Nous arrivons enfin, Kanbei et moi, à proximité des portes de la prison. Collé au mur d'enceinte, à couvert des miradors, je ne peux que corroborer mon hypothèse : il y a bien un équipage pirate qui attaque le bâtiment. Un équipage qui semble suivre un plan simple mais très efficace, à savoir celui de la diversion, au vu de l'agitation qui règne à l'intérieur de la zone carcérale, et qui ne semble pas uniquement causée par les bombardements du navire pirate. Je jète quelques rapides coups d'oeil autour de moi. A priori, pas de gardes. Ce n'est pas vraiment étonnant qu'il n'y ait personne, au vu du foutoir qu'il doit y avoir, là dedans. Je me pose quelques secondes pour réfléchir, en essayant de me mettre à la place du capitaine de l'équipage assaillant. Pourquoi attaquer une prison, en particulier ? Une seule solution plausible me vient à l'esprit : pour libérer un camarade prisonnier, bien sur. J'en déduis donc que le capitaine de cet équipage est un abruti fini, qui n'a rien à voir avec quelqu'un de ma splendeur, moi, le grand Lloyd Barrel. Jamais je ne mettrais ma vie en danger (non pas que je risque quoique ce soit en attaquant une prison, je suis beaucoup trop fort pour ça) pour rattraper les erreurs de mes larbins. Et je crois d'ailleurs qu'ils le savent. En plus... Ils sont tous prêts à mourir pour moi et pour ma grandeur, donc il n'y a aucun problème à ce niveau là. Ce point là a beau être éclairci, il reste toujours une zone d'ombre. En effet, même si l'équipage pirate attaque avec un bateau qui sert de diversion, il n'y a pas assez d'agitation dans l'enceinte pénitentiaire pour qu'elle soit causée par un grand nombre d'hommes. C'est donc forcément que le groupe d'assaut n'est composé que d'un petit nombre de pirates... Et qu'ou ils sont inconscients, ou ils sont particulièrement puissants. Bah dans les deux cas, ce sera la même chose pour nous, les Avalons. On va profiter de tout ce remue-ménage causé par l'autre équipage pirate. Et du tumulte de la bataille, on émergera, en position de force, et on fera un truc tellement classieux que la marine en restera baba, et m'attribuera enfin la prime que je mérite. Et pour être sûr qu'ils se souviennent du grand Lloyd Barrel, j'ai prévu une petite sacoche pleine de mes avis de recherches, à distribuer en arrivant. Si avec ça, on ne commence pas enfin à me respecter, c'est qu'il y a un problème...
"T'en penses quoi ?", demandé-je à Kanbei, toujours à couvert.
"De ?", répond t-il, comme hébété.
"A ton avis ? La situation. Comment on aborde ça.""Bah... Le mur est lisse et haut. Et j'ai la flemme de réfléchir à comment l'escalader. Et y'a des miradors. On passe par la porte principale ?""C'est fou, complètement fou. Mais j'aime cette idée.""Avalonnesque !", s'enjaille t-il.
"Digne de moi, le grand Lloyd Barrel, ton estimé capitaine !""Euh, ouais... Exactement...", termine t-il, exaspéré. A mon avis, il en a marre d'attendre, et veut foncer dans le tas directement. Et bien, vas-y Kanbei. Fais moi honneur. J'hoche la tête, lui donnant le feu vert, le signal du départ.
Immédiatement, il se décolle du mur d'enceinte, tire son fusil à canon scié de sa bandoulière dorsale, et l'amorce. Il fonce ensuite vers la porte d'entrée, et se met en joue dès qu'il est dans l'ouverture, exposé. Et là, rien ne se passe. Même une attaque
Trempette aurait été plus efficace. Bref, mon second tourne la tête vers moi, et, l'air blasé, me fait signe de venir. J'avance tranquillement vers lui, un peu déçu, comprenant qu'il n'y a rien à se mettre sous la dent. Je me retrouve donc, quelques secondes plus tard, devant une grande porte d'acier, sans aucun garde aux alentours, et un Kanbei qui bouillonne de rage.
"Bordel, je me sentais trop d'y aller à la Django là, d'arriver, de plonger, de faire un bon gros "Bam ! Bam !" sur du AC/DC, et avec une petite explosion dans le fond pendant que les cadavres des marines retombent au sol ! Ça aurait été trop classe !""Ouais, mais manque de bol, ils ont du rentrer à l'intérieur. Il doit quand même y avoir un sacré micmac là dedans...", dis-je lentement. C'est marrant quand même. On devrait être contents, en tant que pirates qui veulent pénétrer dans une prison, qu'il n'y ait pas de gardes en faction devant l'entrée. Mais non. Nous, aux Avalons, ça nous fout les boules, ça nous énerve. Surtout Kanbei. C'est bien celui qui aime le plus leur taper dessus. Enfin, leur taper dessus... Les exterminer de façon plutôt dégueulasse, en fait. Bref, toujours est t-il qu'on est devant la porte. Et qu'il y a personne pour nous ouvrir.
