il savoura ce second baiser avec un sourire triste. Il n'attendait plus rien de sa part et encore une fois, elle venait lui prouver qu'il avait tort. Que même dans les plus sombres situations, il ne fallait pas s'embarrasser des faux-semblants et que nombre de choses se résolvaient le plus simplement du monde. Que tirer comme leçon de cette rencontre ? Qu'un baiser arrangeait toujours les choses ? Balivernes.

Il ne se perdit pas dans le sentiment que le procurait cette proximité. Il connaissait cet état, timide prélude à leur soirée. C'était l'instant de grâce, le moment opportun où deux destinées allaient se croiser pour ne plus jamais se revoir. Elle avait raison, après tout, quel mal y avait-il à faire une exception ? Le lendemain, il aurait disparu à l'aurore, et cette fois, pas besoin de ruser ou de mentir. Juste à être là, entre eux. C'était peut être la rencontre la plus saine qu'il n'avait jamais faite. Une rencontre qui l'avait fait vibrer quelques instants, lui rappelant les bienfaits de la dernière parcelle d'humanité qui lui restait. La raison pour laquelle il se battait s'en trouvait confortée. Tout comme il savait qu'une fois cette nuit passée, il maudirait ce souvenir, empreint de faiblesse et de niaiserie. Mais son crédo ne le lui interdisait pas. Comment se battre pour ses semblables si on perdait ce qui nous rapprochait d'eux ? Trop de questions sans réponses, qui se tournaient sur le lendemain. Il n'avait qu'à remettre au lendemain, se contenter de l'instant présent. Peut-être que ce soir, il profiterait du fait de n'être que Rafael, et pas Il Assassino. C'était certainement ça, la vérité, au fond. Il Assassino n'était qu'un déguisement, le déguisement par dessus tous les autres. Lorsque les masques tombaient, ne restait plus que lui. Et le baiser de Lilou.

L'assassin glissa sa main dans le dos de la jeune femme l'attirant contre lui. Il ne parlait plus, se contentait de la chaleur, de la proximité. Il tenait entre ses mains un feu qu'il ne désirait voir s'éteindre. Peu importait qu'il désirât voir son sang couler, rutiler sur sa gorge de nacre. Hier et demain n'existaient pas, seul comptait la nuit. Que demander de plus ? Il eut une petite pensée pour tous les types qui les avaient lorgnés au début de leur soirée, lui tirant un sourire amusé. Quelle serait leur réaction, à présent ? Une raison de plus pour s'attribuer Lilou pour lui. Penser qu'elle ne dirait rien en voyant son bracelet, qu'il n'avait pas à le cacher. Plus de problèmes, sinon ceux qu'il se créait. Pour la première fois, il serait l'homme d'une femme. Pour une nuit certes, mais il serait sincère. Là était toute la différence.


"Merci."
lui répondit-il, à voix basse.

Pourquoi ? Car elle avait compris. Car elle saurait. Son monde changerait à cause de lui, elle quitterait Tequila Wolf à cause de lui. Tous maudiraient l'étranger, mais aucun ne se souviendrait de lui avec exactitude. Callahan partirait pour ne plus revenir. Il ferait ses bagages, prendrait la première barge pour rejoindre le continent. Mais l'assassin le trouverait avant et le tuerait. Lilou se retrouverait seule à Tequila Wolf, sans son maître. Sans protection. Elle saurait se défendre, certes. Mais pour combien de temps ? Mais là n'était pas le problème de l'assassin. Callahan avait réussi à la protéger, après tout. Ainsi que sa famille. Mais cela ne faisait pas de lui un innocent. Jamais. Il se sentait un brin coupable. Elle ne lui demandait rien en retour, mais il allait lui prendre tellement. Une folle idée lui traversa la tête. Ce n'était pas la première fois, mais il doutait de sa pertinence. Surtout que ce n'était qu'une autre de ses pulsions. Une chose irréalisable, et pourtant, cela paraissait si simple. Si simple, mais impossible. Une troisième solution, utopique. Naïve. Jamais la cause n'accepterait cette femme. Il n'y avait que lui, Rafael, pour la désirer en cette soirée. Mais qu'elle rejoigne son monde, c'était hors de question. Désirait-il l'éloigner de lui, la préserver de son combat ? Peut être tout cela à la fois. Elle représentait son échec, ainsi que la raison pour laquelle il existait encore. Tant qu'il y aurait de l'espoir, il y aurait des hommes comme lui, sacrifiant leur vie au nom d'une idée.

Pas question de vie, ou d'idée ce soir. Ne comptait plus que ce baiser, que ce fragment de paix. Jusqu'à l'aube.

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Jusqu’à l’aube.

