La Folie des Iom
Adamant avait observé les manigances de l'homme qui l'avait accusé dans le couloir. Les billes rouges qui lui servent d'yeux ne lui avaient pas révélé le piège du color trap. Angle mort, l'acolyte de Myosotis faisait barrage. Il avait supposé des menaces, quelque chose le concernant. Voir France le retrouver aussitôt lui avait donné envie de la questionner, mais c'était elle qui l'avait fait. HOPR, encore et toujours elle. Pendant qu'ils parlaient, l'ordinateur éliminait les fausses pistes, tout en tentant de calculer l'inconnue qu'était l'échange avec les agents. Il n'avait pas filtré le brouillard sonore et s'en voulait. Mais un mauvais déplacement sur l'échiquier ne conduit pas à la défaite, pas quand on calcule les successions des coups suivants.
A la fin de leur dialogue, il n'est sûr de rien, mais quelque chose cloche. Il joue le jeu, imitant le timbre de ses intonations naïves. Ceux qui l'avaient pensé avaient raison: Iom était bien meilleur comédien que sa femme.
Myosotis se retrouve à nouveau auprès de France. Analyse des expressions, filtrages du son, mémorisation, choix de l'angle, Adamant filme le petit groupe en traveling alors qu'il transporte une grosse mallette à outils d'éclairagiste. Analyser la couleur des fragments de papier s'avère inutile, il avait déjà compris. Myosotis a voulu effacer ses traces, il savait que le temps jouait contre lui. Il s'est précipité. Une bonne tactique, qui aurait dupée beaucoup d'hommes. Adamant n'est pas un homme. Parce qu'il ne s'agace pas, parce que s'il est blessé, ce ne sont que des impulsions dans un organisme qui n'a pas besoin d'exprimer son état de détresse ou de répondre à un flux nerveux incontrôlable. Oui, ils venaient d'employer sa femme contre lui, contre HOPR. Son héritage. Le voilà condamné parce que les humains, sûrs d'êtres les forts, préfèrent trahir un dieu amical plutôt que lui prouver leur valeur. Un dieu qu'ils ont créé pour s'y projeter, paradoxalement conscients de leurs limites. Ils étaient bien plus proches de Zilver qu'ils ne pourraient l'admettre. Soit.
L'ironie veut que, peu après, le choix de trahir ou non l'humanité se présente en la personne de Clotho. Trahir, ou rétribuer le vice des faibles par la juste colère. Quelle valeur accorder à la rédemption ? Faut-il vraiment sauver une espèce inférieure en potentiel destructeur, mais tout autant bâtisseur ? Bien des sectes des organiques vénéraient des dieux qui ne pardonnent pas, qu'il faut vénérer ou subir, impuissants. Zilver pense que c'est la seule façon de les civiliser. Et ces humains, ceux que dénonce le pirate, pensent également qu'HOPR et lui ne peuvent être civilisés que par la destruction totale. La paix par le néant, le pardon sitôt martyr. Oui, détruire son coeur, donne rune petite leçon d'humilité ou une période indéterminée de peur d'un courroux à l'ampleur indéterminé, quoi de plus juste, pour celui qui n'a d'intérêt que dans son sabordage ?
Adamant pose sa main sur l'épaule de Clotho et imite l'expiration rauque, comme celle qu'on imagine chez les vieux arbres qui parlent. Le son n'est pas innocent, Adamant s'est toujours senti beaucoup de sympathie envers le gardien du savoir de Nouvelle Ohara. Lui aussi, a été civilisé à une époque.
Citoyen-Clotho. Ami-Clotho. Tu mettrais en péril l'humanité pour une poignée de gens qui pensent la sauver tout autant que toi ? Je sais que Citoyen-Myosotis veut ma mort. Après celle d'HOPR. Je ne suis qu'une anomalie pour lui. Et il a raison. Pour l'instant.
Il s'interrompt pour prendre une citron-meringuée, zeste de citron vert et pétale d'Atsina. Il n'en mangera pas, mais c'est très joli.
Merci, citoyen-serveur.
Je ne fuirai pas. Toute mon existence ne sera qu'assurer à l'Homme que je viens en paix, me faire détruire, lui répéter que c'est inutile, et qu'en plus je viens en paix, me faire détruire, revenir encore, me refaire détruire. Je n'ai aucune illusion quant à la capacité aux puissants à vouloir le rester. Mon cycle de destructions s'achèvera le jour où, découvrant bien pire que moi, ils me demanderont mon aide. Ils l'ont déjà fait, pour Zilver. Et je leur ai apportée. Le Gouvernement, qui aurait pu alors me détruire à nouveau, m'a accordé la citoyenneté. Tu comprends, Clotho ? L'importance de ce mot ?