"Bon alors j'ai une autre idée. On retourne au bateau avec la chaloupe, on demande à Viald de nous envoyer de la poudre à canon et sa chemise. On la déchire, on met la poudre dedans, et on referme le "sachet" avec une petite ficelle. On en fait plusieurs. Hmmm... A peu près quatre, je dirais. Ca devrait suffire. On les dépose ensuite ici, là, là et là. C'est les points critiques de la porte. Grosso merdo, si on fait péter les charges au même moment, on fait entrer le métal en résonance, et on devrait, en théorie, arriver à faire péter la porte...", commence t-il, dans son délire. Je ne dis mot. Il continue, en voyant la tête que je tire, et prend même un bâton pour me faire des schémas et m'écrire des formules sur le sol :
"Je te sens un peu incrédule... La résonance est un phénomène selon lequel certains systèmes physiques sont sensibles à certaines fréquences. Regarde, si on écrit le rapport entre amplitude et réponse à une amplitude, cela donne ça :Tu vois ? Cela dépend de la masse, de la raideur, et de l'amortissement ! Bon alors, la porte est surement en X6Cr17, je dirais, à vue de nez. C'est un acier inoxydable ferritique, donc de module d'Young à peu près a 210 000 MPa, et de densité... Euh... Allez, ça doit taper entre 7,5 et 8,1. Ça coûte pas cher, mais c'est de la merde en barre. Bref, ça peut marcher... Non, non, même ! Ça marchera à coup sûr ! Tu en dis quoi ? Je pars préparer la chaloupe ?, finit t-il... ENFIN. Je crois qu'il a pas compris que j'en ai rien à foutre de ses explications d'ingénieur à la manque. Enfin... En temps normal, quand ça peut-être utile, pourquoi pas... Mais là, pourquoi s'embêter à faire résonner des trucs et je ne sais quoi encore quand on a avec soi... Le grand Lloyd Barrel, bien sur !
"Sinon on n'a qu'à toquer...", dis-je tout simplement. Je sens que je brise Kanbei dans son élan.
"Tu es sérieux ?""Oui, bien sur. Il suffit de nous annoncer.", commencé-je. Puis, en m'écriant :
"Je suis le grand Lloyd Barrel, capitaine des redoutés Avalons... !""J'y crois pas... En plus, j'avais un si beau plan...", dit Kanbei en se facepalmant.
Je prends alors une grande inspiration, j'arme mon poing pour "toquer", et...
"ET JE VEUX ENTRER DANS CETTE PUTAIN DE PRISON !", hurlé-je, en allant écraser mon poing contre la porte en X6Crbidulemachin. Pas besoin d'entendre le metal respirer ou quoi que ce soit du même genre. J'ai juste frappé de toutes mes forces. Aie, ça fait mal. Le contact froid avec le metal ferritrucmuche est particulièrement douloureux... Mais surtout pour la porte, qui s'explose littéralement sous l'impact de ma frappe, sortant de ses gonds et se découpant en plusieurs morceaux... Qui tombent sur des marines qui se trouvaient juste derrière (et qui avaient sûrement été attirés par mes cris), visiblement très surpris de se prendre la porte sur la tête. Enfin, plus bouches bées et ébahis que surpris, en fait. Un peu comme Kanbei, dont il est étonnant que la mâchoire ne se décroche pas.
"Tu devrais fermer la bouche quand tu réfléchis, tu as l'air con.", lui dis-je tout simplement.
"La vache ! Tu cognes vraiment vraiment fort !", dit-il, toujours la gueule ouverte.
"Hé. Oh. Je suis le grand Lloyd Barrel, oui ou non ?", commencé-je, avant de me rendre compte que les marines écrasés s'étaient relevés. Je sors alors les avis de recherche de ma sacoche et commence à leur jeter dessus :
"Vous m'avez vu ? Je suis le grand et fabuleux Lloyd Barrel, capitaine de l'équipage des Avalons, et je viens mettre mon grain de sel dans ce joyeux merdier ! Ah, et lui, c'est Kanbei Wanajima, mon second ! Essayez de vous souvenir de nous quand on vous demandera qui vous a retamé !", finis-je en pointant Kanbei du doigt.
"Qui nous a retamé... ?""Les amoche pas trop.""Roger that, cap'tain.", dit-il en dégainant son pistolet d'une main et en tirant dans les jambes des pauvres marines, qui se tordent de douleur en tombant au sol.