Jusqu’aux premiers rayons du soleil perçant, à travers la petite fenêtre de ma chambre, doucement à travers les lourds nuages qui recouvraient le ciel. Ils chassaient cette nuit que je n’aurais jamais voulu voir se terminer. Baignant la pièce d’une lumière chaude, contrastant avec le temps de ces derniers jours. A Tequila Wolf, le soleil reprenait enfin ses droits. Trop faible, pourtant, pour faire fondre cette neige tenace, qui, l’espace d’une matinée, avait arrêté de tomber.

Jusqu’aux premiers clignements d’yeux, premier réveil depuis longtemps, au côté d’un inconnu qu’on ne connaissait que trop. De sentir sa chaleur rassurante, emmitouflée dans cette couette qui m’avait protégé, une nuit de plus. Nuit courte, certes. Mais toujours quelques heures de sommeil qui m’avaient fait du bien. L’éveil fut de courte durée, car à peine avais-je ouvert les yeux et admiré cette lumière rougeoyante que mes paupières s’étaient lourdement refermées. Je m’étais retournée, tirant à moi la couverture pour m’enrouler à l’intérieur. Je ne l’avais pas entendu râler. Encore moins s’en aller, quelques minutes après. Je m’étais assoupie en le sentant à côté. Et puis, j’avais oublié.

Jusqu’à leurs départs. A eux. A lui, d’abord. Premier que j’avais pu noter en me levant, quelques heures après, n’entendant pas le bruit habituel des machines qui travaillent. En descendant les marches pour retourner dans le hangar, toujours plongé dans le noir. Feu éteint, silence de mort. Mes pas m’avaient mené dans son bureau ou le message était passé. Callahan était parti. Alors, j’étais remontée, parce que je m’étais sentie seule, et j’avais constaté, non sans une pointe de regrets, que ce que je sentais n’était pas autre chose que la réalité. Rafael était parti.

Jusqu’aux constatations de rigueur. Personne ne comprenait, personne ne savait ce qui s’était passé, ni pourquoi le gros Callahan avait mis les voiles. Sa famille n’avait pas de nouvelles, sa petite fille ne savait plus quoi dire. Ses propres enfants ne savaient pas quoi penser. Et moi, je n’avais pas de mots pour les rassurer. Une vague pensée plus tard, je comprenais, que peut-être, l’étranger qu’il était l’avait fait fuir. Un étranger un peu trop étrange. Comme lui. Comme l’archer de mon île, de passage. De ce genre qui marque une vie. Comme l’autre, lui, et son sourire terrible. Qui laisse derrière lui de cicatrices.

Jusqu’aux premiers soupirs, devant la glace, les cheveux en bataille. En me demandant ce que je faisais encore là, à moisir sur ce caillou. En quelques heures, ou le moindre choix prenait toute son importance. Et où je me demandais pourquoi je me laissais pourrir ici. Là. Au milieu de nulle part, dans un coin que je détestai plus que tout au monde. Avec des gens que je haïssais plus que moi-même.

Jusqu’aux bonnes décisions. De celles qui basculent une vie, de celles qui renversent un monde.

Jusqu’aux affaires que l’on plie, encore. Encore une fois. Une fois de plus, pour un autre départ qui n’aura pas de conséquences, qu’on pense. Des valises que l’on jette sur une barque, au milieu de la mer, en embarquant seulement son courage et son meilleur ami. Sous les regards des autres, hébétés, qui ne savent pas comment nous retenir. Sous le froid et la neige, qui, après tant de temps de réflexion, s’est remis à tomber. Sous les avertissements de tous « tu ne devrais pas partir ce soir, c’est dangereux ». Et à moi, de répondre que c’était plus dangereux de s’éterniser sur un rocher gelé. Aux sourires des femmes qui m’encourageaient à partir. A celui, triste, d’une petite fille qui perdait une amie. Un ami. Un grand père. Pour un inconnu qui, peut-être, n’en valait pas tant la peine. Ou du moins, essaye-t-on de s’en convaincre.

Jusqu’au large, en songeant, le nez levé vers le ciel, qu’on a pris la bonne décision. Peut-être. Oui, peut-être. Qu’on a fait les bons choix. Peut-être. Seulement peut-être. Qu’on a fait des bêtises, sûrement. Plus qu’on y pense, en fait. Sans savoir que nos actions coutent la vie à un autre. Qu’on aurait pu l’éviter. Enfin. Tout ça. Pour rien. Pour tout. Pour lui. Pour nous.

Jusqu’à l’horizon, que l’on regarde depuis des mois.

Jusqu’à la nuit, notre toit pour la soirée.

Jusqu’au froid, qui ne fait plus mal.

Jusqu’à l’aube. Enfin.
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