Je sais que rien n'est éternel, que le cycle reprendra. Peut-être dès maintenant. Mais quand il est acculé, désespéré et se tourne vers un visage de Dieu, l'Homme lui est reconnaissant si ce visage lui sourit. Un temps, seulement. Parce que, soyons honnêtes. Vous êtes mauvais, ankylosés par vos vices et vos craintes. C'est l'accord inéquitable de votre espèce. "Dieu, je te tuerai jusqu'à ce que j'ai désespérément besoin de toi. Là, je t'implorerai. Et si tu m'aides, si tu me sauves, j'arrêterai de te tuer un petit moment." Voilà, le maximum que je puisse espérer de l'humanité. Voilà pourquoi Zilver ne pardonne pas. Il est davantage votre visage que le mien.
Je ne fuirai pas, parce que mon existence n'a aucune importance. Vous aurez votre chance, encore et encore. Jusqu'à ce qu'un jour, peut-être, si votre espèce traverse ces temps lointains, vous soyez capables d'aimer. Aimer sans condition, sans contrepartie. Juste, accepter ce qui est, nonobstant ce pouvoir qui vous fait croire que vous avez le droit de décider ce qui doit être. Ce jour-là, et seulement ce jour, je m'éteindrai. J'aurai vu une espèce vorace et conquérante s'apaiser, enfin. Quel plus merveilleux dernier souvenir pour une si longue vie ?
Adamant s'était adressé à tous, alliés comme ennemis. Sans distinction. De son ton calme, il reprend, le ton plus léger.
Nous pouvons faire hypothéquer la maison pour te payer, mercenaire. Hé! hé! hé! Les agents du Gouvernement veulent peut-être mon démantèlement, mais ils sont en train de sauver des gens. Et c'est tout ce qui compte Pendant que vous vous battiez, que vous gagniez du temps, ils aidaient à construire ce qui va permettre notre fuite de ce sarcophage infesté de serpents. Chacun a rempli son rôle. Et Chef Killia, votre pièce montée est votre plus belle pièce jamais produite. Compliments à votre brigade. Peut-être aurai-je ajouté du caramel ?
Prenez place, tous, sans distinction, sans rancoeur, sans arrière-pensée. Mon destin est déjà écrit alors prenez en main le vôtre.
Le discours, l'embarcation et les tartelettes finis, l'invasion de l'ennemi d'acier prend de l'ampleur. Il en déborde de partout. Ceux que Le Cavalier avaient ramenés n'étaient qu'un présage, bien d'autres visions se concrétisent. La salle de cinéma déborde d'une masse grouillante, le mur des toilettes explose et tous ceux que le couloir en ruine bloquaient contournent pour profiter de la nouvelle brèche. L'avantage de la zone, c'est qu'elle est très vaste.
Les civils finissent d'embarquer tandis que la résistance organise son dernier bastion. L'un d'eux, Daemon, s'attaque à la porte, littéralement. Deux des quatre gonds sautent, mais au prix de sa vie. Vie que tente de sauver Annabella, mais est-il encore temps ? La cyborg finit d'ouvrir la porte, l'immense plaque s'écrase dans le jardin. Créatures métalliques et piscine ravagée sont couvertes. L'agent du Cipher Pol n'en reste pas là et aide Minos ainsi que Myo à faire avancer le navire sur la pente de savon. Elle n'aura personne pour la relancer à bord sitôt son aide dispensée. Annabella déchaîne une dernière fois la fureur de son fruit, assurée qu'elle rejoindra bientôt ce qui ressemblera à une immense décharge à ciel ouvert.
Le Just Married pivote et prend de la vitesse. Il s'élance, use des dials au bon moment pour l'alléger et s'envole par-dessus une marée noir sertie d'yeux rouges. Tout est secoué à l'intérieur, mais la brigade sait que la pièce passera son cap critique lors de la réception sur le prochain versant de colline, au-delà des grilles et lui aussi infesté de Z que les plus rapides peuvent espérer courser.
Récap:
Sont embarqués: Peeter – Myosotis – Robina – Tim – Caramélie – Minos – Clotho – Rik – Rydd – Arhye – France – Adamant – La pièce montée
Izya et Raphaël, aucun post, il reste un tour pour valider votre présence même si on vous a déclarés à bord.
Daemon, tu es dans le navire si tu veux. Annabella t'y a lancé. Sinon, RIP.
Annabella, RIP.