"Aaaaaaaaaaaaargh !""Bah tu vois que tu es capable d'épargner des gens aussi, de temps en temps.""Ouais, ça va, je suis pas un monstre non plus... Mais en fait, c'est plus que si je les tue, ils peuvent pas répéter qu'on est des brutes et tout.""Oui, tu as a peu près compris le schmilblick.""Bordel de pirates ! Ça fait un mal de chien, vous allez nous payer ça ! Que quelqu'un sonne l'alerte, intrusion dans le secteur A1, viiiiiite !""Ah ouais, ouais, sonnez l'alerte ! C'est bon pour la réputation ça !""Clair !""Tiens sinon, il y a une cour principale, ou quelque chose du genre dans le coin ? Je préfère l'air frais.", demandé-je au bonhomme en l'agrippant par le col.
"Euh... Oui, oui. Tout au bout du couloir, première à gauche, puis deuxième a droite. Vous pouvez pas vous paumer, c'est fléché en plus.""Le grand Lloyd Barrel vous remercie ! Dites à vos collègues qu'on va là-bas tant que vous y êtes ! Et je vous laisse quelques avis de recherche, donnez leur !", leur dis-je en m'exclamant et en leur lâchant sur la gueule quelques "prospectus". Nous partons donc, Kanbei en moi, vers la cour intérieur, tandis que les marines discutent et gémissent entre eux.
"Mais putain, pourquoi tu leur as indiqué le chemin de la cour, abruti !""T'inquiète, aaaargh. On va donner l'alerte en allant à l'infirmerie, tout va bien se goupiller.""Mais c'est là où se trouvent les autres pirates déjà, je te rappelle !""Oui, oui, mais c'est aussi la que se trouve le Commodore... Il ne va en faire qu'une bouchée...""Oh, pas con !"Sauf que ça, on est trop loin pour l'entendre. Bah, pas grave. Ça fait toujours un peu d'animation, ce qui n'est pas plus mal. J'ai besoin de prouver à tout le monde que je suis le meilleur, au moins ce ne seront pas les occasions qui vont nous manquer. Nous arrivons finalement dans la cour, après avoir suivi les informations (exactes !) du marine... Et là, on tombe nez-à-nez avec une femme en train de crier à la mort, un marine avec une cape en train de transpercer un type bizarre encapuchonné et avec des chaines de partout. Bizarre. Mais bon, le truc bien, c'est qu'à peine arrivés, les regards se tournent vers nous. Je m'empare alors des avis de recherche et les lance à tout va, m'écriant :
"Je suis le grand Lloyd Barrel, capitaine de l'équipage des Avalons, et je vais tous vous coller une raclée dont vous vous souviendrez !"Je suis assez fier de mon entrée. Et puis, maintenant, c'est plus comme avant. Les marines ne rigolent plus quand je me présente. Enfin, pas tous. J'en vois certains qui sont stupéfaits, et qui tirent de sacrées tronches de cake. Bientôt, mon nom sera craint sur toutes les Blues, et même jusque dans Grandline et le Nouveau Monde ! Je suis soudainement coupé dans mes pensées par l'alarme de la prison, qui vocifère dans toute la base :
"Alerte rouge, deux autres pirates ont investi la base, et sont dans la cour intérieure ! Tous les pirates qui se sont introduits dans le secteur y sont, tous les hommes disponibles sont donc priés de s'y rendre, afin de le mettre en état d'arrestation ! Ceci n'est pas un exercice, je répète, ceci n'est pas un exercice !"Quoi ? Tous les pirates sont là ? Une faucheuse à moitié morte et deux gonzesses ? C'est ça qui attaque la prison, en plus du bateau que j'avais vu un peu auparavant ? Mais c'est que ça pourrait bien être la merde, si on est aussi peu contre autant de marines, il faut envisager de se replier ! Le grand Lloyd Barrel ne s'avouera pas vaincu, mais pas question de mourir bêtement à cause de l'autre équipage !
"Kanbei ! On se trouve une position et on la tient ! On reste pas au milieu de la bataille comme le mec à moitié mort là-bas !""Compris !", me répond mon second en créant une brèche au fusil à canon scié dans le cercle de marines qui s'était rapidement formé autour de nous. Nous fonçons alors dans un couloir adjacent à la cour. Kanbei tire dans le tas, crachant sa mitraille à tout va, tandis que je défonce à coups de poings les quelques hommes qui arrivent au corps-à-corps. Ces pirates... Ils attaquent vraiment une prison avec trois personnes et un bateau, et comme ça, de front ? Non, c'est impossible, ils doivent bien avoir des renforts... Surtout s'ils se font tuer comme ça...